«Les risques l'emportent sur les avantages»: la privatisation d'ADP vue par un magistrat de la Cour des comptes

Par sa décision de privatiser le groupe Aéroports de Paris, le gouvernement a fait couler beaucoup d'encre. Pour le magistrat de la Cour des comptes en disponibilité François Ecalle, il s’agit d’une démarche risquée. Il a fait part de ses doutes au magazine Le Point.
Sputnik

Le Parlement a définitivement adopté le 11 avril la loi Pacte qui prévoit la privatisation du groupe Aéroports de Paris (ADP), une décision qui fait polémique. Beaucoup sont ceux qui croient que l’opération est une mauvaise affaire pour l'État. Le Point a interrogé François Ecalle, magistrat de la Cour des comptes en disponibilité, sur les enjeux de ce dossier controversé.

Parmi les intérêts qui peuvent justifier une privatisation du groupe Aéroports de Paris, M.Ecalle a cité la possibilité pour l'État «de se désendetter et donc de faire des économies sur les intérêts de la dette». Le second intérêt, selon lui, «concerne les clients de l'aéroport si l'entreprise privée arrive à mieux gérer l'aéroport pour arriver à offrir des prix plus faibles aux compagnies aériennes et une meilleure qualité de service».

Un désendettement en vue

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L'État espère faire baisser sa dette de 0,5 point grâce à cette privatisation, alors qu'elle atteint 98,4 % du PIB, selon le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire. Ce chiffre n’est pas impressionnant, d’autant que les taux d'intérêt sont actuellement très bas, à peine supérieurs à 1%. «L'État va perdre les dividendes versés par ADP, de l'ordre de 2% du capital. Il n'est donc pas du tout sûr qu'il fasse une bonne affaire», a indiqué François Ecalle.

L’État a intérêt à le vendre à un très bon prix. Mais plus la régulation imposée à l'opérateur privé est exigeante, moins le prix de vente sera élevé, note Le Point. Or, pour éviter des dérives, l'État a justement prévu une régulation très stricte.

«Plus on essaye de protéger les clients de l'aéroport, moins l'action sera chère et plus l'État risque de faire une mauvaise affaire. C'est pour cela que l'affaire est risquée», concède l’expert.

Choix entre deux modèles de gestion

Pour attirer tout de même des investisseurs, l'État a donc choisi entre deux modèles de gestion d'aéroports qui existent dans le monde, a-t-il expliqué. Le premier modèle est celui de la «caisse unique», lorsque le bénéfice tiré des boutiques peut servir à financer des investissements dans les terminaux, en évitant ainsi d'avoir à augmenter les redevances des compagnies aériennes. Mais l'État a choisi l’autre modèle, celui de la «double caisse»: «les profits tirés des activités commerciales vont dans la poche de l'actionnaire, mais ne peuvent pas servir à financer les investissements dans les capacités aéroportuaires et à faire baisser les redevances». Pour la plupart des économistes, ce second modèle est moins efficace, souligne le magistrat.

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Il a également considéré comme «du marketing politique» l'argument de Bruno Le Maire selon lequel l'argent provenant de la vente d'ADP va aussi servir à investir dans un fonds destiné à encourager les entreprises à adopter les technologies de demain. «Comptablement, ce fonds est d'ailleurs une fiction, c'est un simple jeu d'écritures dans ses comptes. Il n'a en réalité aucune existence. Les deux sujets sont à séparer complètement

La privatisation ne comporte pas de risque pour la protection des frontières, «dans la mesure où l'État gardera entièrement la main sur les sujets de sûreté et de sécurité», a aussi rassuré l’expert.

Un référendum serait une erreur

Au lieu de privatiser ADP, le gouvernement «aurait pu choisir de vendre les parts de l'État dans d'autres entreprises comme Air France, Renault ou PSA, au lieu de le faire pour ADP».

«Je pense que les risques l'emportent sur les avantages potentiels [...]. C'est une question technique à analyser froidement, certainement pas un sujet à soumettre à un référendum populaire», a encore indiqué François Ecalle. 218 parlementaires de tous bords, excepté ceux de la majorité, ont en effet déclenché la procédure pour lancer le premier référendum d'initiative partagée, à condition de réunir 4,7 millions de signatures en neuf mois.

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