Crise en Ukraine: «la solution n’est pas seulement sur les épaules de la Russie!»

Pour que la Russie rejoigne le G7, il faudra selon E. Macron «qu'une solution soit trouvée en lien avec l'Ukraine sur la base des accords de Minsk». Cependant, pour l’humanitaire Nikola Mirkovic, la France, qui est partie à ces accords, peut et doit adopter une politique plus volontariste pour résoudre le drame du Donbass. Entretien.
Sputnik

Nikola Mirkovic est le dirigeant de l'ONG Ouest-Est, qui intervient notamment auprès des victimes civiles de la guerre dans le Donbass.

La Russie d’accord, mais c’est elle que doit faire un effort : si son exclusion du G8 a été causée par la crise ukrainienne, il semble logique à Emmanuel Macron que son retour soit conditionné par un geste de la part de Vladimir Poutine. Mais est-ce vraiment logique justement ?

Nikola Mirkovic : Non, ce n’est pas vraiment logique : la crise ukrainienne doit d’abord être réglée à Kiev. Kiev peut en effet s’assurer que les accords de Minsk II soient convenablement mis en place – la fin des combats, le retrait de l’armement lourd, le laissez-passer de part et d’autre de la ligne de front, des convois et des marchandises. Ce n’est pas seulement sur les épaules de la Russie, Macron veut utiliser ça comme alibi : la rhétorique occidentale, c’est que la Russie mène la guerre en sous-main. Macron ne peut pas dire « on s’est trompés ».

«La crise ukrainienne doit d’abord être réglée à Kiev.»

L’Occident est donc selon vous prisonnier de sa propre rhétorique… mais l’Occident veut aussi croire au nouveau Président ukrainien Volodymyr Zelensky. A tort ou à raison ?

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N.M. : A raison... Zelensky a clairement dit qu’il voulait la paix au Donbass, contrairement à [l’ancien Président] Porochenko, qui voulait la guerre. Zelensky a appelé Vladimir Poutine au téléphone, qui a lui-même dit qu’il y avait des « raisons optimistes » de croire en un retour de la paix. L’interlocuteur n’est plus Porochenko, c’est Zelensky. Le problème est que l’ancien Président a placé beaucoup de faucons de guerre dans son administration. Zelensky doit faire le ménage et limoger des personnes qui ont vécu sur cette guerre, pour trouver une solution pacifique avec les républiques de Donetsk et de Lougansk.

«Zelensky doit faire le ménage et limoger des personnes qui ont vécu sur cette guerre.»

Des rumeurs ont évoqué une nouvelle réunion à l’automne, à Paris. Elle n’a pas été annoncée, et les accords de Minsk patinent. Que faire ?

N.M.: c’est une guerre civile, il n’y a pas de solution magique. La réconciliation prendra du temps. Pour pacifier la zone – rappelons qu’il y a chaque jour des tirs de part et d’autre de la frontière, l’Ukraine peut montrer l’exemple en retirant ses troupes de la ligne de front. Il faudra aussi prendre en compte la volonté du peuple du Donbass, qui a clairement fait son choix politique [en se soulevant par les armes]. Il faut sans doute mettre en place un nouvel échéancier dans le cadre d’une nouvelle réunion au format Normandie, avec de nouveaux ultimatums. Le problème des accords de Minsk II, c’est qu’il y avait trop de conditions, en un laps de temps trop court.

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«La France doit jouer son rôle diplomatique des deux côtés de la frontière.»

Quel rôle la France peut-elle jouer dans ce processus diplomatique ?

N.M.: Un rôle majeur : la France est signataire des accords de Minsk II, elle s’est engagée à s’assurer qu’ils soient mis en place. Pendant longtemps, elle n’a rien fait. Elle a fermé les yeux sur les 13 000 morts de la guerre du Donbass -- en Europe, au XXIè siècle ! La France doit jouer son rôle diplomatique des deux côtés de la frontière pour encourager les protagonistes à appliquer les éléments des accords de Minsk – les échanges de prisonniers par exemple. La France peut mettre intelligemment la pression sur Kiev, par exemple d’ordre économique, via les négociations que l’Ukraine mène avec l’Union européenne. Cette politique volontariste aura des résultats : les républiques de Donetsk (DNR) et Lougansk (LNR) font confiance à Moscou, et Vladimir Poutine pourra aisément les convaincre de déposer les armes à leur tour, si Moscou reçoit les garanties que Kiev en fera autant.

 

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