C’est une journée idéale pour parler écologie. Dehors, les thermomètres flirtent avec 37– C, dans les murs du Palais Bourbon, la température monte aussi. Deux évènements très médiatisés coïncident en cette journée de canicule: la venue d’un «gourou apocalyptique», selon Guillaume Larrivé, Greta Thunberg et la ratification du controversé traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (le CETA). Les deux échauffent les esprits.
Avant de s’attaquer aux problèmes des risques sanitaires, agricoles et environnementaux dont on accuse le CETA, pour les élus, une petite séance d’échauffement avec l’ironie que manie avec adresse l’invitée d’honneur: «Vous n’êtes pas obligés de nous écouter, nous ne sommes que des enfants après tout, raille Greta Thunberg. Mais vous devez écouter la science. C’est tout ce que nous demandons: unissez-vous derrière la science.»
Il faut dire que ce vote, qui devait initialement avoir lieu le 17 juillet, a été reporté devant la levée de boucliers (opportunément?) à ce 23 juillet. Mais peut-être cède-t-on au complotisme, puisque Greta Thunberg elle-même ne voit rien de significatif dans la coïncidence de sa venue avec le vote du CETA:
«Très honnêtement, peu m’importe le jour. Je n’ai aucune opinion par rapport à ce vote. Je suis venue, parce qu’on m’a invitée», répond à une journaliste l’écologiste en herbe.
Alors, à qui profite «le paradoxe» de ce «concours de circonstances» et comment est-il perçu par les hommes politiques?
«On n’entend pas assez les scientifiques!», clame Sonia Krimi, députée LREM de la Manche. «Si Greta est un moyen aujourd’hui qu’on les entende un peu plus… mais j’ai vu les politiques se prendre en photo avec elle - il faut arrêter, dans 20 ans elle va nous créer une religion. Il faut arrêter, il faut respirer un peu.»
«Si vous êtes impressionnés par Greta, les gars, vous n’avez rien compris à votre politique et il va falloir laisser la place à Greta au prochain tour», lance Sonia Krimi.
Face aux journalistes, Sonia Krimi admet voter pour le CETA, sur lequel «les gens travaillent depuis 15 à 20 ans», en insistant sur le postulat que «l’économie est la base de la paix», face à la déclaration du député de La France insoumise François Ruffin «qui a dit devant Greta, "l’écologie est un combat, il y a des gens qui nous veulent du mal"»
«Je pense que l’écologie c’est la paix», fustige Sonia Krimi. «Les pays non-démocratiques dans le monde ne se posent pas de questions sur l’écologie, c’est à nous, en Europe, de le faire.»
«Greta rappelle les choses évidentes», dit à Sputnik Ugo Bernalicis, député France insoumise de la deuxième circonscription du Nord, et que pour les objectifs fixés par la COP 21 – de rester sous les 1,5 degrés de hausse de températures – on n’est pas sur la bonne trajectoire.»
«C’est quand même assez étrange de voir des députés de LREM, les ministres, applaudir ce que dit Greta, et apercevoir ces hypocrites – d’où nos T-shirts avec cette dénonciation – dans l’hémicycle [voter le CETA, ndlr]», s’indigne Ugo Bernalicis.
Le député reste critique de la polémique sur la venue de Greta, initiée par certains députés LR, puisque «elle ne fait qu’être une porte-parole du rapport que tous les politiques ont déjà eu».
«Ça permet de montrer un visage jeune», souligne à Sputnik Ugo Bernalicis. «Ce n’est pas moi qui à 14 ans organisait mes premières manifestations qui va engueuler les jeunes qui essayent de monter sur le devant de la scène pour demander aux plus âgés des comptes.»
«Comme elle peut dire aux politiques qu’ils ne vont pas assez loin pour lutter contre le changement climatique, de mon point de vue, elle ne va pas assez loin dans la mise en cause de ce qui ne font pas assez. Si tout le monde est d’accord, mais on ne fait rien, c’est une vase fumisterie! On est en train de manipuler les gens!»
La question de la personnalité et du rôle précis que joue Greta Thunberg reste ouverte, ou elle est tantôt vue par Sonia Krimi comme «un moyen» d’attirer l’attention sur le problème, tantôt «supposée manipulée par le lobby écologique» par Ugo Bernalicis. Ce qui n’écarte pas le danger de ce que ce dernier appelle «l’écologie communicationnelle, plutôt que de l’écologie réelle» qui n’a pas vocation à empêcher les températures de monter.
Et il n’est pas le seul à dénoncer l’action à double vitesse des députés…
«Je n’ai pas de raison de boycotter cette jeune fille qui dit des choses justes, assure Nicolas Dupont-Aignan, sauf qu’elle est instrumentalisée dans une opération de communication. Et quand on lui pose la question sur le CETA, elle dit “je ne sais pas”. C’est très bien, l’écologie, pour dire qu’il faut changer les choses. Mais si on se sert de ça pour faire l’inverse l’après-midi, il ne faut pas prendre le peuple français pour les imbéciles, qui a très bien compris l’imposture du CETA.»