«Président des riches», un titre dont avait été affublé Nicolas Sarkozy en son temps. La parenthèse François Hollande refermée, Emmanuel Macron n’aura pas tardé à reprendre cet encombrant flambeau. Depuis son arrivée au pouvoir, plusieurs décisions marquantes ont été prises aux niveaux social et fiscal, notamment la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et son remplacement par un impôt sur la fortune immobilière (IFI) ou encore la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU), sorte de «flat-tax» à hauteur de 30% sur les revenus du capital.
Très critiquées, ces mesures ont produit des effets qu’ont pu mesurer plusieurs études. En octobre dernier, France Stratégies, organisme rattaché à Matignon, donnait déjà de premières indications concernant la suppression de l’ISF et la mise en place du PFU. Son rapport notait que ces deux décisions avaient respectivement coûté à l’État entre 2,9 et 3,2 milliards d’euros pour la suppression de l’ISF et entre 1,4 et 1,7 milliards d’euros pour le PFU.
«Les contribuables à hauts revenus, eux, peuvent se frotter les mains. Le passage de l’ISF à l’IFI s’est notamment traduit par une baisse du nombre des personnes assujetties, de 360.000 à 130.000», expliquait Le Parisien à l’époque.
Le 19 novembre, c’est l’INSEE qui publiait son «portrait social» de la France. Et le rapport risque de faire jaser. Les effets des mesures sociales et fiscales mises en œuvre par l’exécutif en 2018 ont fait progresser le niveau de vie des 10% des ménages les plus modestes de 0,5% quand celui des 10% les plus aisés a augmenté de 1,2% en moyenne.
Les données intègrent les évolutions concernant les prestations sociales, les prélèvements directs et indirects, comme les taxes sur le tabac ou les produits pétroliers, tant décriées et en partie à l’origine du mouvement des Gilets jaunes.
Mauvais timing
La transformation de l’ISF en IFI a permis à 350.000 ménages de toucher le jackpot avec en moyenne une augmentation des revenus d’environ 10.000 euros. Quant à la baisse de 30% de la taxe d’habitation, elle a bénéficié aux ménages concernés, qui ont pu voir leur pouvoir d’achat augmenter de 170 euros en moyenne.
À l’autre bout de l’échelle sociale, les plus démunis ont été impactés par la hausse des taxes sur le tabac et les produits pétroliers, notamment ceux vivant dans les zones rurales et périurbaines.
Et les mauvaises nouvelles s’enchaînent pour Matignon et l’Élysée. La très suivie «Cash Investigation», émission de France 2 présentée par Elyse Lucet, consacrait en partie son dernier numéro diffusé le 19 novembre à la politique fiscale mise en place depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Le ton de l’émission penche clairement dans le sens du rapport de l’INSEE. Certaines séquences sont révélatrices, comme celle montrant Elyse Lucet se rendre à un rassemblement de grands patrons français à Aix-en-Provence.
«Interrogé sur les économies d’impôts qu’il a pu faire grâce à ces réformes, le patron du MEDEF, Geoffroy Roux de Bézieux, refuse de répondre: “Ça ne vous regarde pas, premièrement. Le secret fiscal, ça existe”. Même réponse du côté des autres patrons. “Je ne vais pas vous parler de mon patrimoine”, répond l’un; “Non, non, ça, c’est personnel”, répond un autre», note France info.
Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, a dégainé son clavier pour twitter son désaccord avec l’émission de France 2, préférant publier le graphique d’un rapport montrant, selon lui, que la politique fiscale du gouvernement a profité aux classes moyennes.
La publication du rapport de l’INSEE et la diffusion de Cash Investigation interviennent dans un contexte explosif pour le gouvernement. La colère sociale gronde et la mobilisation du 5 décembre, avec de multiples appels à la grève et à manifester venant autant des secteurs des transports que des personnels hospitaliers, pompiers, étudiants, Gilets jaunes et même possiblement policiers fait craindre le pire à l’exécutif, qui redoute la «coagulation», en d’autres termes: la convergence des luttes.