À Abidjan, les arts visuels sortent de l’ombre

Un rendez-vous annuel pour vulgariser les arts visuels en Côte d’Ivoire et mettre en lumière le talent de jeunes artistes ivoiriens, voici ce à quoi se destine le Visu’art Festival dont la première édition, partie d’un canular, s’est tenue les 21 et 22 juillet à Abidjan. Reportage de Sputnik.
Sputnik

Ils sont illustrateurs, portraitistes, peintres, graphistes ou encore photographes. Ils ont pour la plupart entre 17 et 22 ans et partagent la même passion pour les arts visuels. Une passion qu’ils sont résolus à valoriser dans un pays où ces expressions artistiques demeurent marginalisées.

Ensemble, afin de mieux se faire entendre et voir, ils ont décidé d’organiser le Visu’art Festival qui doit permettre aux Ivoiriens de découvrir la richesse des arts visuels pratiqués dans leur pays, mais trop largement méconnus. Une initiative totalement privée que son initiateur, Nandy Diabaté, soutenus par ses amis artistes, espère pouvoir organiser annuellement sur fonds propres ou à l’aide bienvenue de sponsors.

À Abidjan, les arts visuels sortent de l’ombre

En Côte d’Ivoire, il arrive de trouver des expositions de peinture et dans une mesure moindre de sculpture, mais rarement d’autres arts visuels. Pour un art comme la bande dessinée (BD), par exemple, il n’existe aucune maison d’édition alors que des auteurs ivoiriens comme Marguerite Abouet –avec sa série de BD à succès «Aya de Yopougon» primée au festival international d’Angoulême en 2006– se sont faits connaître partout dans le monde.

Quant aux dessins réalistes qui, dans des pays anglophones d’Afrique de l’Ouest comme le Nigéria ou le Ghana, ont le vent en poupe, en Côte d’Ivoire, les artistes en sont encore à batailler pour faire connaître leur travail et espérer obtenir des commandes.

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À défaut de maisons d’édition et d’espaces où promouvoir leurs créations, les jeunes artistes ont investi la toile. Sur les réseaux sociaux devenus aujourd’hui leur terrain de prédilection, leur présence et, surtout, leur talent passent de moins en moins inaperçus. Avec cette première édition de Visu’art Festival, ils entendent maintenant passer à la vitesse supérieure mais dans le monde réel, cette fois-ci.

En effet, à l’origine de ce festival des arts visuels réside un canular monté par Nandy Diabaté et son collègue illustrateur BD Agbé Kouamé. En décembre 2018, ceux-ci avaient décidé de faire croire, sur les réseaux sociaux, à la tenue d’un événement devant rassembler illustrateurs BD, graphistes, peintres et autres.

À Abidjan, les arts visuels sortent de l’ombre

«Ère Graphite», l’événement fictif tout droit sorti de leur imagination, a rassemblé le 22 décembre 2018, à leur grande surprise, une vingtaine de jeunes artistes, vite désabusés qu’il ne s’agisse que d’un canular, mais enchantés de se rencontrer et d’échanger entre eux sur leur art respectif. C’est de cette rencontre-canular qu’est née l’idée de créer le Visu’art Festival.

«On s’est dit pourquoi ne pas organiser un festival où on exposerait nos arts. C’est à nous de montrer que les arts qu’on pratique méritent d’être mis en lumière. On a arrêté un plan d’action sur lequel on a travaillé pendant six mois, jusqu’à la tenue, enfin, du festival», relate au micro de Sputnik Nandy Diabaté, illustrateur BD de 22 ans dont les créations postées sur les réseaux sociaux sont largement appréciées.

À Abidjan, les arts visuels sortent de l’ombre

Tous ensemble, ils décident alors de créer le Visu’art Festival sur la base d’un rendez-vous annuel, dont la première édition a lieu dans l’enceinte d’un café branché d’Abidjan, afin de permettre aux artistes ivoiriens de rencontrer et d’échanger avec un large public.

Aux stands de peinture, BD et illustrations, dessins et graphisme, ainsi que sur le stand mixte regroupant la photographie et la mosaïque, une vingtaine de jeunes artistes ont ainsi pu présenter leurs œuvres aux dizaines de curieux qui ont fait le déplacement.

Les visiteurs ont notamment pu y découvrir, dans une ambiance gaie et conviviale, la très jeune Nielle Assa Ouattara, portraitiste autodidacte de 17 ans dont les dessins réalistes ne manquent jamais de retenir l’attention; le doigté de Mohamed Coulibaly, 22 ans, qui à travers ses peintures valorise la culture ivoirienne; ou encore les poétiques dessins digitaux de Nancy Ehui, âgée de 22 ans.

À Abidjan, les arts visuels sortent de l’ombre

Au total, l’édition 2019 du Visu’art Festival aura rassemblé 22 artistes. Pour les prochaines éditions, Nandy Diabaté et ses compagnons comptent tout mettre en œuvre pour donner à leur festival une dimension plus ouverte.

«On espère pour la prochaine édition rassembler plus d’artistes et avoir plus de catégories d’arts comme l’architecture et la sculpture, pourquoi pas», déclare, enthousiaste, Nandy Diabaté.

À Abidjan, les arts visuels sortent de l’ombre

Nandy Diabaté et ses amis ont conscience que la bataille dans laquelle ils viennent de s’engager pour donner une place de choix aux arts visuels dans la société ivoirienne est loin d’être gagnée, mais ils sont déterminés et comptent se donner les moyens de la remporter.

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