«Ils doivent baisser les taux plus vite et plus fort [...] L'incompétence, c'est terrible à voir, surtout quand vous savez que tout pourrait être réglé facilement.»
C’est par le biais de Twitter, son moyen de communication favori, que Donald Trump a, une fois de plus, sorti la sulfateuse contre la Réserve fédérale américaine (Fed). Le 7 août, il a publié une série de tweets incendiaires contre la banque centrale américaine. Il lui reproche d’avoir relevé à plusieurs reprises ses taux ces derniers mois. Ce qui, selon le locataire de la Maison Blanche, représente un frein au développement économique américain.
«Notre problème n'est pas la Chine [...] C'est la Réserve fédérale qui est trop fière pour admettre avoir fait une bêtise en relevant les taux trop vite et trop haut. (J'avais raison !)», a notamment lancé Donald Trump.
Entre décembre 2015 et décembre 2018, la Fed a procédé à pas moins de neuf remontées de taux. Pourtant, le 31 juillet, elle faisait un geste en les abaissant pour la première fois depuis la crise de 2008. «Conformément à son mandat, le Comité cherche à promouvoir un niveau d'emploi maximum et la stabilité des prix. Compte tenu des implications des évolutions mondiales sur les perspectives économiques ainsi que des pressions inflationnistes atténuées, le Comité a décidé de ramener la fourchette cible du taux des fonds fédéraux à 2-2,25%» expliquait alors la Fed dans un communiqué.
Trop peu pour Donald Trump qui veut aller bien plus loin… et bien plus vite. Pour le locataire de la Maison Blanche, les taux américains sont trop hauts et handicapent les exportations de l’Oncle Sam, dollar fort oblige. Le Président américain met également en avant la guerre commerciale que se livrent Washington et Pékin afin de justifier sa demande. Le 7 août, trois banques centrales de pays sensibles au marché asiatique ont décidé de baisser leurs taux: l’Inde, la Nouvelle-Zélande et la Thaïlande. Des décisions qui ont eu pour effet de faire chuter les rendements obligataires.
Des anciens de la Fed perdent patience
La guerre commerciale sino-américaine a des répercussions dans le monde entier. Pendant un temps, les négociations semblaient avancer. Mais Donald Trump juge que Pékin ne tient pas ses promesses et a promis 10% de tarifs douaniers supplémentaires sur 300 milliards de dollars d'importations de produits chinois à partir du 1er septembre. Dans le camp d’en face, la Chine a laissé se déprécier davantage le yuan jusqu’à passer en dessous de la barre de 7 yuans pour un dollar, une première en 10 ans. Pékin a également annoncé qu’il n’achèterait pas de produits agricoles américains comme il l'avait promis. Le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin accuse la Chine de manipuler sa devise en intervenant sur le marché des changes afin de la sous-évaluer et ainsi se défendre contre les tarifs douaniers américains.
Certains spécialistes ne sont pas d’accord avec une telle analyse. C’est notamment le cas de Larry Summers, un des prédécesseurs de Steven Mnuchin. Dans une tribune au Washington Post, il a affirmé qu’il n’y avait pas de «manipulation avérée»: «La baisse du yuan lundi n'était pas artificielle [...] c'est la réponse naturelle du marché aux nouveaux tarifs douaniers américains.»
C’est donc ce contexte très tendu qui, selon Donald Trump, nécessite de sortir l’artillerie lourde au niveau monétaire. James Bullard, membre du Comité monétaire de la Fed, n’est pas de cet avis. Pour lui, la Réserve fédérale ne peut pas «de façon réaliste, faire évoluer sa politique monétaire du tac-au-tac après chaque menace d'un côté ou de l'autre».
«Des menaces viendront des deux bords, certaines seront suivies d'effets, d'autres pas» explique-t-il. Avant d’ajouter qu'avant de décider une nouvelle réduction de taux, il voulait «prendre la mesure de l'évolution de l'économie».
Si Donald Trump n’est jamais cité, il est clairement visé par ces anciens dirigeants de la Fed qui se disent «unis dans la conviction que la Fed et son président doivent pouvoir agir indépendamment et dans le meilleur intérêt de l'économie, libérés de pressions politiques à courte vue et en particulier dans la menace de limoger les dirigeants de la Fed pour des motifs politiques».
La prochaine réunion monétaire de la Fed n’est pas attendue avant le 18 septembre. Pour le moment, toutes les options sont sur la table. La banque centrale américaine a assuré être prête à soutenir l’expansion économique. Du côté des spécialistes, on mise sur deux baisses des taux d'un quart de point d'ici la fin de l'année. Au minimum.