Il n'existe pas encore de preuve tangible indiquant qu'il s'agissait d'une attaque de missiles et, si c'est le cas, de quels missiles il s'agissait. Toutefois, des experts militaires affirment déjà qu'il serait question de missiles antinavires pouvant être lancés aussi bien par des navires ou des batteries côtières que des avions, écrit le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
Qui possède un tel armement dans la région?
Les options ne sont pas nombreuses: il s'agit soit des États-Unis, soit de ceux qui disposent de missiles américains de cette classe. Compte tenu de l'intérêt pour une telle attaque, la liste des suspects se réduit aux États-Unis eux-mêmes et à leurs alliés - Israël et l'Arabie saoudite. S'il s'agit de systèmes de lancement côtiers, tout pointe directement vers Riyad: l'incident s'est produit à 100 km du port saoudien de Djeddah. Même en admettant que ces missiles ont été lancés depuis un navire ou un avion, il pourrait très probablement s'agir des États-Unis eux-mêmes, qui possèdent suffisamment d'armes de ce type dans la région.
Les soupçons se portent immédiatement sur l'Arabie saoudite si l'on considère cette attaque comme un acte de représailles suite à l'attaque de drones contre des sites pétroliers de la compagnie pétrolière Saudi Aramco. Les autorités du royaume avaient accusé l'Iran, même si l'attaque avait été officiellement revendiquée par les rebelles yéménites Houthis qui sont en état de guerre contre les Saoudiens.
Néanmoins, même la présence de preuves irréfutables de l'implication des Houthis n'empêcherait pas Riyad d'accuser Téhéran de tous les maux, car les Saoudiens accusent constamment l'Iran de fournir des armes aux rebelles yéménites, qui s'en servent pour bombarder régulièrement leur territoire.
«Guerre des pétroliers»
Outre les bombardements du territoire saoudien, la notion de «guerre des pétroliers» a récemment fait son apparition. Rappelons qu'en début d'été, deux cargos transportant du pétrole saoudien dans le golfe d'Oman avaient été torpillés.
Washington et Riyad avaient immédiatement trouvé un coupable. Washington appelait à bombarder l'Iran - en particulier le conseiller du Président américain à la sécurité nationale de l'époque, John Bolton, qui rêvait d'une guerre contre l'Iran depuis qu'il travaillait au poste d'ambassadeur des USA à l'Onu pendant le mandat de George W. Bush.
Donald Trump a fait preuve de plus de retenue en se positionnant comme partisan de la pression économique sur ses adversaires au lieu de régler les problèmes par la force. Il s'est également comporté de manière très rationnelle après l'attaque contre les raffineries saoudiennes en évitant des accusations directes envers Téhéran, susceptibles de provoquer une guerre réelle. Les autorités saoudiennes de l'époque ne s'étaient pas non plus empressées de porter des accusations, attendant que les États-Unis le fassent d'abord.
Et c'est ce qu’ils ont fait. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a été le premier à parler de l'implication de l'Iran presque immédiatement après les attaques. Pour sa part, le sénateur Lindsey Graham a suggéré d'attaquer immédiatement les raffineries iraniennes.
Donald Trump, malgré tout son discours anti-iranien, ne souhaiterait pas de guerre, surtout à l'approche de la nouvelle campagne électorale pour la présidentielle. Au contraire, il évoque de plus en plus de la nécessité de cesser les «guerres absurdes et interminables» et qualifie les activités militaires américaines au Moyen-Orient de «plus grande erreur» de son pays. Mais il est tout aussi évident que de nombreux responsables américains ne sont pas solidaires avec lui. Certains ont besoin d'une nouvelle aventure militaire, et ils poussent activement Washington et Riyad dans cette direction.
Les Etats-Unis ne voudraient pas faire la guerre eux-mêmes: ces dernières années ils se sont habitués à le faire par le biais des acteurs locaux. En l'occurrence, il s'agit de l'Arabie saoudite, en lutte depuis longtemps avec l'Iran pour l'influence dans la région.
La supériorité numérique se trouve du côté de Riyad tout simplement parce que les sunnites sont bien plus nombreux que les chiites, et dans cette confrontation les Saoudiens pourraient posséder bien plus d'alliés. Mais l'Iran aussi, ces dernières années, est devenu un acteur politique et militaire influent au Moyen-Orient. Et sa participation indirecte aux guerres au Yémen et en Syrie, où gagnent les autorités qu'il soutient, renforce nettement cette influence. Ce qui déplaît forcément à l'Arabie saoudite.
Ainsi qu'aux États-Unis et à leur principal allié dans la région, Israël, pour qui l'Iran est l'ennemi numéro 1. Et Israël voudrait également se servir des Arabes pour faire la guerre contre l'Iran.
Est-ce que Riyad est conscient du jeu dans lequel on le pousse? Néanmoins, lui-même compte manifestement sur le soutien des «partenaires» américains et le soutien tacite d'Israël. Mais l'Iran est un sérieux rival - ce ne sont pas les rebelles yéménites ni même l'armée syrienne de 2011-2015. L'affrontement avec Téhéran pourrait tourner à la catastrophe pour les Saoudiens. Qui plus est, les «faux bonds» permanents des Américains vis-à-vis de leurs alliés ne rend pas du tout optimiste.
Pendant ce temps, certaines forces américaines sont déjà clairement disposées à un affrontement militaire, et la guerre des pétroliers n'est rien d'autre qu'un prélude à ce dernier.
Immédiatement après le tir contre le pétrolier iranien, le Pentagone avait approuvé l'envoi d'un contingent militaire supplémentaire en Arabie saoudite. L'attaque contre le cargo iranien aurait visé à provoquer une riposte de Téhéran. Au moins pour que l'Iran décide de convoyer ses cargos, ce qui servirait également de prétexte pour ses adversaires à renforcer la présence militaire dans le Golfe. De cette manière, les antagonistes poursuivront les provocations réciproques jusqu'à ce que quelqu'un se décide à lancer une allumette dans cette poudrière qui pourrait faire exploser tout le Moyen-Orient. Et cela sera très probablement fait par celui qui espère, comme toujours, rester à l'écart, de l'autre côté de l'océan.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit en français.