L’Afrique, peuplée par plus d’un milliard d'habitants, est riche en gisements de diamants, d’or et de pétrole. Les États-Unis, la Chine et l’Europe se disputent depuis des années le droit de mettre en valeur ces ressources naturelles.
Quoi qu’il en soit, les actualités mondiales ne mentionnent l’Afrique que s’il s’agit d'épidémies, de guerres ou de crises économiques. Le secteur touristique constitue ces dernières années le seul aspect positif de l’image du continent. Cependant, lui aussi fait face à beaucoup d’idées reçues: maladies terribles, crime débridé, animaux sauvages et mœurs culturelles extravagantes des locaux...
Dans tous les cas, les idées des Africains sur le monde extérieur se forment souvent elles aussi sur la base de stéréotypes. S’ils ont certaines connaissances sur l’Europe et l’Amérique depuis la colonisation, leur idée de la Russie est très vague.
Le sommet Russie-Afrique qui s’est ouvert à Sotchi devrait permettre aux politiciens, aux hommes d’affaires et aux citoyens ordinaires de mieux se connaître. Le forum met l’accent sur la coopération économique, mais son ordre du jour ne se limite pas à cette dernière.
L’énergie, la science, l’éducation, le transport, les investissements et le génie civil: toutes ces questions seront examinées par les participants au sommet du 23 au 24 octobre.
Les liens traditionnels
Le sommet Russie-Afrique a attiré les leaders de plus de 40 États africains. Ces derniers sont accompagnés par les représentants du monde des affaires, des structures étatiques et des organisations intergouvernementales - notamment une délégation de l’Union africaine. Grâce à cette liste très solide de participants, le sommet a été qualifié de «sans précédent» et «marquant» longtemps avant son ouverture.
La première séance plénière du forum se déroule au parc de la science et des arts Sirius à Sotchi. Elle a été ouverte par les Présidents russe et égyptien, suite à leurs négociations bilatérales. Outre la coopération économique et commerciale, les leaders ont examiné le rétablissement des vols charter suspendus à la fin de l’année 2015 après la catastrophe de l’avion russe A-321 au-dessus du Sinaï.
Un autre sujet qui était évoqué par Vladimir Poutine et Abdel Fattah al-Sissi, est lié au Moyen-Orient: les chefs d’État ont débattu des moyens de prévenir la migration des terroristes de Daech* depuis la Syrie vers le continent noir. Il est à noter que, selon le Président russe, se sont habituellement les pays africains qui proposent de coopérer dans le domaine de la sécurité.
«Ils comprennent qu’il faut savoir protéger leur indépendance et leur souveraineté. Cela constitue un encouragement supplémentaire pour la coopération avec la Russie, qui a une expérience riche en matière de lutte contre le terrorisme», a expliqué Vladimir Poutine avant le sommet.
La prévention des menaces extrémistes est une motivation forte - mais pas du tout unique - des contacts entre les structures de force russes et africaines. La migration clandestine, la contrebande et le trafic de stupéfiants constituent des secteurs problématiques en Afrique, où l’expérience de Moscou est toujours en demande.
«Les traditions de notre coopération militaire et technique ont des racines profondes. Elle s’est formée encore dès les premières étapes de l’établissement des États africains et a joué son rôle dans la lutte des peuples du continent pour leur indépendance», estime le Président russe.
«Une partie des armes est transmise gratuitement. Mais il s’agit d’une pratique ordinaire, adoptée par tous les principaux pays du monde», a souligné Vladimir Poutine.
Au cours du sommet, la Russie devrait signer un accord de coopération militaire avec un autre pays africain: le Nigeria.
Les perspectives russes en Afrique
L’idée d’organiser en Russie un événement majeur réunissant les leaders des pays africains est apparue en Russie encore dans les années 1990. Les problèmes économiques de l’époque avaient cependant forcé Moscou à suspendre la coopération. La Russie avait même fermé ses ambassades et ses consulats dans certains pays. Les liens économiques et culturels sont tombés en désuétude.
