«Trump a dit à Macron et Merkel: "Débrouillez-vous avec vos islamistes, moi je m’en vais"», selon Raufer

Donald Trump a menacé la France et l’Allemagne de laisser des djihadistes présents en Syrie «se diriger tout droit» vers leurs «satanées frontières» s’ils ne font pas tout pour les rapatrier, le tout dans un contexte d’offensive turque dans le nord du pays. Xavier Raufer, spécialiste du terrorisme, livre son analyse à Sputnik.
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«Ceux qui tirent sur nos forces armées seront éliminés, oui... Net... Ceux qui se rendent seront jugés. [...] Pour nous Daech* égale YPG égale PKK nous ne faisons pas de distinction.»

L'ambassadeur de Turquie en France n’a pas mâché ses mots sur les ondes de RMC le 14 octobre. Cinq jours auparavant, son pays lançait l’opération Source de Paix dans le nord-est de la Syrie. Ankara a envoyé son armée contre les Unités de protection du peuple (YPG) kurdes, un groupe relié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme une organisation terroriste par la Turquie. Ankara craint la volonté d’établir un Kurdistan unifié, et donc d’une formation politique, en partie sur le territoire actuelle de la Turquie.

​Plusieurs pays, dont la France et l’Allemagne, ont d’ores et déjà appelé Ankara à cesser une opération que l’aventurier et écrivain français Patrice Franceschi qualifie de «nettoyage ethnique». L’initiative turque pourrait avoir de lourdes conséquences et pas seulement pour les Kurdes.

«La priorité absolue doit être d'empêcher la résurgence de Daech* dans la région», ont souligné les autorités françaises. «Le risque d'évasion, en raison de l'offensive de la Turquie, des terroristes de Daech* faits prisonniers, est pleinement pris en compte. Des mesures ont également été adoptées pour renforcer la sécurité du territoire national dans ce contexte», a ajouté l’Élysée.

Le 13 octobre, les autorités kurdes ont fait part de la fuite d’environ 800 proches de djihadistes étrangers de Daech* qui étaient retenus dans un camp. «Je ne sais pas, aujourd’hui, qui sont exactement les personnalités qui se sont enfuies du camp. C’était depuis le début de cette intervention armée une préoccupation pour la France», a notamment déclaré la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye dans l’émission «Dimanche en Politique» sur France 3.

La veille, le Président américain Donald Trump avait brandi une sérieuse menace en direction de Paris et Berlin. À la tribune du sommet républicain Values Voter, il a commencé par justifier sa volonté de retirer ses troupes de Syrie, décision qui a permis l’offensive de la Turquie contre les Kurdes: «Nous avons tué l'État islamique*, nous les avons battus. Nous avons fait le boulot, et nous rentrons à la maison.» Puis d’avertir la France et l’Allemagne au sujet des djihadistes appréhendés dans la zone:

«La plupart de ces combattants viennent d'Europe. Ils viennent d'Allemagne, de France et de nombreux pays d'Europe. Ce sont leurs citoyens. Je les ai appelés, et j'ai dit: "Vous devez ramener vos combattants chez vous". Ils n'ont pas voulu. Ils ne veulent pas d'eux. Alors je leur ai dit: "Vous ne comprenez pas, nous n'allons pas les prendre, nous n'allons pas les enfermer à Guantanamo ou dans nos prisons". Je les ai rappelés et dit : "Vous devez les reprendre ou nous allons les laisser se diriger tout droit vers vos satanées frontières" mais ces pays ne veulent pas. [...] Nous en avons des centaines ".»

La France a-t-elle raison de se montrer «inquiète» comme l’a annoncé Sibeth Ndiaye? L’Hexagone risque-t-il d’être confronté à un retour en masse de ses djihadistes? Le criminologue et spécialiste de terrorisme Xavier Raufer livre son analyse à Sputnik France.

Sputnik France: Est-ce que la France a raison d’être inquiète d’un possible retour massif de ses djihadistes dans le pays?

