Derrière son allure fière et confiante, Ghislaine Tessa Ketcha, 43 ans, est une passionnée de l’immobilier et une fervente militante du développement durable. Diplômée de l’École spéciale des travaux publics de Paris et titulaire d’un MBA décroché à la Sorbonne Business School, elle a mis sur pied au Cameroun Millenium Immobilier SA, une entreprise de BTP spécialisée dans l’écoconstruction. L’entrepreneure entend ainsi promouvoir la construction des maisons qui respectent les principes du développement durable.
«Ces principes consistent à assurer le bien-être des générations actuelles sans compromettre celui des générations futures. Les maisons écologiques que nous proposons sont donc des logements conçus et construits pour avoir le moins d’impact possible sur l’environnement tout en apportant un meilleur confort aux habitants», explique l’entrepreneure au micro de Sputnik.
Une initiative née de l’ambition de Ghislaine Tessa d’apporter une innovation dans le secteur immobilier en Afrique qui touche directement les populations.
«J’étais préoccupée par le changement climatique et je voulais avoir un impact direct sur la vie des gens», confie-t-elle fièrement.
Et pour ce faire, Ghislaine Tessa a créé Millenium Immobilier SA, son entreprise spécialisée dans la construction des maisons écologiques avec comme principal matériau «l’Ecobrik», la brique de terre spécialisée (BTS). Un choix que nous présente l’ingénieure.
«Les raisons sont simples: la fabrication de la BTS consomme peu de ressources. La terre est prélevée à proximité du chantier et, avec un apport d’une très faible quantité d’eau et une infime quantité de ciment pour la stabiliser, on obtient le matériau final. L’aspect esthétique de la brique permet de se passer de revêtement sur les murs et ainsi d’avoir une finition différente de celle d’un mur en parpaings de ciment enduit et peint», explique Ghislaine Tessa.
Ce procédé constitue selon elle une économie de ressources. En plus de la brique de terre, son entreprise utilise d’autres solutions comme «le double vitrage, l’isolation du plafond et une couverture en tuile plastique recyclée – ces matériaux permettent de ralentir le passage de la chaleur à l’intérieur de l’habitat – ainsi qu’un éclairage basse consommation. Tout ceci apporte davantage de confort de vie et permet de diminuer, voire se passer de la climatisation», ajoute l’entrepreneure.
«Nous fabriquons et implémentons des matériaux structurels tels que le béton ou la brique de terre. On doit choisir des matériaux et solutions qui sont à la fois peu gourmands en énergie lors de leur fabrication et de leur transport, mais également performants pour assurer une bonne stabilité et une efficacité énergétique au bâtiment, c’est-à-dire qu’ils doivent permettre à ce dernier de générer une plus faible consommation», détaille Ghislaine Tessa.
De plus en plus, la solution de Ghislaine Tessa est sollicitée. Elle entend vulgariser son offre afin que l’écoconstruction devienne une option de prédilection au sein des populations locales. Et pour cela, son entreprise développe une palette d’offres.
«Nous développons et construisons des projets essentiellement verts. Nous assistons les clients à toutes les étapes de leurs projets depuis la conception jusqu’à la livraison des clés. En outre, nous sommes les pionniers et un des rares opérateurs en Afrique centrale à proposer des projets certifiés EDGE – un label vert mis en place par la SFI (Groupe Banque Mondiale) et qui est délivré aux constructions qui permettent de générer au moins 20% d’économie en ressources», précise-t-elle.
Parcours d’une ingénieure de retour au pays natal
«J’ai commencé sans passe-droit, comme ingénieur de travaux. À l’époque, j’étais jeune mère avec une petite fille d’un an et mon chantier se trouvait à Bafia, à plus de 100 km de Yaoundé. J’effectuais le trajet quasiment tous les jours, partant aux aurores et laissant ma fille. J’ai été sur le terrain pendant de nombreuses années, et j’ai occupé différentes fonctions qui m’ont permis de voir tous les aspects du management d’entreprises de construction», se souvient-elle.
Sur les traces de son père, qui a été pour beaucoup dans son orientation académique et professionnelle, l’entrepreneure, mariée et mère de trois enfants, va lancer en 2013, soit après 13 ans de bons et loyaux services rendus à l’entreprise familiale, Millenium Immobilier SA, sa propre société de BTP, spécialisée dans la construction des maisons écologiques.
«Nous lancions une idée complètement novatrice, un vrai pari: construire des maisons écologiques en Afrique et des écoquartiers, à l’heure où le débat sur le logement se limitait au logement social et non plus globalement à l’aménagement des villes de demain», souligne la militante du développement durable.
Une décision qui s’est révélée sage quelques années plus tard. Car par son approche globale et sa spécialisation, Millenium Immobilier SA est devenue une référence sur le marché du BTP à l’échelle africaine.
«Les opérateurs du secteur sont généralement soit promoteurs immobiliers, soit constructeurs ou alors fabricants de matériaux, rarement tout cela en même temps car cela mobilise des compétences et des moyens étendus. Chez Millenium Immobilier, nous avons plutôt une approche holistique qui nous amène à intervenir sur toute la chaîne de valeur: conception, construction, fourniture de matériaux, conseil et formation. Cette approche intégrée ainsi que notre équipe d’ingénieurs qualifiés nous permettent de proposer des solutions et des produits innovants d’une façon efficiente et qualitative», affirme-t-elle, satisfaite des avancées.
«Il y a de plus en plus de femmes visibles dans ce domaine et Millenium Immobilier prêche par l’exemple: nous sommes une société dans les STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) fondée par une femme, dirigée par une femme et dont la majeure partie des cadres supérieurs sont des femmes», conclut-elle.
Elle a également créé l’association Women In Construction, qui vise à donner plus de visibilité aux femmes qui évoluent dans ce secteur d’activité, afin de faire reculer les préjugés dont souffrent les femmes dans ce secteur professionnel traditionnellement très masculin.