Curtis Ewbank, ingénieur au sein des équipes de l’avionneur américain Boeing, s’est déjà plaint cette année de problèmes rencontrés sur le développement du 737 MAX, affirmant que Boeing a rejeté un plan de sécurité supplémentaire afin d’économiser de l’argent, apprend-on du rapport publié par le New York Times. Selon M.Ewbank, «la direction de Boeing était plus préoccupée par les coûts et le calendrier que par la sécurité et la qualité». Travaillant sur les instruments et les commandes du poste de pilotage, il considérait que le système de sécurité aurait pu réduire les risques qui ont débouché sur les deux accidents mortels qui ont tué 346 personnes en Éthiopie et en Indonésie.
«Avec le Max, tout a été précipité pour concurrencer le produit d’Airbus, sorti un an avant l'annonce par Boeing de fabriquer le Max», a dit à Sputnik Alan Diehl, consultant en matière de sécurité aérienne et auteur du livre intitulé «Air Safety Investigators».
Qu’en est-il de la culture d’entreprise de Boeing?
Alan Diehl rappelle que par tradition, Boeing a suivi deux ou trois grands principes de sa culture d'entreprise.
«L’un d’eux est l’excellence en matière d’ingénierie, et je pense que ce que le dénonciateur [Curtis Ewbank, ndlr] dit est que Boeing a renoncé à cela, faisant passer des bénéfices avant la sécurité. La deuxième chose qu'ils [les managers de Boeing, ndlr] ont violée ou modifiée, comme je le suppose, c'est qu'ils ont toujours promis de tenir les pilotes au courant, contrairement à Airbus, qui était plus automatisé», détaille l’expert.
Et de rappeler que la philosophie d’Airbus se résumait à peu près comme suit: «Regardez, laissez l’ordinateur piloter. Gérer l'ordinateur. L’avion volera de lui-même, sauf pour le décollage et l’atterrissage. Chez Boeing, la philosophie était différente: «Nous allons vous dire ce que fait l’avion. En tant que pilote, vous serez toujours au courant».
«Quoi qu’il en soit, ils ont rompu avec cette tradition, cette culture d'entreprise. Si vous voulez, lorsqu'ils ont sorti le Max sur le marché, ils n'ont tout simplement pas informé les pilotes de l'automatisation mise en place», explique Diehl.
Ainsi, les problèmes du 737 MAX sont probablement la conséquence de la concurrence entre Boeing et de l’avion A321LR de la multinationale aérospatiale européenne Airbus. De nombreux rapports spéculent sur une thèse, selon laquelle Boeing a précipité son avion sur le marché pour tenter de battre son rival.
«Boeing a commis beaucoup d'erreurs en lançant cet avion sur le marché», poursuit Diehl, précisant que, dans le but d'utiliser des moteurs plus gros et économiques en carburant — comme Airbus — les ingénieurs de Boeing n’ont pas conçu un tout nouvel avion, mais ont tout simplement installé d’autres moteurs que ceux placés sur le 737-800, et ont donné à l'avion un nouveau nom: le 737 MAX.
Le 10 mars, un avion Boeing 737 Max 8 exploité par Ethiopian Airlines s'est écrasé après avoir décollé d'Addis-Abeba (Éthiopie), tuant les 157 passagers à bord. Le 29 octobre 2018, un 737 Max 8 exploité par Lion Air s'est abîmé dans en mer de Java quelques minutes à peine après son décollage de la capitale indonésienne, Jakarta. Les 189 personnes à bord ont été tuées.
Plus de six mois après l’immobilisation au sol du Boeing 737 MAX suite à deux accidents ayant fait 346 morts, aucune date n’est prévue pour son retour dans le ciel, annonce l’agence fédérale de l’aviation (FAA), le régulateur aérien américain.