Nouveau coup dur pour l’image du Canada à l’international. Un important rapport, rendu public le 30 septembre dernier, conclut que l’État québécois fait preuve de discrimination envers les Amérindiens. Après le dépôt tant attendu du rapport fédéral sur les femmes autochtones disparues et assassinées (ENFADDA), c’est au tour du Québec d’être jugé par le tribunal de l’histoire.
«Les constats faits par les commissaires sont accablants pour l’État québécois. Le rapport évoque des situations troublantes, où des membres des communautés autochtones sont victimes de discrimination. Ce constat évoque des sentiments douloureux. […] En conséquence, j’offre aux membres des Premières nations et aux Inuits du Québec les excuses les plus sincères», a déclaré le Premier ministre Legault lors d’un discours prononcé à l’Assemblée nationale le 2 octobre dernier.
Déjà rebaptisée Commission Viens par les médias, la Commission Écoute, réconciliation et progrès était chargée de faire la lumière sur les relations souvent difficiles entre les services publics et les personnes autochtones.
Présidée par le juge à la retraite Jacques Viens, la commission tire des conclusions tranchées. À l’instar du rapport de l’ENFADDA déposé le 3 juin 2019, le commissaire pointe l’impact du «colonialisme» sur la qualité de vie des Amérindiens, facteur englobant dont découleraient presque toutes les pratiques discriminatoires de l’État québécois. Le rapport s’inscrit donc, lui aussi, dans une volonté de «décolonisation» des institutions québécoises.
«Il suffit en effet de prendre connaissance des principaux événements qui ont jalonné les relations entre les peuples autochtones et les services publics pour mesurer l’ampleur des effets dévastateurs qu’ont eus les politiques colonialistes mises de l’avant par les gouvernements qui se sont succédé, tant à l’échelle fédérale que provinciale depuis 150 ans», conclut notamment la commission à la page 216 du document.
Toutefois, contrairement au rapport de l’ENFADDA, le commissaire Viens ne conclut pas à un «génocide» visant les femmes autochtones. Son rapport ne consacre qu’une dizaine de pages aux difficultés supplémentaires vécues spécifiquement par les Amérindiennes, ce qui lui vaut déjà plusieurs critiques. Le mot «génocide» n’apparaît jamais dans le rapport de la Commission Viens, alors qu’il apparaît 122 fois dans celui de l’ENFADDA. Rappelons que l’utilisation de ce mot avait été jugée pour le moins exagérée par de nombreux observateurs.
«La conclusion, elle, est sans équivoque. Les rapports inégaux instaurés ont dépossédé les peuples autochtones des moyens susceptibles de leur permettre d’assumer leur propre destin et ont nourri au passage une méfiance certaine envers les services publics. […] Loin d’être désincarnés, ces événements font partie de l’héritage culturel des peuples autochtones et placent encore aujourd’hui leurs membres […] dans des situations de grande vulnérabilité», peut-on également lire à la page 217.
Dans un échange avec Sputnik, le ministère fédéral des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada s’est montré plutôt satisfait des conclusions de la Commission Viens. Le gouvernement fédéral continue d’utiliser toutes les ressources à sa disposition –fédérales comme provinciales– afin d’élaborer de nouveaux programmes d’aide.
«Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada continue de collaborer avec les organisations autochtones, les provinces et les territoires, et ses partenaires afin d’améliorer la qualité de vie des femmes, des filles, des personnes LGBTQ et bispirituelles autochtones», a répondu à Sputnik Tim Kenny, responsable aux communications du ministère responsable des relations avec les Premières Nations.
Fidèle à son grand projet de «réconciliation», le gouvernement canadien dit donc rester à sur la brèche, prêt à relever les nouveaux défis posés par la situation des Premières nations. Une tâche titanesque à laquelle devra encore être allouée des budgets considérables.
«La réception du rapport final de la Commission en juin n’a pas signifié pour autant la fin de la collaboration continue avec les organisations autochtones, les personnes ayant survécu à la violence, les familles des victimes et les provinces et territoires. Nous continuons de recueillir toute nouvelle information, comme les conclusions du rapport Viens commandé par la province du Québec, qui pourrait guider l’élaboration des mesures à prendre pour prévenir et éliminer la violence faite aux femmes et aux filles autochtones», a poursuivi M.Kenny.
Par ailleurs, des représentants des Premières Nations ont déclaré que les rapports et les excuses ne suffisaient plus. Pour plusieurs d’entre eux, comme le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, il est maintenant grand temps passer de la parole aux actes.