Belin Éducation, russophobe? Sûrement pas, même si l’éditeur fait preuve d’une vision quelque peu biaisée du pays dans son manuel d’enseignement spécialisé géopolitique et sciences politiques de première. On y trouve en effet un chapitre intitulé «Le renouveau de la puissance russe: l’ère Poutine». Entre puissance militaire, alliances, personnalité de Poutine et soft-power russe –dont les médias publics tels que Sputnik et RT–, le tableau a de quoi inquiéter. Problème, il comporte plusieurs erreurs et imprécisions, faussant la vision du lecteur sur le sujet.
Tout d’abord, le manuel, qui est un des seuls à paraître dans le contexte de ce nouvel enseignement spécialisé, mis en place par l’Éducation nationale pour la rentrée 2019, propose une description erronée de Sputnik, que voici:
«Sputnik: agence de presse internationale créée par le gouvernement russe en 2014, ne diffuse pas en langue russe, regardé par le monde anglo-saxon, considérée en Europe comme un relais complotiste de désinformation et de propagande.»
Tout d’abord, Sputnik diffuse une radio en russe. Mais surtout, dans la plupart des pays de l’ex-URSS, Sputnik diffuse et publie dans la langue locale et en russe. De surcroît, la carte illustrant la projection du pouvoir en Europe mentionne les principales rédactions comme étant à Paris et à Berlin, mais oublient celles d’Édimbourg et d’Istanbul, tout aussi importantes numériquement parlant.
De plus, la carte proposée fait état de la présence militaire russe aux portes de l’Europe et dans le Caucase, sans indiquer celle de l’Otan, notamment dans les pays baltes, où des exercices ont régulièrement lieu à la frontière russe. Aussi, le manuel laisse supposer que la guerre qui a opposé la Russie à la Géorgie a été initiée par la Russie ce qui est factuellement faux.
Dans son chapitre «Le renouveau de la puissance russe: l’ère Poutine», le manuel propose un exercice d’analyse critique visant à évaluer le degré de fiabilité d’articles publiés par Sputnik News au sujet des actuels Présidents de la Russie, de la France et des États-Unis. Difficile pourtant d’avoir un point de vue neutre lorsque deux pages avant le média est qualifié de «relai complotiste de désinformation et de propagande».
«Identification des fondements et des manifestations de la puissance à l’échelle internationale dans les champs diplomatique (y compris au sein des institutions internationales), militaire (défense du territoire, capacité de projection…), culturel, économique et financier, en prenant appui sur des exemples contemporains», indique le programme d’histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques de première générale.
Sur la même page, le manuel propose également aux élèves d’organiser des débats, prenant pour exemple: «Faut-il avoir peur de Vladimir Poutine?», une formulation qui laisse peu de place au développement de l’esprit critique dans la manière dont les termes du débat sont posés.
Les autres éditions publiées pour cet enseignement de spécialité, qui ont été consultées par Sputnik France, sont d'ailleurs bien plus équilibrées dans leur traitement du "renouveau de la puissance russe".