Cet été, des incendies de grande envergure ont ravagé trois forêts différentes: la taïga russe, la forêt amazonienne et la forêt du bassin du Congo. Des feux causés par les changements climatiques, la déforestation et les pratiques agricoles. Des feux qui ont soulevé l’indignation et la mobilisation, avec leur lot d’idées reçues. Nous y reviendrons.
Fin juillet, la taïga russe s’est embrasée. Une température anormale combinée aux vents forts a alimenté les feux qui se sont propagés de l’Oural au Kazakhstan, heureusement sur des territoires peu habités. Un facteur qui a malheureusement poussé le gouvernement à une action trop tardive, estimant que les coûts dans la lutte contre les feux seraient trop élevés. Mais après la mobilisation d’organisations environnementales et de citoyens, Vladimir Poutine envoya l’armée en aide aux pompiers qui luttaient depuis des semaines.
Début août, la forêt amazonienne a pris feu à son tour. La déforestation, cause principale des incendies, combiné aux changements climatiques, expliquent ces incendies. L’Institut national de recherche spatiale a affirmé que leur nombre a augmenté de plus de 80% par rapport à la même période en 2018, une année où les feux de forêt avaient été particulièrement contenus. Avec un peu de recul, on s’aperçoit même que le nombre d’incendies en Amazonie brésilienne est légèrement inférieur à la moyenne de ces 22 dernières années.
Ceci n’a pas empêché ces feux de soulever l’indignation mondiale. Ils ont même créé de vives tensions entre Jair Bolsonaro et Emmanuel Macron. Les pays du G7 ont proposé une aide financière, refusée par le gouvernement brésilien.
Pendant ce temps, l’Afrique subsaharienne a quant à elle été en proie à des feux encore plus denses (comme l’a montré une carte de la NASA, relayée en masse), dont la couverture médiatique a été inversement proportionnelle à l’étendue géographique. Certains y ont vu l’indifférence vis-à-vis du continent noir.
Cependant, les causes étaient différentes. Et les pratiques agricoles, dont la culture sur brûlis, sont les premières responsables des incendies en Afrique subsaharienne. L’Angola a voulu mettre les choses au clair via un communiqué, agacé par les comparaisons hâtives faites avec la situation au Brésil :
«qui peuvent conduire à une dramatisation de la situation et une désinformation des esprits les plus imprudents.»
Comme le souligne Guillaume Lescuyer, spécialiste de l’Afrique centrale au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, les feux observés ne sont pas dans la zone de forêt, mais plutôt en Angola et en Zambie. Et en cette période de l’année, ces feux dus aux pratiques agricoles sont habituels. Mais la déforestation reste une vraie menace en Afrique.
«En RDC, où seulement 9% de la population a accès à l’électricité, les communautés villageoises n’ont que le bois pour faire bouillir la marmite. Au rythme actuel d’accroissement de la population et de nos besoins en énergie, nos forêts sont menacées de disparition à l’horizon 2100», a déclaré le Président congolais Félix Tshisekedi durant les incendies qui ont touché l’Afrique subsaharienne.
Le bras de fer Bolsonaro-Macron
Les incendies en Amazonie ont quant à eux été relayés en masse sur les réseaux sociaux, sous les hastags #PrayforAmazonia ou #PrayforAmazonas, accompagnés de nombreuses photos. Des images souvent non fidèles à la réalité, datant d’il y a plusieurs années ou prises à des endroits différents. Ainsi des personnalités comme Emmanuel Macron, Leonardo Dicaprio ou Cristiano Ronaldo ont-ils partagé des images n’ayant rien à voir avec la situation en Amazonie brésilienne en 2019. Beaucoup, à l’instar de Macron, ont aussi colporté des Fake News, comme l’affirmation que la forêt amazonienne «produit 20% de notre oxygène» et serait le poumon de la planète. Une erreur selon les experts, comme le souligne Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences climatiques et environnementales à Euronews:
«Dire que l’Amazonie produit 20% de notre oxygène est un peu exagéré. C’est plus entre 10 et 12%, parce que la photosynthèse générée par les océans contribue également à la production d’oxygène de la planète.»
La veille du G7, le Président de la République a accusé son homologue brésilien d’avoir menti sur ses engagements écologiques, puis a appelé à un rendez-vous d’urgence lors du sommet avec les pays membres du G7 pour parler de la situation au Brésil. Une initiative peu appréciée par Jair Bolsonaro:
«La suggestion du Président français de discuter des affaires amazoniennes au G7 sans la participation de la région évoque une mentalité colonialiste dépassée au XXIe siècle», a tweeté Jair Bolsonaro.
Puis il a ironisé sur Brigitte Macron, en commentant le post d’un internaute qui comparait leurs épouses respectives. Le Président français a vivement réagi pour défendre sa femme. Par ailleurs, beaucoup de Brésiliens, sous le hastag #desculpaBrigitte («désolée Brigitte»), ont tenu à s’excuser des propos tenus par leur Président.
À cela s’ajoutent le ministre de l’Éducation brésilien traitant Macron «de crétin» et l’un des fils de Jair Bolsonaro partageant une vidéo traitant Emmanuel Macron de «con». Et alors que l’aide financière du G7 a été refusée par Brasilia, le Président brésilien a surenchéri, demandant à Emmanuel Macron de retirer ses insultes. Des tensions qui ne semblent pas s’apaiser. Vendredi 30 août, Jair Bolsonaro a déclaré à des journalistes qu’il cesserait d’utiliser des stylos de la marque Bic, «parce que Bic est française», alors que 95% des stylos Bic vendus au Brésil sont fabriqués dans l’État d’Amazonas. Contacté par Sud-Ouest, un chargé de presse de la firme a expliqué que «le groupe emploie un millier de personnes dans ses usines de Manaus et de Rio de Janeiro, et se dit flatté d’être reconnu comme étant une marque démocratique», sans commenter directement les déclarations de Jair Bolsonaro.
Face à la pression, le Président brésilien a tout de même signé un décret jeudi 29 août, qui interdit la pratique de la culture sur brûlis durant 60 jours. Malgré le décret, la mobilisation de l’armée et des pompiers, les feux au Brésil progressaient encore ce week-end du 1er septembre. L’institut national de recherche spatiale a indiqué que 3.859 nouveaux incendies s’étaient déclenchés en Amazonie, dont 2.000 au Brésil, dans les journées de jeudi et vendredi. Moins de blabla et plus d’actions seraient de mise.