C’est au milieu des années 2000 que le Kremlin s’est de nouveau penché sur un retour éventuel en Afrique. Il a également organisé la première tournée de Vladimir Poutine dans la région. Le Président russe a visité l’Algérie, la Libye, l’Égypte, le Nigeria, la Namibie et l’Angola. La capitale éthiopienne, Addis-Abeba, a accueilli en 2011 le premier forum d’affaires Russie-Afrique.
«A l’époque soviétique, les relations de Moscou avec l’Éthiopie, tout comme avec les autres pays africains, avaient un élément paternaliste. Ce dernier s’expliquait par la guerre froide pendant laquelle une puissance majeure, l’URSS, s’opposait à une autre, les États-Unis. On octroyait donc cette aide à l’Afrique pour des raisons politiques et pas économiques», estime Evgueni Terekhine, ambassadeur russe en Éthiopie et représentant permanent de la Russie à l’Union africaine.
Selon lui, les relations entre la Russie et les pays africains ont atteint un niveau supérieur au début du millénaire. Il considère l’étape actuelle de la coopération comme un «partenariat mutuellement avantageux». Il souligne en même temps que le développement de ces liens pourrait être «plus dynamique».
«Le volume de la coopération économique russo-éthiopienne varie de 100 à 200 millions de dollars. Il pourrait augmenter mais fait souvent face aux stéréotypes. Les hommes d’affaires russes connaissent mal l’Afrique, n’y voient que la guerre, le désordre et la famine. Cela provoque la peur d’investir. Les entrepreneurs chinois et indiens y sont au contraire très actifs», explique Evgueni Terekhine.
L’ambassadeur espère que le sommet Russie-Afrique sera un encouragement puissant pour la coopération économique.
Le pragmatisme au lieu de la pression
En ce qui concerne l’intérêt de la Russie à développer ses liens avec le continent africain, Vladimir Poutine a souligné l’importance des bénéfices et du respect mutuels.
«Nous constatons que certains États occidentaux recourent à la pression, à l’intimidation et au chantage par rapport aux gouvernements des pays africains souverains. Ils utilisent ces méthodes pour rétablir leur influence perdue et leur position dominante dans leurs anciennes colonies. Quant à nous, nous voulons promouvoir des intérêts économiques communs avec nos partenaires africains», a affirmé le leader russe.
«La Russie a annulé 20 milliards de dollars de dettes des pays africains par rapport à l’URSS. C’était non seulement un geste de générosité, mais aussi un acte de pragmatisme. Beaucoup de pays africains étaient tout simplement incapables de payer les intérêts de ces crédits. C’est pourquoi nous avons décidé qu’il serait optimal pour tout le monde de faire repartir notre coopération d’une page blanche», a expliqué le président.
Il a souligné que tous les crédits étaient actuellement octroyés à l’Afrique selon les conditions du marché. Qui plus est, ce partenariat mutuellement avantageux porte déjà ses fruits.
Ainsi, le rapport «Russie-Afrique: le partenariat commercial et économique à long terme», rédigé spécialement pour le sommet, indique que l’Afrique est le seul marché qui a élargi ses importations russes dans le contexte des sanctions contre Moscou.
«Si cette tendance perdurait, la Russie augmenterait bientôt sa part dans les importations totales de l’Afrique. Les domaines prioritaires sont le matériel agricole, les automobiles et les céréales», affirme le rapport.
La coopération entre l’UEEA et l’Afrique pourrait également s’avérer prometteuse. La plupart des pays du continent noir ont déjà une certaine expérience de participation aux ensembles d’intégration.
«Au final, tous ces programmes ne visent qu’une chose: aider les Africains à résoudre eux-mêmes les problèmes existants, ce qui permettra de renforcer les États africains, leur souveraineté et leur indépendance. Cela signifie que la situation dans le monde devrait être plus stable et plus prévisible», a souligné Vladimir Poutine.
*Organisation terroriste interdite en Russie