Fin octobre 2018, les Ivoiriens découvrent, intrigués, sur leurs écrans, une série créée et réalisée par un Ivoirien, produite par un studio ivoirien, et financée par Canal+ International, le fonds image de la francophonie et l’agence française de développement médias. Dès les premiers épisodes, la série se retrouve au cœur des discussions sur les réseaux sociaux à cause du sujet de société, très sensible, qu’elle aborde: les «microbes».
En effet, loin d’être une banale fiction, «Invisibles» raconte la vie de ces bandes de jeunes adolescents ultraviolents, le plus souvent des enfants de la rue, désœuvrés, qui terrorisent les populations de la capitale économique ivoirienne. La série a d’ailleurs reçu le Prix de la meilleure fiction francophone étrangère à la 20e édition du Festival de la fiction TV de La Rochelle, et celui du meilleur film à l'African talent awards 2018.
L’enthousiasme pour cette série diffusée en crypté [les deux premiers épisodes l’ont été en clair pour susciter l’appétit, ndlr] sur Canal+ Afrique a été tel que d’octobre à novembre 2018, sur certains groupes Facebook, certains n’ont pas hésité à diffuser les épisodes en direct depuis leur télé et ainsi en faire profiter un maximum de personnes.
Le réalisme de l’intrigue et des scènes qui se déroulent dans des quartiers populaires d’Abidjan épate. Quant au naturel du jeu des acteurs, jeunes et amateurs pour la plupart, il séduit au plus haut point les téléspectateurs. Au-delà, c’est aussi la stupéfaction de découvrir que le maquillage effets spéciaux de scènes parfois sanglantes est l’œuvre d’un jeune ivoirien né en 1984, et qui est justement originaire d’Abobo, la commune d’Abidjan où sévissent le plus les microbes.
«Le succès de la série Invisibles a apporté un plus notable à ma carrière de maquilleur, mais cela a par la même occasion jeté un formidable coup de projecteur sur le métier de maquilleur effets spéciaux en Côte d’Ivoire», confie au micro de Sputnik Toussaint Kouamé.
En effet, au fil des épisodes, il est approché par des jeunes toujours plus nombreux qui, au-delà des félicitations et encouragements, lui font part de leur souhait de pratiquer, eux aussi, le maquillage effets spéciaux.
À ces jeunes, il explique que «pour être un maquilleur effets spéciaux il faut d’abord être complet au niveau du maquillage ordinaire, mais aussi avoir de bonnes notions de base en maquillage beauté afin de mieux progresser».
«Je me considère comme un artiste. Que tu sois maquilleur ou acteur, toujours est-il que tu es sur un plateau de tournage et donc tu es avant tout un artiste», déclare-t-il.
Passionné par le théâtre qu’il découvre en classe de 5e au sein d’une troupe chrétienne, il intègre, après l’obtention d’un bac D en 2005, l’Institut National supérieur des arts et de l’action culturelle (INSAAC).
Là, en plus du théâtre, il se spécialise en danse. En 2007, «Ewa», la compagnie artistique dans laquelle il évolue est lauréate de la 6e édition de l’Ymalé Festival (consacré au théâtre). Quant à lui, il remporte le prix du meilleur acteur. Il obtiendra ensuite des rôles dans des séries ivoiriennes comme «Un mari pour deux sœurs», «L’équipe», «Le grin», «National Security» et, aussi, dans le long métrage «Une mosquée à vendre».
Parallèlement à son métier d’acteur, il se prend de passion pour le maquillage. Outre «Invisibles», il a été entre autres maquilleur en chef de l’émission-concours télévisée «Coiffure Kitoko» produite par la chaîne A+ en 2017, maquilleur dans la série policière «National Security» (2016), maquilleur en chef de la série «Conakry» en 2015 et professeur vacataire de maquillage à l’INSAAC en 2014.
«Le métier de maquilleur, comme tout autre, a ses hauts et ses bas, mais n’en demeure pas moins passionnant. Le maquilleur est la dernière personne que l’acteur rencontre avant d’aller sur le plateau. L’état d’âme de ce dernier dépend beaucoup de comment il a été reçu au maquillage. Le maquilleur a donc un rôle important à jouer. Il doit être de bonne humeur, chaleureux, enthousiaste et surtout pouvoir communiquer tout ça à l’acteur», explique au micro de Sputnik Toussaint Kouamé.
Jusque-ici, tout son savoir-faire en maquillage, que ce soit en maquillage beauté, effets spéciaux ou artistique, il l’avait appris sur le tas. Mais en 2019, il suit une formation dans une école de maquilleur effets spéciaux à Montpellier où il découvre de nouvelles techniques de travail.
«J’ai aussi réalisé avec cette formation comment on pourrait mieux faire avancer les choses au niveau de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique», confie-t-il.
Faire bouger les choses dans le domaine de l’art, démontrer aux jeunes Ivoiriens et Africains qu’il est pleinement possible de vivre de son art, c’est là l’un des rêves de Toussaint Kouamé.
À travers «Touti Creation», sa boîte légalement constituée depuis 2017, l’artiste communique à d’autres jeunes son savoir-faire en maquillage et décoration événementielle.