Malgré les vacances estivales, les Canadiens vivent déjà au rythme de la prochaine campagne électorale. Rien n’est officiellement lancé, mais tous les candidats, ou presque, s’activent sur le terrain. Il y a encore quelques semaines, les conservateurs avaient le vent en poupe, mais voilà que les libéraux reprennent une légère avance. En début d’année, les libéraux étaient au coude-à-coude avec les conservateurs. La lutte s’annonce très serrée entre ces deux grands partis.
Ainsi, tout porte donc à croire que Justin Trudeau est parvenu à sortir de la crise liée à l’affaire SNC-Lavalin. Une crise qui, entre mars et mai 2019, a littéralement fait chuter les libéraux dans les intentions de vote. Rappelons que le Premier ministre canadien est toujours accusé par son ex-ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, de s’être ingéré dans les affaires de son ancien ministère.
Trudeau aurait fait pression sur Mme Raybould afin de sauver la firme québécoise accusée de corruption en Libye. Au micro de Sputnik, un célèbre avocat québécois déclarait qu’il s’agissait d’«un grave mélange de justice et de politique». De fait, des observateurs y ont vu une violation du principe de séparation des pouvoirs.
Mais voilà que l’histoire pourrait rebondir à nouveau dans les médias, et cette fois, en pleine campagne électorale. Une possibilité que doivent déjà appréhender les meilleurs conseillers de Trudeau. Le 20 septembre prochain, presque un mois exactement avant le scrutin, Mme Wilson-Raybould fera paraître un livre dans lequel elle risque de revenir en détail sur cette crise. Intitulé From Where I Stand: Rebuilding Indigenous Nations for a Stronger Canada, le livre porte essentiellement sur les droits des Autochtones, mais il serait étonnant qu’aucune partie ne soit consacrée à l’affaire SNC-Lavalin.
Une bombe à retardement pour Trudeau?
Mme Wilson-Raybould avait promis à la presse d’en dévoiler davantage sur cette affaire. Siégeant maintenant comme député indépendant, elle n’a plus aucun compte à rendre à son ancien parti. De toute façon, elle ne s’était pas gênée pour critiquer sévèrement son chef alors qu’elle siégeait comme députée libérale. D’autres révélations-choc lui assureraient d’ailleurs un succès de librairie…
À tout le moins, s’il advenait que l’ex-ministre ne revienne pas sur cette crise, elle pourrait chercher à faire des droits des Autochtones l’un des grands enjeux de la campagne. Un enjeu que l’équipe libérale n’entend pas du tout prioriser. L’équipe de Trudeau entend plutôt miser sur le bien-être de la classe moyenne, répétant ainsi sa stratégie de 2015.
«Nous nous concentrons sur le choix clair que les Canadiens devront faire au cours de cette campagne, entre le plan du Parti conservateur visant à réduire les services sur lesquels les familles comptent et le plan positif de l’équipe libérale pour continuer à investir dans la classe moyenne», a affirmé Braeden Caley, directeur principal des communications au Parti libéral, en réponse à l’annonce de la sortie du livre.
Mme Wilson-Raybould semble encore très déçue du bilan de Justin Trudeau en matière de droits des Autochtones. À tel point que ce dossier pourrait avoir pesé dans la balance lors de la crise SNC-Lavalin, incitant la principale intéressée à rompre totalement avec son parti. Malgré le dépôt du rapport sur les femmes autochtones disparues et assassinées, Mme Raybould veut que l’État en fasse beaucoup plus pour les Premières Nations. Avec d’autres militants, elle en appelle à une véritable «décolonisation» du Canada.
«Dans ce puissant livre, Jody Wilson-Raybould s’appuie sur ses discours et autres écrits pour affirmer que la véritable réconciliation ne se produira que lorsque le Canada ira au-delà du déni, reconnaîtra les droits des peuples autochtones et abrogera la Loi sur les Indiens. La bonne nouvelle est qu’il existe des solutions. Le moment est venu d’agir, de mettre fin à l’héritage du colonialisme et de le remplacer par un avenir fondé sur la confiance, la coopération et l’autonomie des peuples autochtones», peut-on lire sur la quatrième de couverture de l’ouvrage.
Il faut rappeler que l’année 2018 a été très difficile pour le gouvernement Trudeau dans le dossier amérindien. Le Premier ministre a été accusé par plusieurs leaders autochtones de n’offrir que des symboles sans avoir de plan concret. Comme Amérindienne, il n’est pas impossible que Jody Wilson-Raybould se soit sentie trahie par Trudeau. Le Premier ministre est aussi décrié pour le rachat de l’oléoduc Trans Montain, dont l’expansion empiéterait sur des territoires autochtones en Colombie-Britannique. L’ex-ministre appartient à une tribu de cette province de l’Ouest.
Jody Wilson-Raybould parviendra-t-elle à influencer le déroulement de la campagne fédérale? Chose certaine, les caméras risquent de se tourner vers elle.