La coopération économique avec les nouveaux membres du processus [BRICS+, ndlr] deviendra permanente, a déclaré au quotidien Izvestia une source diplomatique. A terme, l'apparition d'un tel réseau d'alliances sur différents continents permettra aux participants non seulement d'élargir le nombre de partenaires commerciaux préférentiels, mais également de renforcer la voix consolidée des Brics au sein des organisations financières internationales et de réduire la dépendance envers le dollar grâce à une utilisation plus active des monnaies nationales dans les échanges commerciaux entre les membres.
Dis-moi qui est ton ami
Le groupe des BRICS, dont chaque membre représente la plus grande économie sur son continent ou dans sa sous-région, n'a jamais été un club d'élite fermé. Au contraire, ses membres ont toujours cherché activement à faire participer d'autres pays émergents à la coopération. Pendant une longue période, ces efforts s'intégraient dans le contexte régional.
En gros, chaque membre conviait uniquement les "siens": l'Afrique du Sud invitait aux sommets annuels des BRICS des dirigeants africains, le Brésil les pays latino-américains, l'Inde les pays d'Asie du Sud, et la Russie les représentants de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et de l'Union économique eurasiatique (UEE).
En 2017, quand le sommet s'est déroulé en Chine, ce pays a décidé d'élargir le cadre strictement régional de la sélection des partenaires en invitant à Xiamen des dirigeants de l’Égypte, de la Guinée, du Mexique, du Tadjikistan et de la Thaïlande. C'est alors que Pékin a avancé le concept des BRICS+, consistant à créer une sorte de cercle d'amis des BRICS avec qui la coopération doit devenir permanente, et non périodique.
Cette idée novatrice de la Chine a été activement soutenue par l'Afrique du Sud, tandis que le président actuel des BRICS - le Brésil, dont le président Jair Bolsonaro ne cache pas ses opinions proaméricaines - n'était pas très enthousiaste. En revanche, la Russie, qui présidera les BRICS l'an prochain, est prête à soutenir activement l'idée d'une nouvelle plateforme pour renforcer les alliances économiques sur différents continents, a affirmé la source diplomatique d'Izvestia.
«Nous soutenons les efforts de Pékin visant à créer un club des amis des BRICS et soutiendrons cette initiative pendant notre présidence du groupe», a noté la source.
Comme l'a expliqué le directeur de programmation du club de discussion Valdaï, Iaroslav Lissovolik, l'idée générale des BRICS+ consiste à réunir les mécanismes qui fonctionnent déjà dans chacune des régions des pays membres du groupe actuel.
«La coopération dans le cadre des BRICS+ est possible sur plusieurs axes, dont le premier est la coopération des associations d'intégration régionales», a déclaré l'expert.
Et ces associations sont nombreuses: l'UEE, le Marché commun du Sud (Mercosur), la Communauté de développement d'Afrique australe (CDAA), l'Association sud-asiatique pour la coopération régionale et l'OCS. Compte tenu des membres de ces associations et d'autres blocs d'intégration régionaux, le cercle des BRICS+ représente 35 pays. La création d'une nouvelle plateforme permettrait d'élargir les accords de libre-échange et les conditions préférentielles pour les partenaires.
Un cercle plus large, avec davantage de poids
Une coopération plus étroite au format BRICS+ serait également utile dans des domaines comme la coopération entre les organisations financières régionales et les banques de développement. Ce dernier aspect est particulièrement d'actualité pour l'Eurasie.
«C'est une immense région avec d'importants besoins de financement, et ces dernières années on y parle souvent de la nécessité d'unir les efforts des différentes banques de développement régionales pour financer de vastes projets d'infrastructure. Cela n'est faisable que grâce à un pool de réserves et de moyens financiers qui se trouvent à disposition de plusieurs banques de développement séparées», a noté Iaroslav Lissovolik.
De plus, les BRICS+ pourraient devenir une excellente plateforme pour une plus large utilisation des monnaies nationales dans le commerce et les investissements, ce qui permettrait de réduire progressivement la dépendance envers le dollar américain.
«L'économie mondiale a cruellement besoin et affiche une demande notable d'une nouvelle monnaie de réserve, et plus il y aura de nouvelles monnaies plus cela sera confortable pour les régulateurs financiers, les banques commerciales et les compagnies», conclut l'expert.
Enfin, une coopération plus approfondie au sein du club élargi des amis des Brics pourrait accroître leur poids face aux organisations internationales telles que le Fonds monétaire international ou l'Organisation mondiale du commerce. Actuellement, la part consolidée des membres des Brics dans le vote au FMI est inférieure à 15%. Mais si le quintet était rejoint par de nouveaux participants, ce groupe pourrait avoir ensemble suffisamment de voix pour influencer la prise de décisions fondamentales par le FMI.
Tous ces mécanismes d'intégration potentiels poursuivent principalement des fins purement économiques. Cependant, selon Viatcheslav Kholodkov, expert de l'Institut russe des études stratégiques, il ne faut pas non plus oublier l'aspect géopolitique.
«En tant que membre des BRICS la Russie doit aider la Chine moralement et politiquement pour cultiver de nouvelles graines du monde multipolaire. Sinon, nous seront confrontés à la résistance de l'ancien monde unipolaire, notamment des USA», estime l'expert.
D'ailleurs, la résistance contre la mondialisation commerciale est déjà active, et elle se traduit par le déclenchement de guerres de taxes par l'administration américaine, ainsi que par l'opposition de Washington à la plupart des initiatives avancées par Pékin, comme la création d'une Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures ou le mégaprojet chinois «La Ceinture et la Route».
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.