Addis-Abeba incite activement les compagnies russes à investir dans l'économie éthiopienne, avant tout dans l'énergie hydraulique, les chemins de fer et le nucléaire civil. Le ministre éthiopien des Affaires étrangères Gedu Andargachew en a fait savoir lors de l'interview à Sputnik.
L’Éthiopie a joué avec succès le rôle de médiateur pour parvenir à un accord de paix au Soudan. D'autres mesures vont-elles être prises suite à cet accord pour garantir sa mise en œuvre?
Oui. Permettez-moi de dire que les peuples du Soudan et de l’Éthiopie sont proches de par leur culture et leur amitié. Un problème qui survient au Soudan se reproduit en Éthiopie. Nous considérons le processus de paix au Soudan comme notre propre processus de paix, parce que l'instabilité au Soudan affectera non seulement un pays voisin, mais également toute la région, notamment la Corne de l'Afrique. C'est pourquoi nous devons jouer le rôle de médiateur, encourager le dialogue entre les parties intéressées au Soudan. La culture du Soudan contribue bien à la coexistence de différentes communautés. Ils ont une bonne culture. Même s'ils ont des différences, ils peuvent mener le dialogue, en parler et trouver des solutions - telle est la culture du Soudan. De notre côté, nous encourageons nos frères et sœurs soudanais à user de leur sagesse, qui consiste à régler ses propres problèmes par la voie des négociations et d'un dialogue permanent. Grâce à cela, l’Éthiopie joue le rôle de médiateur dans leurs négociations, et c'est devenu un modèle pour d'autres pays africains: une solution africaine aux problèmes africains. Tel est le résultat.
Notre principe de base dans les négociations avec les Soudanais était, premièrement, le respect de la souveraineté du Soudan par le gouvernement éthiopien. Nous avons averti le peuple soudanais, y compris le gouvernement et l'opposition, de ne pas permettre aux étrangers de s'ingérer dans leurs affaires intérieures. Nous avons encouragé les acteurs soudanais aux négociations, à aspirer à une entente. Ainsi, premièrement, nous avons respecté la souveraineté du Soudan. Deuxièmement, nous voulions que le Soudan devienne démocratique afin que le conseil militaire de transition transmette le pouvoir à un gouvernement civil. Tel était le principe, et cela a été fait.
Est-ce que cela signifie que le travail est déjà achevé?
L’Éthiopie souhaite un Soudan fort et riche. Si la situation était stable, pacifique et prospère au Soudan, cela aiderait et serait utile pour le développement de l’Éthiopie, pour la paix en Éthiopie. C'est pourquoi nous souhaitions les encourager à déboucher sur un accord. Nous sommes heureux de voir que c'est arrivé.
Actuellement, le conseil militaire de transition et l'alliance d'opposition pour la liberté et le changement trouvent un terrain d'entente, ils parlent de l'accord conclu, ils partagent le pouvoir pour faire avancer le Soudan. Et l’Éthiopie reste toujours à proximité du peuple du Soudan et du gouvernement du Soudan afin de soutenir ce processus, et ce résultat positif doit transformer le Soudan en pays démocratique.
En d'autres termes, cette question relève désormais de l'Union africaine dans l'ensemble et pas seulement de l’Éthiopie?
Oui. C'est même mieux. La commission de l'Union africaine souhaite également aider le peuple soudanais à avancer dans un sens positif - pas seulement l’Éthiopie.
Sergueï Lavrov a déclaré que la Russie et l’Éthiopie avaient passé des accords dans le domaine de la coopération militaro-technique. De quels accords s'agit-il?
Nous ne parlons pas de questions concrètes, nous parlons des moyens visant à renforcer les relations entre la Russie et l’Éthiopie dans le secteur de la science et des technologies. La Russie est un pays avancé dans le secteur de la science et des technologies, l’Éthiopie voudrait apprendre grâce aux experts russes. Nous avons parlé du renforcement de notre coopération dans le secteur de la science et des technologies, ainsi que de l'éducation.
A l'époque soviétique, plus de 24.000 étudiants ont suivi un cursus universitaire en URSS et ont apporté leur contribution dans le développement de l’Éthiopie. La Russie continue de soutenir l’Éthiopie dans le secteur de l'éducation et de la science. Nous voulons renforcer cette coopération.
Les relations commerciales entre la Russie et l’Éthiopie se trouvent à un niveau bas. Nous souhaitons les élargir. Des compagnies russes viennent dans notre pays avec des investissements. Mais aujourd'hui plusieurs autres régions investissent dans notre pays - la Chine, l'Inde, le Moyen-Orient, l'Europe. Nous poussons les autorités russes à promouvoir les compagnies russes en Éthiopie, à participer aux différents projets économiques. Nous avons une bonne compréhension en la matière.
La Russie et l’Éthiopie peuvent travailler ensemble dans le secteur minier. En Éthiopie travaillent des compagnies russes pour l'exploration des gisements d'hydrocarbures. Nous voulons que davantage de compagnies russes travaillent dans le secteur minier éthiopien.
