Une épidémie de choléra sévit au Cameroun, principalement dans sa partie septentrionale. Dans la région du Nord, on dénombre déjà 775 cas enregistrés depuis décembre 2018. Selon les chiffres du ministère de la Santé publique, environ 7% des personnes touchées sont décédées. Déjà sérieusement affectée par les attaques de Boko Haram, la région voisine de l’Extrême-Nord, la plus pauvre du Cameroun, présente également une situation sanitaire alarmante. Depuis juillet 2019, l’épidémie de choléra y a déjà tué 12 personnes et 249 cas suspects ont été enregistrés.
La maladie, qui se transmet par contact avec des aliments ou de l’eau souillés par des matières fécales, est devenue très contagieuse avec le retour des pluies dans ces localités et les mouvements des populations. Le Docteur Bava Hamadou Boubakary, délégué régional de la santé pour la région de l’Extrême-nord du Cameroun, fait le point pour Sputnik sur les derniers cas enregistrés et la campagne de sensibilisation engagée pour barrer la voie à la propagation de la maladie, qui pourrait affecter le reste du pays.
Sputnik: Quelle évaluation faites-vous de l’épidémie de choléra qui s’est déclarée dans la région de l’Extrême-nord?
Bava Hamadou Boubakary: «Il faut déjà rappeler que la région de l’Extrême-Nord est entrée en épidémie depuis le 13 juillet 2019. Ceci est dû à un certain nombre de facteurs favorisants. Nous sommes dans une région à risque, nous sommes entourés par le Tchad, où sévit actuellement le choléra, et la région du Nord, qui est également en épidémie depuis l’année dernière. L’autre facteur favorisant, c’est la saison pluvieuse. Une récente étude approfondie que nous avons menée a ressorti le fait que les populations n’utilisent pas beaucoup les latrines, elles préfèrent déféquer à l’air libre. C’est également un facteur favorisant la propagation de la maladie.
En ce qui concerne les cas récents, nous avons enregistré à ce jour 249 cas suspects dans les districts de santé de Kar-Hay, Guidiguis, Kaélé, Moutourwa, Maroua I et Maroua II. On déplore 12 décès, dont la plupart sont en communauté».
Sputnik: Comment avez-vous organisé la riposte dans la région contre cette maladie?
Bava Hamadou Boubakary: «Dès que nous avons confirmé que la région était en épidémie, le gouverneur a demandé à ses collaborateurs, notamment les préfets et les sous-préfets, de réactiver les comités de riposte contre les épidémies. Nous avons tenu plusieurs réunions autour du gouverneur de la région, qui est le président du comité régional de lutte contre le choléra pour coordonner nos interventions. En ce qui concerne la prise en charge, tous les cas suspects déclarés ont été immédiatement et gratuitement pris en charge dans toutes les formations sanitaires concernées. Nous avons renforcé les districts de santé concernés en intrants, c’est-à-dire en médicaments et en matériel nécessaires pour désinfecter les ménages. Ici, à la délégation de la santé, nous tenons régulièrement des réunions de coordination pour actualiser et réajuster nos stratégies d’intervention.»
Sputnik: Quelles sont les mesures efficaces qui doivent servir dans la prévention de cette maladie?
Bava Hamadou Boubakary: «Le choléra étant une maladie hydrique, caractérisée par des diarrhées liquides profuses provoquée par le vibrion cholérique, le message que nous adressons aux populations, c’est de se laver les mains avec de l’eau potable et du savon avant et après chaque repas, avant de manipuler les aliments, au sortir des toilettes, faire systématiquement les selles dans les latrines. Il faut rendre l’eau potable, soit en la bouillant, soit en y ajoutant quelques gouttes de javel.
Sputnik: quel est le dispositif mis en place pour assurer le suivi des campagnes de sensibilisation?
Bava Hamadou Boubakary: «Les autorités administratives sont très impliquées dans la sensibilisation. Les comités de riposte contre le choléra se trouvent au niveau des départements, des arrondissements. Ces autorités travaillent avec leurs collaborateurs que sont les autorités municipales, religieuses, traditionnelles, qui passent les messages dans les communautés. Autre moyen de sensibilisation, c’est la présence d’agents de santé communautaire qui appartiennent à la communauté, y vivent et qui passent le message de sensibilisation auprès des leurs. Bien évidemment, nous sommes aidés dans toute la chaîne par le ministre de la Santé publique, qui nous appuie au quotidien et qui veille au grain pour que cette épidémie de choléra soit totalement éradiquée.»
Depuis fin 2018, les régions voisines du Nord et l’Extrême-nord du Cameroun connaissent une montée du choléra. L’épidémie y a déjà fait au moins 48 morts. Le ministère de la Santé publique avait déclaré l’épidémie en juillet 2018.
Selon la plateforme Choléra en Afrique de l’Ouest et Centrale, une organisation de lutte contre la maladie, le choléra est apparu pour la première fois au Cameroun en 1971. Depuis 1990, des épidémies importantes ont été enregistrées notamment en 1991, 1996, 1998, 2004, 2010 et 2011. La tendance générale montre une augmentation annuelle du nombre de cas. Entre 2004 et 2016, la surveillance épidémiologique a notifié 50.007 cas avec 2.052 décès, soit un taux de létalité élevé de 4,1%.
Les principales épidémies ont été enregistrées, dans les régions du Nord et de l’Extrême Nord, dans le sud du pays et dans la région du Littoral, qui abrite la ville de Douala, capitale économique du Cameroun.