Utilisés «à des fins politiques»: gros plan sur les morts volontaires de policiers en France - vidéo

Une quarantaine de policiers français ont mis fin à leurs jours depuis le début de l’année en cours contre 35 en 2018. Cherchant à élucider les causes de l’augmentation de la fréquence de cet acte fatal, l’agence Ruptly s’est entretenue avec les épouses de membres des forces de l’ordre et des syndicalistes.
Sputnik

«Une peur, une angoisse, du stress. Genre, il en vient même à pleurer parce que les violences sont extrêmes en ce moment, de plus en plus», c’est en ces termes que cette femme de gendarme ayant requis l’anonymat décrit devant la caméra l’état de son mari. Elle avoue vivre avec un fantôme qu’elle ne voit plus et assure qu’en le voyant partir elle se demande à chaque fois si elle le reverra et comment.

«Moi, j’ai peur pour mon mari. J’ai peur que cela [l’idée du suicide, ndlr] puisse lui venir dans la tête, mais que je ne le remarque pas», poursuit-elle.

La question des suicides chez les policiers ne peut pas échapper à l’attention. Si à l’issue de l’année 2018, ils étaient 35 à s’être donné la mort, depuis le début de l’année en cours leur nombre se chiffre déjà à 41, selon le décompte de l’AFP. Soit un agent tous les cinq jours.

Denis Jacob, secrétaire général du syndicat Alternative Police CFDT, confirme qu’il s’agit d’une année inédite en termes de régularité des suicides dans la police nationale.

«Le suicide c’est aussi le signal d’alarme qui dit que si physiquement je ne me suis pas reposé, moralement on ne se repose pas non plus et ça emmène aussi à des situations extrêmes comme on le connaît depuis le début de l’année», explique-t-il.

La police en crise?

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Pour lui, ce passage à l’acte est certes multifactoriel. Toutefois, il estime que souvent la goutte d’eau qui fait déborder le vase c’est justement le travail et le fait que la majorité des policiers se suicident sur leur lieu de travail le prouverait.

C’est lié au métier, confirme à son tour Christelle Teixeira, présidente de l'association Uniformes en danger: «Souvent ça revient: hiérarchie, moyens matériels, moyens humains, reconnaissance. La détresse grandit et on arrive à l’irréparable».

Utilisés «à des fins politiques»: gros plan sur les morts volontaires de policiers en France - vidéo

«Toujours plus de missions pour des effectifs très limités, les collègues ont une pression très importante en termes de volume horaire, beaucoup de difficultés à poser des congés, tout le temps rappelé, tout le temps au travail», énumère pour sa part Michel Thooris, secrétaire général de France Police-Policiers en colère, qui juge que la police nationale traverse la crise «la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale».

Exploitée à des fins politiques?

Si l’augmentation des suicides vient de pair avec la mobilisation des Gilets jaunes qui a éclaté en novembre 2018, ce ne sont pas ces manifestations qui en sont la cause, estime Denis Jacob. Pour lui, il s’agit d’une accumulation et l’impact se poursuit depuis les attentats qui ont frappé le pays en 2015:

Utilisés «à des fins politiques»: gros plan sur les morts volontaires de policiers en France - vidéo

«C’est de l’accumulation de la fatigue depuis déjà quatre ans où d’événement en événement on reporte le repos, il y a beaucoup de reports, d’annulation de congés.»

Mais le rôle des mois de manifestations dans la fatigue qu’éprouvent les agents n’est pas à sous-estimer, à en croire Éric Roman, membre du syndicat France Police, qui précise que les protestations ont été «particulièrement violentes et où la répression que nous avons infligée aux manifestants a été particulièrement féroce».

Michel Thooris va plus loin assurant au micro de Ruptly que «le gouvernement utilise aujourd’hui la police nationale à des fins politiques».

«Ils utilisent la force publique, la police nationale tout simplement, pour repousser une échéance politique et de manifestation en manifestation on voit que de plus en plus qu’ils essaient de transformer le conflit des Gilets jaunes en affrontements entre la police nationale, la gendarmerie nationale et les Gilets jaunes», estime-t-il.

Menaces en ligne, conflits dans la vie

Comme l’explique l’épouse de gendarme, outre le stress et les difficultés liées au travail, les menaces sont là: sur les réseaux sociaux, des appels à mort des forces de l’ordre aussi bien que les clichés de certains de leurs membres circulent.

Or, parfois, ces menaces et insultes pénètrent dans la vie privée des agents. Mélanie* explique que son époux s’est fait agresser il y a quelques années en présence de ses enfants justement pour le fait d’être «un flic».

«Il s’est fait tabasser parce qu’il était policier et il était dans le cadre de la vie civile, il allait simplement chercher ses enfants à l’école. Ils ont su qu’il était policier car ils ont vu l’arme», avoue la femme.

D’ailleurs, cette hostilité se répercute même sur les enfants. Au collège, témoigne Mélanie, les enfants de son époux font objet de brimades en raison du métier de leur père.

Phase difficile à détecter

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Toutes ces petites pièces du grand puzzle assemblées, certains policiers ne parviennent pas à surmonter la dépression et commettent l’acte fatal car, d’après Denis Jacob, c’est rare qu’on se plaigne de cette dépression en public par peur de se montrer faible, ce qui parait incompatible avec le métier choisi.

C’est une «phase très difficile à détecter», souligne-t-il.

Solution? «C’est que les maris soient plus soutenus que quand il y a une intervention ils ne soient pas systématiquement bannis, qu’ils ne soient pas systématiquement considérés comme coupables», estime la femme du gendarme susmentionnée.

Quoi qu’il en soit, tout le monde est d’accord que les choses ne peuvent plus continuer comme avant et qu’il est temps de changer les choses. «On ne peut plus supporter qu’un collègue se suicide tous les deux jours», résume M.Jacob.

*Le nom a été changé à la demande de l’intéressée

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