Xavier Raufer: «Je ne comprends pas bien cette soudaine inquiétude. Cela fait pratiquement un an que l’entrée des Turcs au nord de la Syrie était prévue. Nous avions tous les moyens de l’anticiper. En suspendant les exportations d’armes vers la Turquie avant que leur arsenal soit complet par exemple. Après, faire du chantage devient plus compliqué. J’ai l’impression que tout le monde découvre quelque chose qui était dans les tuyaux depuis un an. Les Kurdes sont sans doute plein de bonne volonté, mais j’imagine que le fait de retenir ces djihadistes et leurs proches leur permettait également d’avoir un moyen de pression contre ceux que le terrorisme menace. Cela faisait des mois que Recep Tayyip Erdogan disait qu’il allait entrer massivement en Syrie. De son côté, le Président Poutine s’arrangeait pour que chaque camp, y compris celui de Bachar el-Assad, soit le moins lésé possible et que les choses se déroulent avec concertation. Pendant ce temps-là, les Européens n’ont rien fait, se sont contentés de bouger et de ne pas assister aux réunions.»

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Sputnik France: Donald Trump a menacé les pays européens, dont la France et l’Allemagne, de laisser les djihadistes présents dans la région se diriger vers le Vieux Continent. Les États-Unis ont-ils vraiment les moyens de nuire à l’Europe de cette manière?

Xavier Raufer: «Il suffit qu’ils s’en aillent. Depuis le départ, les États européens ont fait beaucoup de moral et peu de politique réaliste. Il y a plus de 3 millions de réfugiés en Turquie. Et parmi eux, il est possible que se cachent des djihadistes. De plus, ce que l’on appelle la frontière entre la Turquie et la Syrie est depuis des siècles la zone où passe l’immense majorité de la contrebande entre l’Empire Ottoman, puis la Turquie et la partie du Moyen-Orient devenue ensuite la Syrie et l’Irak. Une fois de plus, les constantes géopolitiques sont bien là. Je pense que Donald Trump a pu, lors de précédentes négociations plus secrètes, prévenir ses alliés européens en leur disant: "Vous vous rendez compte de la situation, nous allons partir". Et au lieu d’être dans l’anticipation, l’Europe a préféré dire: "C’est mal de partir". Sauf que quand le Président des États-Unis le dit, il faut en prendre acte. Et ce n’est pas des gémissements sur le mal qui est fait aux Droits de l’Homme qui vont changer la donne. Au cours de l’Histoire, les États-Unis ont toujours agi seulement dans leur propre intérêt. Les pays n’ont pas d’amis, ils n’ont que des relations. C’est cela la politique réelle. Trump avertit sèchement les Européens aujourd’hui car il a l’impression qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel ne comprennent pas bien ce qu’il est en train de leur dire, à savoir: "Débrouillez-vous avec vos islamistes, moi je m’en vais". Quand on regarde la carte du monde, on se rend bien compte qu’entre les États-Unis et le Moyen-Orient, il y a l’océan atlantique et que depuis le 11 Septembre, les avions et autres bateaux se dirigeant vers les États-Unis sont étroitement surveillés. Par contre, concernant l’Europe, les islamistes peuvent passer du Moyen-Orient syrien à la Turquie, puis se diriger ensuite vers Balkans et enfin l’Europe de l’Ouest. Parfois, en se faisant passer pour des réfugiés comme on a pu le voir dans le passé. Cette situation est dangereuse. D’où l’avertissement de Trump.»

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Sputnik France: Paris a assuré que des mesures avaient été adoptées pour renforcer la sécurité du territoire national dans ce contexte de menace djihadiste. Quelles doivent être ces mesures?

Xavier Raufer: «Toute la question est d’agir en amont. Les terroristes sont des âmes simples. Lorsque l’on recule, ils avancent. Regardez ce qu’il s’est passé lors de la vague d’attentats très meurtriers qui a frappé le Liban dans les années 80. La France a quitté la scène libanaise et a retiré les avant-postes de légionnaires et de parachutistes présents dans le pays. Résultat? Peu de temps après des attentats frappaient les rues de Paris. Le jeu européen consiste essentiellement à ce que les pays se refilent la patate chaude. Nous sommes en définitive seuls dans ces cas-là. Il faut donc défendre ses frontières, mais également aider à défendre celles de la Bulgarie, de la Grèce et des autres voies d’entrée en Europe. Le tout avec des moyens officiels et d’autres plus discrets afin d’aller repérer si des terroristes ne se promènent pas parmi les réfugiés. Et le cas échéant, les arrêter voire les éliminer.»

*Organisation terroriste interdite en Russie

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