Face au libéralisme, «les peuples sont en train de réaffirmer leur besoin de protection»

Selon un sondage IFOP réalisé pour Sputnik France, les peuples des principales puissances occidentales sont de plus en plus hostiles au modèle de société dans lequel ils vivent. Contacté par Sputnik France, Ali Laidi, économiste, fournit quelques clés de lecture concernant cette hostilité croissante au libéralisme.
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Le libéralisme, un modèle à bout de souffle? C’est une question qui semble devenir de plus en plus pertinente dans le monde occidental. Qu’il s’agisse de l’Europe ou de l’Amérique du Nord, par les urnes ou dans la rue, le libéralisme est plus remis en question aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été depuis la chute du mur de Berlin il y a 30 ans.

C’est d’ailleurs ce que vient confirmer un sondage de l’IFOP pour Sputnik.Opinion.

Face au libéralisme, «les peuples sont en train de réaffirmer leur besoin de protection»

Ce sondage, qui compare le point de vue des populations de cinq puissances occidentales sur le libéralisme démontre d’ailleurs la tendance des peuples à être de plus en plus hostiles à ce modèle de société. Pour la France et l’Italie, la tendance est presque catégorique, ce sont respectivement 80% et 73% des sondés qui réclament le besoin d’un modèle alternatif.

Ce qui semble plus surprenant, c’est que même dans des pays de tradition libérale, voire néolibérale, la tendance n’est pas favorable à ce modèle de société. Que ce soit en Allemagne (61%), aux États-Unis (60%) ou en Angleterre (58%), bastions du modèle libéral, une majorité des sondés souhaitent aller vers un modèle alternatif. Contacté par Sputnik France, Ali Laidi, chercheur et auteur de plusieurs ouvrages sur les guerres économiques, livre quelques clés de lectures concernant cette hostilité croissante au libéralisme. Entretien.  

Sputnik France: Comment expliquer, en France et ailleurs, l’hostilité croissante vis-à-vis du libéralisme?

Pour la majorité des Français, le libéralisme est en crise

Ali Laidi: «En France, il y a toujours eu une tradition de rejet et de méfiance vis-à-vis du modèle libéral, ce qui n’est pas le cas des Anglo-saxons ou des Allemands, notamment après la Deuxième Guerre mondiale. Cette méfiance ne fait que se nourrir, depuis une trentaine d’années, de ce qu’il se passe depuis l’application du néolibéralisme par l’axe Thatcher-Reagan. Il y a d’ailleurs une ironie dans le fait que ceux qui ont ouvert cette parenthèse néolibérale sont les premiers à la voir se refermer: aux États-Unis avec Donald Trump, et en Angleterre avec le Brexit. Dans ces deux pays, les peuples sont en train de réaffirmer leur besoin de protection dans cette mondialisation qu’ils ont contribué à mettre en place. En France, la financiarisation de l’économie, l’accroissement des inégalités, dues à cette mondialisation sont venus nourrir cette méfiance originelle.»

Sputnik France: Existe-t-il un modèle alternatif crédible à ce modèle?

Ali Laidi: «le problème est que pendant trente ans, nous avons mis un couvercle sur la réflexion alternative. Souvenez-vous du fameux acronyme de Margaret Thatcher TINA, pour dire There Is No Alternative (il n’y a pas d’alternative). Regardez d’ailleurs les prix Nobel d’économie de ces trente dernières années: ce sont essentiellement des néolibéraux. Il y a eu très peu de place pour la pensée critique ou alternative, et à cause de cela, on manque aujourd’hui d’alternative à ce modèle.»

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Sputnik France: N’existe-t-il pas des pistes de réflexion?

Ali Laidi: «Ce qui me semble clair, c’est que si modèle alternatif il y a, il devra s’articuler autour du squelette de la lutte contre le changement climatique ou –et ce n’est pas pareil– l’adaptation au changement climatique. On le voit dans la plupart des partis de gauche, qui se rallient à la thèse expliquant que le prochain modèle de société doit s’articuler autour du changement climatique.»

Le sondage a été réalisé du 2 au 15 octobre par l’Institut français d’opinion publique auprès de 1.019 Américains, 1.003 Français, 1.001 Italiens, 1.004 Britanniques et 1.004 Allemands. Cette étude est représentative de la population selon les critères de sexe, d’âge et de répartition géographique. La marge d’erreur est de 3,1% pour un intervalle de confiance de 95%.

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