Vendredi 11 octobre, c’était le deuxième jour de l’opération Source de paix, lancée par la Turquie le long de la frontière syrienne. Malgré la décision déclarée de Washington de redéployer une cinquantaine de soldats américains, en les retirant de la zone de l’opération turque vers un endroit plus sûr, cette unité spéciale s’est retrouvée sous un tir d'artillerie turc près de Kobané, dans le gouvernorat d’Alep. Selon le Pentagone, aucun Américain n'a été blessé, mais l'administration Trump n’a pas tardé à menacer de sanctions économiques la Turquie qui s’est déclarée prête à y répondre.
Des soldats US sous des tirs turcs en Syrie?
Ces vifs échanges ont dominé les Unes des médias qui ont négligé le principal objectif de la Turquie en Syrie et la présence assidue des États-Unis dans la région syrienne que les Kurdes appellent Rojava, a relevé Ben Norton, journaliste du projet Grayzone, dans un entretien accordé à Sputnik.
«Les États-Unis ont construit plus d'une douzaine de bases militaires sur un territoire syrien souverain occupé illégalement», a souligné le journaliste, rappelant que la région riche en pétrole du Rojava était «gardée» par les troupes américaines.
Damas coupé de son blé et de son pétrole par l’armée US
«Par ailleurs, les médias qui ont couvert le soi-disant retrait américain ne révèlent pas non plus que Damas n'est toujours pas en mesure d'accéder aux "routes principales contrôlées par l'armée américaine"», a-t-il relevé.
Ben Norton a rappelé que le Rojava était en outre le grenier de la Syrie et représentait un quart du territoire souverain syrien, occupé militairement par les États-Unis. C'est une terre extrêmement fertile.
«Autrement dit, la Syrie n'a pas accès à son pétrole et à son blé en raison de cette occupation militaire états-unienne», a-t-il expliqué.
Le journaliste prévient qu’on devrait être sceptique quant aux affirmations de Donald Trump concernant le retrait des militaires américains de Syrie. En effet, d’après les ordres formels, les soldats ne doivent qu’être redéployés de la frontière vers d’autres régions à l’intérieur même de la Syrie.
Quelles sont les intentions de Washington et d’Ankara?
«Même si Trump est sincère dans son désir de ramener les militaires américaines à la maison, ce commandant des armées des États-Unis ne contrôle probablement pas même sa propre politique étrangère», a supposé M.Norton.
Selon celui-ci, les intentions de la Turquie sont tout à fait évidentes.
«La Turquie veut de toute évidence repeupler ces zones à majorité kurde par une partie des 3,7 millions de réfugiés syriens. […] C’est en fait la continuation d’une politique que la Turquie a déjà menée autrefois avec l’approbation de Washington. Washington se fiche des Kurdes et ne se soucie pas du tout de la Syrie. C’est un plaisir pour lui que de voir d’autres alliés comme la Turquie - qui est membre de l’Otan - "sculpter le pays"», a conclu l’analyste.
L’offensive turque
La Turquie a lancé mercredi 9 octobre une offensive aérienne et terrestre contre les milices kurdes dans le nord-est de la Syrie, baptisée Source de paix. Selon le Président turc, l’opération a pour but de «créer une zone de sécurité qui permettra le retour des réfugiés syriens» que la Turquie a accueillis sur son territoire.
Selon Recep Tayyip Erdogan, l’objectif de l’opération est de conserver «l'intégrité territoriale de la Syrie» et de libérer «le peuple de la région des griffes des terroristes».
De son côté, la diplomatie syrienne a signalé que la Syrie «fera face à l'agression turque sous toutes ses formes à travers le pays, en utilisant tous les moyens légaux». Elle a souligné en outre que «la tâche de protéger le peuple syrien appartient à l'Armée arabe syrienne, à l'État syrien et à personne d'autre».