En ce qui concerne la coopération militaro-technique, la Russie a été avec nous à ce sujet tout au long de notre histoire, depuis 120-130 ans. Nos militaires utilisent essentiellement des équipements de Russie. Nous prônons le développement de la coopération actuelle et son passage au niveau supérieur. Nous en avons parlé lors des pourparlers à Moscou.
Autre thème important: notre coopération doit se renforcer sur les questions internationales, dans la lutte contre le terrorisme notamment. Nous avons parlé de beaucoup de choses mais il nous faut plus d'accords, et il faut les développer.
Qu'en est-il de la modernisation du matériel militaire russe déjà en service chez vous?
C'est déjà en cours. La Russie et les forces armées éthiopiennes travaillent ensemble et nous voulons renforcer cette coopération, notamment par le biais d'accords bilatéraux.
La compagnie russe des chemins de fer a témoigné de l'intérêt pour des projets en Éthiopie. Y a-t-il déjà des négociations à ce sujet?
Nous avons soulevé à Moscou la question de la venue de compagnies russes dans notre secteur ferroviaire afin qu'elles participent à la construction du chemin de fer en Éthiopie. Nous en parlerons en détail, mais dans l'ensemble nous saluons les investissements des compagnies russes en Éthiopie.
De nombreuses compagnies russes travaillent déjà en Éthiopie. Par exemple, des négociations sont en cours avec Rosatom pour la construction d'une centrale nucléaire. La compagnie des chemins de fer russe est également intéressée par des projets d'infrastructure en Éthiopie. Les négociations à ce sujet sont-elles terminées?
Nous évoquerons en profondeur ces décisions, mais dans l'ensemble nous saluons les investissements des compagnies russes en Éthiopie. Nous essayons de les attirer sur notre marché. Nous n'avons pas encore eu de négociations détaillées.
En ce qui concerne l'énergie hydraulique, le gouvernement éthiopien souhaite que des compagnies russes participent à la modernisation du barrage construit sous l'Union soviétique. La participation de compagnies russes à ce projet serait utile pour les deux pays. Le problème réside dans nos règles - la compagnie doit être admise à l'issue d'un appel d'offres.
Nous suggérons à Rosatom de participer à ce dernier: cela aidera le gouvernement à prendre une décision, sinon il sera législativement impossible d'accorder le projet à cette compagnie.
En avril, la Russie et l’Éthiopie ont signé une feuille de route de trois ans pour la mise en place de la coopération pour la construction, sur le territoire éthiopien, d'une centrale nucléaire et d'un centre de science nucléaire et de technologies. Y a-t-il du concret sur ce projet?
Nous souhaitons posséder une centrale nucléaire à des fins énergétiques, pour le nucléaire civil. C'est en corrélation avec la Russie. Les négociations sont en cours, elles ne sont pas encore terminées. Nous espérons qu'en octobre l'accord sera signé pendant le sommet Russie-Afrique.
Avez-vous déjà choisi le site pour la centrale nucléaire en Éthiopie?
Pas encore. Nous terminerons les négociations et ce sera plus simple quand nous déciderons ensemble avec la partie russe.
Compte tenu de la longue coopération entre la Russie et l’Éthiopie dans le secteur militaro-technique, peut-il être question d'une base militaire russe en Éthiopie? Pourrait-elle s'ouvrir en Ethiopie?
Connaissez-vous le niveau auquel l’Éthiopie sera représentée au sommet Russie-Afrique en octobre à Sotchi? Pouvez-vous dire à quel niveau exactement?
Il est évident que l’Éthiopie sera représentée au plus haut niveau gouvernemental. Nous n'avons pas encore décidé qui viendra, ce n'est pas encore indiqué.
Quel est le principal résultat de votre visite à Moscou?
Cette visite en Russie est excellente. Je venais à Moscou pour la première fois, et j'ai senti l'attitude chaleureuse de la Russie. Dans les moments difficiles de l'histoire de l’Éthiopie, la Russie était toujours avec nous. La Russie est un partenaire fiable de l’Éthiopie.
Nous sommes venus pour renforcer la coopération entre nos pays. Les pourparlers ont été productifs. Nous nous sommes entendus non seulement sur les domaines concrets de coopération, mais également sur la coopération au niveau bilatéral et sur la scène internationale.
Nous sommes convenus de poursuivre le travail de la commission gouvernementale russo-éthiopienne, qui se réunira à Saint-Pétersbourg le mois prochain. Nous poursuivrons les contacts au sommet Russie-Afrique.
Si les relations russo-éthiopiennes devenaient plus solides, l’Éthiopie deviendrait pour la Russie un portail vers l'Afrique, car l’Éthiopie possède une position stratégique très favorable sur le continent. Nos deux peuples profitent du développement de nos relations.
Certes, je ne peux pas encore parler de notre partenariat comme étant stratégique, mais nous nous sommes mis d'accord pour passer au niveau supérieur.