#privatisercestvoler, tel était l’intitulé de la campagne commune menée par une quinzaine d’organisations et partis de gauche contre la privatisation d’Aéroports de Paris. Alors que le Conseil constitutionnel annonçait le 6 novembre avoir enregistré 924.000 soutiens à l’organisation d’un référendum d’initiative partagée (RIP) sur la question, le PS, LFI, PCF et EELV, Fakir et Attac –entre autres– se sont mobilisés pour diffuser sur leurs réseaux sociaux un clip vidéo. Sachant que le seuil de 4,7 millions de signatures doit être atteint avant le 12 mars 2020 pour déclencher la procédure de référendum, cette opération de communication peut-elle réellement relancer la course aux signatures?
Une mobilisation qui va de pair avec d’importants soubresauts sociaux concernant les réformes sur les retraites et l’assurance-chômage. Les leaders des Gilets jaunes, ainsi que les cheminots et personnels de la RATP, ont d’ores et déjà prévu pour les premiers de manifester le week-end du 16 et 17 novembre, pour les seconds de lancer une grève illimitée à partir du 5 décembre. Sputnik a interrogé une figure de la gauche, Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail et auteur de Macron ou la casse sociale (Éd. de l’Archipel), sorti en février 2018.
Sputnik France: Comment expliquer cette nouvelle mobilisation contre la privatisation d’ADP? Croyez-vous franchement atteindre les 4,7 millions de signatures?
Gérard Filoche: «Les aéroports, comme les autoroutes, comme les barrages hydrauliques, comme bien d’autres biens publics, appartiennent aux habitants de ce pays et on ne voit pas pourquoi on les braderait à des actionnaires qui ne vont faire qu’en tirer profit au détriment des besoins si grands de l’État pour ses services publics. Nous sommes à 920.000 signatures, le premier million de signatures est à portée. Ça se fera dans quelques jours ou dans quelques semaines. Et il restera encore trois grands mois pour avoir les 3,7 millions suivantes.
Mais Emmanuel Macron a dit que s’il y avait un million [de signatures, ndlr], c’était significatif. Tout le monde sait que le chiffre de 4,7 millions a été fixé de façon dissuasive pour qu’il n’y ait jamais de référendum. Dès que nous aurons un million, il y a quand même une pression sur Macron pour organiser le référendum. Je pense que si nous passons le million, ça relancera l’intérêt partout dans le pays et qu’il peut y avoir les 4,7 millions de signatures.
Sputnik France: Vous étiez inspecteur du travail, vous êtes opposé à la réforme de l’assurance-chômage. Vous appelez ça un massacre. Pourquoi? Quels sont les enjeux de cette réforme?
Gérard Filoche: «Monsieur, vous parlez d’une réforme. C’est un terme inapproprié. Il n’y a plus d’assurance-chômage. Il n’y a plus de cotisation chômage. Auparavant, il existait une assurance qui figurait sur le salaire, avec les cotisations des salariés et les cotisations patronales, c’est fini. C’est étatisé maintenant. Ça dépendra des choix du seul gouvernement et non pas de l’importance des cotisations que les salariés font pour se protéger eux-mêmes face au chômage.
Ça ne se justifie en rien d’ailleurs, parce que l’assurance-chômage qui existait, c’était une assurance, il y avait tant qui était collecté et tant qui était reversé, il y avait équilibre. Il y avait plus de rentrées en cotisations qu’il n’y avait d’indemnités versées. En fait, l’argent était utilisé à autre chose, faire de la formation, à faire fonctionner Pôle emploi, etc.
Sputnik France: Vous décrivez un contexte social très dur. Pensez-vous que cela se traduira dans la rue?
Gérard Filoche: «Les choses se conjuguent. Macron fabrique des pauvres. Ça va être des dizaines de milliers de gens qui vont être poussés à la rue. Ils vont perdre leur logement, ils n’auront plus à manger, iront aux Restos du Cœur. C’est un fabricant de pauvres. C’est un coup de matraque donné contre ceux qui ne peuvent pas se défendre parce qu’ils n’ont plus de travail. Mais ceux qui ont un travail peuvent le comprendre, et vont peut-être additionner leur espoir de mettre fin à cette politique antisociale de Macron, avec les luttes telles que celle des Gilets jaunes, des cheminots, celle de la RATP, de tous ceux qui ont compris que toute leur retraite était en jeu, et qu’ils allaient y perdre tous. Je milite pour une grande mobilisation.»