«Montessori est une pédagogie merveilleuse qui permet à l’enfant d’apprendre plus rapidement et de développer trois valeurs essentielles: la responsabilité, l’autonomie et la créativité.», déclare d’emblée au micro de Sputnik Sara Adico.
Des enfants responsables, autonomes et créatifs, voilà ce que permet la pédagogie Montessori que Sara Ollo Adico, elle-même maman d’une fille de 14 ans, essaie de mettre en place en Côte d’Ivoire depuis huit ans, à commencer par son propre établissement scolaire.
«Déjà à l’IRMA, je trouvais le système éducatif trop classique. Alors, je me suis mise à faire des recherches sur des pédagogies nouvelles et c’est là que je suis tombée sur celle de Montessori. J’ai dès lors commencé à me former sur cette méthode, en ligne, et à lire des livres de Maria Montessori», explique au micro de Sputnik cette pédagogue de 41 ans.
Diplômée en finance et management, elle a fait partie, en 2011, des lauréats du «Business Plan Competition», un prix initié par la Banque mondiale qui sélectionne vingt entrepreneurs parmi 300 candidats.
C’est la démarche Montessori qui a convaincu l’organisme international de sélectionner son projet et Sara Adico s’est vu remettre un financement qui l’a aidée à fonder, en septembre de cette même année, l’école maternelle «La Coccinelle» à Abidjan.
Cependant, faute de fonds suffisants, l’entrepreneure a dû se résoudre pendant sept ans à diriger un établissement classique.
D’origine italienne, la médecin et pédagogue Maria Montessori (1870- 1952) est mondialement connue pour sa méthode aujourd’hui enseignée dans plus de 20.000 écoles dans le monde. Toutefois, en Afrique subsaharienne - et en particulier en Côte d’Ivoire -, cet enseignement demeure largement inconnu du grand public.
Plusieurs études scientifiques ont permis de constater que les enfants soumis à la pédagogie Montessori présentent des compétences pratiques et une habileté dans la vie quotidienne. Par ailleurs, ils se montrent plus autonomes, autodisciplinés et responsables que ceux qui ont suivi un cursus régulier.
«Dans l’univers Montessori, la maternelle est rebaptisée ‘‘la maison de l’enfant’’. Celle-ci regroupe les apprenants de trois à six ans. La disposition d’une salle de classe de la maison des enfants est quant à elle appelée ‘‘ambiance’’», explique Sara Adico.
Au sein d’une ambiance Montessori, on retrouve différents coins comme le coin des activités de la vie pratique, le coin écriture, le coin des mathématiques et le coin du langage. L’ambiance est toujours pensée et disposée de façon bien réfléchie, pour un déplacement autonome optimal des apprenants d’un coin à l’autre.
Des débuts tumultueux mais encourageants
«Les débuts de La Coccinelle ont été vraiment difficiles. Il était question que la Banque mondiale nous apporte une assistance technique et que l’État finance le projet. Malheureusement, le gouvernement n’a pas suivi et nous avons été obligés, après la création de l’entreprise, de trouver d’autres financements», relate Sara Adico.
Pour sa première année d’existence, La Coccinelle a démarré avec 17 élèves. En 2012, l’école a accueilli 57 enfants, puis 75 au cours de l’année scolaire 2013-2014.
A partir de la quatrième année, l’école a été contrainte d’emménager dans un nouveau local plus grand qui accueille régulièrement 100 élèves depuis.
Ce parcours fulgurant de La Coccinelle a valu à Sara Adico de recevoir en 2014 le prix d’excellence Alassane Ouattara dans la catégorie «Jeune entrepreneur».
«Je me dis que le prix d’excellence obtenu en 2014 a beaucoup contribué au fait que la Coccinelle soit la seule école ivoirienne à être financée par la fondation Jacobs et Investisseurs et Partenaires (I&P) en Côte d’Ivoire», confie à Sputnik sa fondatrice.
Le combat pour une pédagogie accessible à tous
En effet, en 2019, Sara Adico a noué un partenariat financier avec «Investisseurs et Partenaires (I&P)» et la Fondation Jacobs, par l’intermédiaire du fonds d’investissement Comoé Capital. Avec ce partenariat, elle a pu bénéficier d’une formation à l’institut Maria Montessori de Paris. Et il lui est désormais possible de mettre en œuvre la pédagogie Montessori, comme elle l’a toujours souhaité.
«C’est véritablement à partir de l’année scolaire 2019-2020 que nous serons pleinement une école Montessori. Les années précédentes, on faisait intervenir la pédagogie par endroit mais désormais, pour la maternelle, la formation sera entière. Pour les classes du primaire, la pédagogie sera instaurée de manière progressive», explique-t-elle.
Bien qu’elle se réjouisse de cette avancée, Sara Adico dont l’objectif est d’œuvrer à permettre aux enfants de cadres moyens et de quartiers modestes d’accéder à la pédagogie Montessori, est consciente que son coût peut représenter un obstacle.
Initialement destinée aux enfants défavorisés, quand Maria Montessori la testait en 1907, cet enseignement n’est désormais plus à la portée de toutes les bourses. Et s’il coûte cher, c’est en raison des nécessités de formation et de l’équipement des établissements.
«Actuellement en Côte d’Ivoire, il n’existe pas de formateurs Montessori. Pour former notre personnel, nous avons dû signer un partenariat avec Apprendre Montessori, un centre de formation français qui nous a dépêché une formatrice», détaille Sara Adico.
La formation en elle-même revient à 5.500 euros (3,6 millions de francs CFA), auxquels il faut ajouter le prix du billet et celui du séjour de la formatrice. En plus de cela, il faut compter le prix du matériel didactique, dont 80% provient de France, ce qui rajoute un coût du transport. Les 20% restants sont fabriqués par des artisans locaux.
C’est la formation du personnel ainsi que le matériel à acquérir qui font que cette pédagogie coûte cher.
Pour alléger le prix de la scolarité à La Coccinelle, Sara Adico a fait fabriquer sur place tout l’équipement mobilier. Par ailleurs, ses nouveaux partenaires financiers ont pris en charge 80% de ses frais de formation en France et du personnel à Abidjan.
«Du coup, nous n’avons pas trop senti le poids des charges financières, ce qui nous permet de pouvoir proposer la pédagogie à moindre coût», déclare-t-elle.
«L’appui de la Fondation Jacobs est à la fois un honneur et un défi pour nous. Elle met à notre disposition un financement, il faut en retour qu’on le mérite par notre travail et qu’on porte haut le drapeau de la Côte d’Ivoire», déclare Sara Adico.
La fondatrice souhaite que la réussite de son expérience avec la Fondation Jacobs puisse inciter l’institution à faire confiance à d’autres jeunes Ivoiriens et à les accompagner dans leurs projets.
«Je compte énormément sur le soutien de l’État ivoirien, notamment pour obtenir les autorisations nécessaires, car j’ai aussi le projet de création d’une école d’éducateurs préscolaires et d’une autre qui va délivrer une licence en sciences éducatives et en sciences sociales. On ambitionne de les mettre en place à partir de 2020», a-t-elle conclu.
Sara Adico rêve à terme de propager la pédagogie Montessori depuis la maternelle jusqu’au lycée. Elle dispose déjà d’un terrain de 2.000 m2 à Bingerville (ville située à 18 km d’Abidjan) où elle envisage bâtir un complexe scolaire qui va comporter un institut de formation, une école maternelle et une école primaire.