«On est inquiet de ceux qui ne se disent pas que ça va être difficile. Parfois il y a des matamores, des gens qui disent qu'il faut aller plus vite, que les Français veulent la fin des régimes spéciaux... Mais une fois que tu as dit ça, tu n'as rien dit... Car il y aura du monde.»
À l’AFP, ce conseiller du gouvernement prévoit une journée chargée sur le front social le 5 décembre. C’est la date qu’ont notamment choisie la SNCF et la RATP pour faire grève. «Ça va être très fort», prévient le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez. Conscients que la situation est explosive, les Français sont 71% à penser qu'elle va «s'inscrire dans la durée», selon un sondage BVA publié le 15 novembre. Le Premier ministre Édouard Philippe s’attend lui aussi à des turbulences et lors du petit-déjeuner de la majorité le 12 novembre dernier, il a appelé les cadres de LREM à serrer les rangs.
Car cette grève n’est pas le seul souci du gouvernement. Le 14 novembre, des milliers de personnels de santé, médecins, infirmières et autres urgentistes ont défilé dans les rues de plusieurs villes afin de dénoncer ce qu’ils considèrent comme la casse de l’hôpital public. Emmanuel Macron a déclaré avoir «entendu la colère et l’indignation» et a promis un «plan d’urgence conséquent» et des «décisions fortes» qui seront prochainement annoncées. Et elles ont intérêt à l’être, d’après les manifestants qui ne comptent pas abandonner la lutte.
«Si le gouvernement ne fait rien, on empirera le mouvement. On va voir ce qu'il va nous annoncer et on décidera de la suite», a notamment confié à RMC Armelle, infirmière dans la ville de Bourges depuis plus de 20 ans.
À Lyon, les personnels soignants ont été rejoints par des sapeurs-pompiers en colère. Ces derniers estiment n’avoir pas été entendus par le gouvernement après leur manifestation nationale du 15 octobre qui a vu des affrontements entre soldats du feu et policiers.
Rémy Chabbouh, secrétaire général du syndicat Sud, confiait récemment à Sputnik France que les pompiers en colère s’apprêtaient à passer à d’autres modes d’action.
«Aujourd’hui, nous concernant, c’est la dernière manifestation traditionnelle avec parcours d’un point A à un point B et déclaration en préfecture. Nous avons prévu d’autres modes d’action à compter de début décembre. Étant organisateur, je peux vous en parler. Nous comptons investir pour plusieurs jours, voire plusieurs semaines, une célèbre place parisienne. Nous partons déjà sur une période allant du 2 au 6 décembre. L’installation sera durable, avec barnums et lits. C’est une nouvelle forme d’action qui a pour but d’amener à une convergence aussi bien des professions qui ont les mêmes contraintes que nous, que de la population en général.»
Il assure que nombre de ses collègues sont «prêts à rejoindre les Gilets jaunes». Le mouvement, qui a d’ores et déjà marqué l’histoire des contestations sociales en France, célébrera son premier anniversaire ce samedi 16 novembre. De nombreux manifestants sont notamment attendus dans la capitale.
«Les 16 et 17 novembre seront deux journées énormes. Nous sommes là pour marquer le coup. J’appelle l’ensemble des citoyens français, porteurs du gilet jaune ou pas, à nous rejoindre pour tenir le terrain pendant deux jours et montrer à Monsieur Macron que nous sommes toujours présents que nous allons nous rappeler à son bon souvenir», prévenait récemment dans nos studios Jérôme Rodrigues, l’une des figures des Gilets jaunes.
Face à cette situation, des proches de l’exécutif ont expliqué vouloir déminer «point par point». Le Président Emmanuel Macron souhaite maintenir son cap malgré le fait que, selon lui, l’opposition souhaite pousser pour cette «coagulation» des luttes.
«Il y a beaucoup de gens qui y œuvrent. Ils ont pour projet politique le désordre», a-t-il lancé. Avant d’ajouter: «Moi je suis là pour continuer à transformer le pays. Je ne m'arrêterai pas.»
Dans son entourage, pas question de céder à la panique. «Une coagulation n'a rien d'inéluctable», a analysé un conseiller de l'Élysée. «Sur l'hôpital il y a une urgence. Mais ce n'est pas le cas pour la réformes des retraites où le gouvernement n'a absolument pas l'intention de passer en force», a-t-il précisé.
Même son de cloche du côté d’un parlementaire LREM cité par l’AFP: «Pour l'instant, ce sont des intérêts particuliers qui se manifestent chacun dans leur coin. Et les Gilets jaunes, on ne sait pas trop qui ils représentent aujourd'hui.»
La secrétaire d’État Marlène Schiappa se veut plus prudente. Selon elle, l'exécutif demeure «vigilant sur ce qui peut se passer», comme elle l’a confié à l’AFP:
«On est dans une situation imprévisible dans la mesure où il y a une forme d'ubérisation des syndicats, parfois dépassés par leurs membres. Il y a, de ce fait, une difficulté accrue de la question des négociations.»
Le 15 novembre, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a admis des «douleurs pour un certain nombre de catégories professionnelles». Et a prévenu que si le gouvernement comptait apporter des réponses, elles ne seraient pas toutes financières:
«À chacun, nous apporterons une réponse, mais les réponses ne sont pas systématiquement des réponses budgétaires.»
Reste à voir si elles convaincront la rue.