La faillite de Thomas Cook et d’Aigle Azur, une nouvelle chance pour le tourisme africain?

Après la débâcle de Thomas Cook et celle d’Aigle Azur, Sputnik France revisite avec Magatte Wade, maire de Mékhé au Sénégal, capitale du Cayor historique, les conditions d’une relance d’un tourisme africain qui s’affranchirait des tours opérateurs grâce à un développement de ses propres infrastructures, à commencer par les transports.
Sputnik

L’Afrique n’a pas fini de ressentir l’onde de choc de la disparition de la compagnie aérienne française Aigle Azur, spécialisée dans le transport en Méditerranée, et de celle du numéro 2 des voyagistes européens Thomas Cook. Grâce à son transporteur Jet Tours, le plus vieux voyagiste du monde offrait jusqu’à présent des «prestations de luxe» (croisières, safaris, découvertes) à des prix abordables vers un grand nombre de destinations phares en Afrique, parmi lesquelles l’Egypte, la Tunisie, le Sénégal et le Maroc.

Le tourisme irakien de retour en Tunisie… trente ans après

Or, dans sa chute, l’opérateur touristique britannique entraîne avec lui une cohorte de prestataires locaux sur le continent. Sans compter l’annulation pure et simple des réservations: ainsi, 100.000 voyageurs de Thomas Cook seront privés de vacances en 2020 dans la station balnéaire égyptienne de Hurghada. Tandis qu’en Tunisie, ce sont 50.000 touristes, attendus d'ici à la fin de l'année, qui ne pourront pas se rendre dans les stations balnéaires de Hammamet, Sousse et Mahdia, soit une perte de 22 millions d’euros. Au Sénégal, l’hôtel Royal Horizon Baobab, situé à La Somone sur la Petite-Côte et partenaire de longue date du voyagiste britannique, devra désormais se passer de clients européens. Idem en Gambie où, depuis le début des années 80, Thomas Cook transporte chaque année près de 45% des touristes. Hôteliers et voyagistes ne cachent donc pas leur inquiétude.

Quels pays seront les plus affectés par la faillite de Thomas Cook?

Quant au Maroc, très fortement représenté à la 41e édition du Salon international des professionnels du tourisme «IFTM Top Resa», qui s'est tenu à Paris Expo du 1er au 4 octobre avec la participation de 200 pays, tout a été fait pour assurer le bon déroulement du séjour des clients de Thomas Cook, toujours présents au Maroc, ainsi que leur rapatriement.

La faillite du célèbre tour opérateur britannique a impacté ses nombreuses filiales intégrées en France, les premières touchées par la mise en liquidation, mais aussi des «franchisées» qui drainent des milliers de visiteurs chaque année à Marrakech ou Agadir. Malgré cela, les opérateurs touristiques marocains qui ont fait le déplacement à Paris y sont tous venus avec le même objectif: «renforcer la visibilité de la destination Maroc et consolider les parts du marché français, qui reste le premier marché émetteur vers le Royaume chérifien», selon le directeur général de l’office national du tourisme (ONMT), Adel El Fakir, et le PDG de NG Travel, Olivier Kervella. Ces derniers ont signé un nouveau contrat de partenariat prévoyant une croissance de 30 % sur la destination Maroc pour l’hiver 2019-2020 par rapport à l’hiver 2018-2019. Également, Transavia a profité du salon IFTM pour annoncer «l’ouverture, à partir du 7 novembre, d’une liaison directe entre Paris-Orly et Ouarzazate à raison de deux vols par semaine», selon un communiqué de la compagnie aérienne.

L’Algérie fortement impactée par la disparition d’Aigle Azur

Une stratégie de redéploiement que nombre d’opérateurs africains entrevoient comme une chance et que des États africains, comme la Tunisie, dont les rentrées de devises dépendent fortement du tourisme entendent bien mettre à profit.

Après une période sombre pour le tourisme africain pénalisé par l’épidémie Ebola en 2013-2014, divers attentats terroristes - qui se sont succédé ensuite - et l’instabilité politique dans certains États, le renforcement de la sécurité, la fin de la crise sanitaire et le développement des infrastructures (comme les transports et l’hôtellerie) ont contribué à ramener des touristes sur le continent. En plein rebond depuis deux ans, «l’intérêt des touristes français pour ce continent grandit», comme l’a constaté en début d’année Frédérique Ambrosino, responsable du continent africain au Mondial du Tourisme, l’autre grand salon qui se tient à Paris chaque année au printemps. Parmi les destinations africaines en vogue, en 2019, il a notamment cité le Botswana, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Ghana, la Guinée-Bissau, le Kenya, Madagascar, le Maroc, la Namibie, Sao Tome & Principe, le Sénégal, la Tanzanie et la Tunisie.

La faillite de Thomas Cook et d’Aigle Azur, une nouvelle chance pour le tourisme africain?

Pour discuter de ce nouvel engouement, mais surtout des prérequis en vue d’un tourisme durable sur le continent, Sputnik France a interrogé le maire de Mékhé Magatte Wade, qui était de passage dans nos locaux parisiens pendant l’été. Mékhé est une petite ville modèle située au cœur du Cayor, dans la région de Thiès au Sénégal, une province chargée d’histoire avec une longue tradition artisanale, notamment la cordonnerie. Élu maire en juin 2014, il est également un ancien haut responsable de la Banque africaine de développement (BAD), qui siège aujourd’hui à Abidjan en Côte d’Ivoire, et l’ex-secrétaire général de l’Association des institutions africaines de financement du développement, en plus d’avoir cofondé le réseau sénégalais des maires des communes écologiques dont il assure le secrétariat général.

Ce responsable local qui «arbore une vision globale», comme il aime à le dire, n’y a pas été par quatre chemins. À quelques exceptions près comme en Afrique du Sud et en Tunisie, l’Afrique souffre d’abord de ne pas avoir suffisamment développé ses infrastructures touristiques «qui ne lui appartiennent pas», déplore-t-il. De surcroît, au lieu de mutualiser leurs efforts, les États africains se font une concurrence acerbe entre eux, comme c’est le cas en ce qui concerne le «tourisme mémoriel» (visite des hauts lieux de la traite négrière, NDLR). Mais l’espoir que l’on peut tout de même garder, c’est que ce sont les Africains eux-mêmes qui veulent désormais visiter leur continent.

«Evidemment pas dans la même proportion que les touristes étrangers, notamment français, qui viennent en Afrique pour faire des safaris en forêt, de la pêche sportive, visiter les parcs nationaux, voir des baleines dans les parcs marins, etc. Mais le tourisme intra africain se développe de plus en plus et ça, c’est un vrai espoir. Que les Africains soient en train de se réapproprier leur continent, c’est la meilleure chose qui puisse arriver pour un tourisme véritablement durable», a proclamé le maire de Mekhé lors de cet entretien.

Pour une écoute intégrale de l’entretien avec Magatte Wade, cliquez sur:

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