Second tour de la présidentielle en Tunisie: quel sera le dénouement de l’intrigue?

Sept millions d'électeurs étaient appelés dimanche aux urnes pour le premier tour de l’élection présidentielle en Tunisie. Selon les résultats, Kaïs Saïed, universitaire sans parti ni structure, et Nabil Karoui, homme d'affaires actuellement derrière les barreaux, sont en tête de ce scrutin. Sputnik s’est entretenu avec des électeurs.
Sputnik

À l’issue du premier tour de l’élection présidentielle anticipée en Tunisie qui s’est tenu dimanche 15 septembre, selon les résultats officiels, deux outsiders Kaïs Saïed, universitaire sans parti ni structure (18,4%), et Nabil Karoui, homme d'affaires actuellement derrière les barreaux (15,8%), sont en tête du scrutin, laissant derrière les favoris de la campagne électorale.

Contre le pouvoir en place

«Les électeurs ont sanctionné le gouvernement islamiste et les autorités au centre», a estimé dans un entretien avec Sputnik le journaliste tunisien Hasan al Ayadi.

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Et d’ajouter que l’émergence de deux candidats déclarés «antisystème» illustrait bien l’échec de la gouvernance menée par l’exécutif sortant et l’ampleur de la fracture entre la classe politique et la société en Tunisie.

«Karoui a reçu le soutien de ceux qui avaient obtenu ou voulaient obtenir quelque chose de lui, autrement dit des personnes poursuivant leur propre intérêt. Des citoyens plus consciencieux ont voté pour Kaïs Saïed qui avait promis lors de sa campagne de punir l’actuel gouvernement et les partis au pouvoir qui avaient trahi la confiance du peuple», a expliqué l’interlocuteur de l’agence.

Le sociologue tunisien Abdel Sitar al Sahbani est entré dans la conversation:

«Kaïs Saïed a gagné les sympathies des Tunisiens par son rejet des droits légaux [entre homme et femme, ndlr] à l’héritage, ainsi que par sa position intransigeante envers les homosexuels. Cela augmente ses chances de remporter le second tour de la présidentielle.»

Beaucoup sont ceux en Tunisie qui n’ont nullement été surpris par les résultats du premier tour et s’en sont même félicités.

Les Tunisiens s’en félicitent

«Les représentants du pouvoir en place ont perdu. Ils ont dépensé en vain des sommes exorbitantes pour leur publicité électorale. Néanmoins, les gagnants du premier tour ne sont pas non plus crédibles. L’un est impliqué dans la corruption et se trouve en prison, alors que l’autre est un novice absolu en politique, ce qui risque de compliquer la situation politique dans le pays s’il remporte la victoire», a confié à Sputnik Mirwan al Nakai, employé d’un magasin de téléphonie, âgé de 36 ans.

Muhammed al Misturi, agent de sécurité dans un supermarché, a déclaré que c’étaient les meilleurs résultats pour les Tunisiens.

L’intrigue tient

«Je pense que nous sommes dans la bonne voie. Kaïs Saïed est un candidat indépendant, conservateur et honnête. Ses vues me sont proches. Il n’a pas fait de promesses qu’il ne pourra pas remplir. Je le soutiens», a expliqué l’homme.

Le juriste tunisien Rabih Kraifi a relevé pour sa part qu’en cas de victoire de Nabil Karoui au second tour, il ne pourrait pas entrer en fonction, la loi ne prévoyant pas de report de la procédure d’investiture.

«S’il gagne tout de même, il faudra élaborer des mécanismes pour que le gouvernement travaille sans Président jusqu'à sa libération», a-t-il prévenu.

Au premier tour de la présidentielle tunisienne anticipée qui s’est tenu dimanche 15 septembre, la participation a été de 45,02%, un faible taux en regard des 64% du premier tour de la présidentielle de 2014. La campagne électorale avait été écourtée par la mort soudaine du Président de la République, Béji Caïd Essebsi, le 25 juillet. Ce premier tour devant départager 24 candidats a été particulièrement marqué par une désaffection des jeunes. Pour l'heure, la date du second tour n'a pas été fixée, mais il devrait se tenir avant le 13 octobre. Initialement, l’élection présidentielle en Tunisie était prévue pour le 17 novembre prochain.

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