«Cette nuit-là, il s’est produit une injustice»: des secouristes témoignent sur l’affaire de Steve

Une équipe de secouristes, venue la nuit de la Fête de la musique à Nantes pour une personne qui avait fait un malaise, a évoqué une intervention de la police «totalement disproportionnée» avec emploi de lacrymogènes, estimant que les lieux ressemblaient à «une zone de guerre».
Sputnik

Plusieurs secouristes de la protection civile ont raconté au Monde et à Presse Océan sous couvert d’anonymat le «mouvement de panique impressionnant» après l’opération de police sur le quai Wilson, à Nantes, le soir de la disparition de Steve Maia Caniço, jugeant cette intervention «totalement disproportionnée».

«Cette nuit-là, il s’est produit une injustice. Il y a un truc qui s’est passé qui n’est pas normal», a indiqué l’un des témoins clés.

Témoignage de première main

Les quatre secouristes, interrogés par les deux journaux, venus sur les lieux pour prendre en charge une personne victime d’un malaise, ont dit que l’ambiance était d’abord «très calme» et ont ajouté ne pas avoir vu les policiers avant de sentir l’odeur de lacrymogènes. Un deuxième tir de gaz a provoqué un nuage «très impressionnant».

«On a perdu en visibilité. Comme lorsque cela pète sur les grosses manifs dans le centre-ville de Nantes», a expliqué l’un d’eux.

Ce qui a déclenché «un mouvement de panique impressionnant».

«On entendait des explosions. Des gens criaient et couraient, désorientés. Des voix ont dit qu’il y avait des personnes à l’eau. Certains d’entre nous se sont approchés du quai et ont aperçu des gens dériver», a poursuivi l’un des secouristes.

En «zone de guerre»

Premières tensions à Nantes où les forces de l’ordre ont recours à un canon à eau et des lacrymogènes
C’est à ce moment-là qu’ils ont appelé «les secours adéquats» et sont partis. Mais en quittant les lieux, ils ont dit avoir été choqués par l’ambiance de «zone de guerre».

«Voir des corps livrés à eux-mêmes, exposés à un danger de mort et ne pouvoir qu’appeler les secours adaptés, c’est terrible. Ça ne me quitte pas», a fait remarquer l’un des quatre secouristes.

Les secouristes ont tenu à souligner que le niveau sonore de la fête leur permettait de «se parler sans crier».

«L’intervention me paraît totalement disproportionnée. Un tel déploiement de grenades juste pour de la musique, dans un secteur sans habitation, me paraît incroyable», a noté l'un d'eux.

Ils ont témoigné qu’ils avaient été interrogés pour l'IGPN dont le rapport indique qu’«il ne peut être établi de lien entre l'intervention des forces de police […] et la disparition de M. Steve Maia Caniço». Et dans ce contexte, ils ont dit avoir eu l’impression que leurs observations critiques avaient été amendées ou passées sous silence.

«Je ne sais pas quelle est la définition du mouvement de foule pour l’IGPN mais j’aimerais comprendre. Si c’est un grand nombre de personnes qui fuient rapidement un nuage de gaz lacrymogène, alors oui, il y en a eu un», a encore dit l'un d'eux.

La police interrogée

La police nationale a déclaré pour sa part que seule une synthèse de l’enquête administrative avait été rendue publique et que les secouristes pourront «apporter un complément […] dans le cadre de l'enquête judiciaire».

EN CONTINU Tensions et dégradations — un rassemblement en mémoire de Steve à Nantes
La manifestation à la mémoire de Steve Maia Caniço, dont le corps a été retrouvé dans la Loire, et «contre les violences policières» a été émaillée de nombreux incidents ce 3 août à Nantes, où les forces de l’ordre ont fait usage de canon à eau et gaz lacrymogènes, tandis qu’un policier a été blessé au visage.

La disparition de Steve

La soirée techno organisée dans le cadre de la Fête de la musique s’est terminée, dans la nuit du 21 au 22 juin, par des échauffourées entre participants et policiers venus exiger l'arrêt de la musique sur le quai Wilson, un endroit sans parapet de l'île de Nantes. De nombreux participants ont affirmé avoir été aveuglés par un nuage de gaz lacrymogène. Pris de panique, ils sont tombés dans le fleuve.

La police affirme de son côté qu'il n'y a eu «aucune charge» des forces de l'ordre malgré le fait qu’elles avaient été visées par des projectiles.

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