Le bassin du Congo, deuxième «poumon de la planète», brûle aussi - exclusif

Alors que le monde a les yeux rivés sur les incendies qui ravagent la forêt amazonienne, l’autre «poumon de la planète», le bassin du Congo, brûle lui aussi. Dans une interview à Sputnik, Floribert Bontamba, du WWF en République démocratique du Congo, fait une plongée exhaustive dans la situation des incendies de forêts dans son pays.
Sputnik

L’année 2019 s’avère désastreuse pour les forêts, de la Sibérie à l’Amazonie en passant par le bassin du Congo, deuxième «poumon de la planète», couvrant une superficie d’environ deux millions de kilomètres carrés.

«La forêt brûle également en Afrique subsaharienne. Nous sommes en train d’examiner la possibilité d’y lancer une initiative similaire à celle que nous venons d’annoncer pour l’Amazonie», a commenté Emmanuel Macron sur Twitter, lundi 26 août.

Floribert Bontamba, responsable des projets de l’ONG Fonds mondial pour la nature en République démocratique du Congo (WWF-RDC), a donné un aperçu de la situation autour des feux de forêts dans son pays.

Aux origines, le secteur agricole et la chasse

Pendant cette période de préparation à la saison agricole, la plupart des communautés congolaises font de l’agriculture itinérante sur brûlis, ce qui mène à des feux. Toutefois, explique le responsable, la chasse dans les savanes est aussi à blâmer car les chasseurs utilisent des techniques traditionnelles pour attraper le gibier.

Le facteur humain reste fort, selon M.Bontamba qui mentionne le vandalisme, l’ignorance, ou encore l’oubli: «Ils se sont arrêtés quelque part, ils ont mangé. Au lieu d’éteindre le feu qu’ils avaient utilisé, ils partent et puis finalement cela prend dans la savane ou [dans] une partie de la forêt et cela brûle.»

Cependant, pour lui, l’agriculture itinérante sur brûlis est la raison principale.

Exploitation illégale des forêts

Concernant l’exploitation illégale du bois, un fléau qui infeste la RDC depuis des années, le responsable considère qu’il faut mettre la pression à la fois sur l’État, les communautés et les exploitants forestiers, industriels ou artisanaux, pour faciliter le travail de la coalition nationale contre l’exploitation illégale du bois. «Cette coalition a la responsabilité de visiter les zones où il y a des soucis», explique-t-il.

Action de l’État

Afin de sauver les forêts équatoriales et lutter contre le changement climatique, le gouvernement de la RDC a publié son programme d’action en cette période difficile, secteur par secteur avec précision, note M.Bontamba.

Au menu du programme: «lutte contre le changement climatique et création des conditions d’un développement durable»; «affirmer notre leadership mondial et africain dans le domaine de l’eau, de la forêt, notamment par la mise en place d’une charte nationale de l’environnement et du développement durable»; «établissement d’une cartographie forestière, évaluation de nos potentialités en biodiversité»; «protection de nos communautés locales et de nos tourbières»; «aménager de manière optimale notre territoire national, notamment par la répartition des espaces destinés à l’habitat, à l’exploitation agricole, minière et forestière, ainsi qu’à la conservation de la nature»; «protéger et préserver l’environnement par une meilleure gestion des forêts, des eaux, des airs et de la faune»; «protéger les communautés locales en veillant à la bonne gestion des concessions minières et forestières, ainsi qu’au cadastre irrelatif».

Aide de la communauté internationale

Répondant à une question sur l’aide internationale concernant les incendies, M.Botamba a évoqué le mécanisme REDD+ (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation forestière), dont les projets incluent la gestion durable et la conservation des forêts ainsi que le renforcement des stocks de carbone liés à la forêt.

«Dans cette stratégie, on a identifié sept piliers pour lutter contre les changements climatiques. La stratégie a fourni son plan d’investissement qui [fait] grosso modo deux milliards [de dollars, ndlr] pour pouvoir répondre justement à ces questions. Dans les secteurs forestier, agricole et énergétique, il a été identifié qu’il faut 21 milliards [de dollars, ndlr] pour pouvoir réduire les émissions [de] 17 %. Maintenant, il est financé par le fonds CAFI à hauteur de 200 millions de dollars pour mettre en œuvre son plan d’investissement REDD. Et il y a encore des besoins», note-il.

Il a néanmoins déploré le manque de financements de la part des fonds «verts»:

«Le fonds vert pour le climat avait été créé pour porter à hauteur de 100 milliards de dollars par an les financements devant permettre aux pays comme le nôtre d’avoir des moyens et de faire le travail nécessaire. Mais, malheureusement, les fonds qui sont disponibles n’ont pas atteint les 100 milliards par an. Seul un petit montant est là depuis sa création. Les pays comme le nôtre n’ont pas facilement accès à ces financements-là, bien qu’aujourd’hui le fonds vert [soit] déjà opérationnel.»

«En effet, le monde a trois poumons: le poumon de l’Amazonie, celui du bassin du Congo et celui du bassin du Mékong. On doit veiller à cet équilibre-là, que les trois poumons soient en bonne santé pour que la Terre, notre planète, soit en bonne santé», a-t-il conclu.

Coopération Russie-RDC?

En cette même période, les forêts brûlent aux quatre coins du monde, comme en Sibérie. La RDC et la Russie peuvent-elles coopérer pour sauver ce patrimoine mondial? En réponse, le responsable a évoqué l’accord de Paris.

«Déjà au niveau de l’accord de Paris, nous allons aider les pays à collaborer pour pouvoir répondre à ces différentes questions. Effectivement, les forêts ne brûlent pas seulement en Russie, mais il y en a aussi en Europe, en Amérique dans des zones plus fortes lorsqu’il y a la sécheresse et on voit que les forêts brûlent en grande quantité. Donc, il faudrait que nous commencions à regarder en détail [ce] qui fait que ces forêts-là brûlent, que nous commencions à les protéger. Mais, l’accord de Paris est une réponse à cela. Et je pense que si tous nous y adhérons, à l’accord de Paris, ce serait une bonne chose.»

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