Qatar-États-Unis: des Patriot pour booster les échanges

Lors de leur rencontre à Washington, Donald Trump et l'émir du Qatar Tamim ben Hamad Al Thani sont convenus de doubler les échanges commerciaux bilatéraux. Mais le partenariat entre le Qatar et l'Iran entre en dissonance avec les plans des États-Unis.
Sputnik

Tamim ben Hamad Al Thani achève aujourd'hui sa visite aux États-Unis, où il a rencontré deux fois le Président américain - lors de leurs pourparlers officiels à la Maison-Blanche et pendant un déjeuner solennel organisé par le ministère des Finances, indique le quotidien Kommersant.

Dans les deux cas, Donald Trump a fait des louanges à son homologue. Ses propos soulignaient que Doha était devenu un partenaire idéal pour Washington et un exemple à suivre pour d'autres alliés américains au Moyen-Orient. En particulier, le Président américain a remercié plusieurs fois le Qatar pour le travail sur l'élargissement de la base aérienne américaine d'Al Oudeid déployée sur le territoire de l'émirat.

«Si je comprends bien, 8 milliards de dollars supplémentaires ont été investis. Dieu merci, c'était en grande partie votre argent, pas le nôtre», a déclaré le Président Trump à l'émir pendant le déjeuner.

«Coalition navale»

L'une des idées principales de Donald Trump consiste à s'assurer le soutien des opérations militaires américaines au Moyen-Orient par les alliés de la région. Il en a notamment été question dans le contexte de la Syrie et des plans récents des USA de créer une coalition navale dans les détroits d'Ormuz et de Bab-el-Mandeb pour garantir la libre navigation au large des côtes iraniennes et yéménites, suite à une attaque d'inconnus contre des pétroliers dans le golfe d'Oman - dont les États-Unis ont ouvertement accusé l'Iran.

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D'après le président du comité des chefs d'état-major de l'armée américaine Joseph Dunford, d'ici quelques semaines on saura quels pays sont prêts à se joindre à la mise en œuvre des plans américains. Donald Trump a déjà déclaré qu'il préférerait que ce soit les pays qui transportent le pétrole via ces zones qui paient pour la sécurité des cargos, et non les États-Unis.

Toutefois, il est peu probable que le Qatar devienne un partenaire des USA sur ce projet compte tenu de la coopération entre Doha et Téhéran. Ces liens ont notamment été renforcés dans le contexte du boycott du Qatar déclaré il y a deux ans par l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte.

Riyad comptait également sur Washington pour faire pression sur Doha, mais l'administration Trump avait préféré maintenir ses relations amicales avec le Qatar, même si certains responsables américains influents étaient loin de s'en réjouir. Ainsi, à la veille du sommet américano-qatari, le site de NBC News a publié une lettre ouverte de l'ancien chef du commandement central de l'armée de l'air américaine Charles Wald adressée à Donald Trump.

Le général insistait pour que le président fixe à l'émir la condition suivante: soit il rompait ses liens avec l'Iran, soit il perdait la base américaine. On ignore si Donald Trump a soulevé pendant les pourparlers le thème de la coopération du Qatar avec l'Iran. Mais sur cette toile de fond ressortent particulièrement les propos de l'émir:

«Dans le monde actuel il est parfois nécessaire de conclure des alliances avec des partenaires nécessaires, et certains alliés ne sont pas amis en réalité.» Tout en soulignant que les États-Unis et le Qatar sont «des partenaires, des alliés et des amis».

Bilan de la rencontre

Les négociations avec Washington ont débouché sur l'entente de doubler les échanges commerciaux entre les deux pays. A l'heure actuelle, selon l'émir du Qatar, ils s'élèvent actuellement à 185 milliards de dollars. La déclaration conjointe des deux dirigeants mentionne que parmi les projets permettant d'élargir la coopération il existe cinq «accords mutuellement bénéfiques».

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Trois d'entre eux concernent Qatar Airways - l'acquisition de cinq Boeing 777 Freighters, les garanties d'achat des avions de grande capacité à Gulfstream et le contrat avec General Electric pour des moteurs de Boeing 777 et 787 - et le quatrième accord  a été signé avec Chevron Phillips Chemical Company LLC et Qatar Petroleum pour la construction et le développement du complexe pétrochimique au Qatar. Le cinquième concerne les engagements du ministère qatari de la Défense pour l'acquisition de systèmes antiaériens NASAM de la compagnie Raytheon, et du système Patriot.

Patriot américains vs  S-400 russes

Le Patriot PAC3 est un analogue du système antiaérien russe S-400, qui intéressait le Qatar précédemment. En février, le Service fédéral pour la coopération militaro-technique avait parlé à la presse russe de consultations techniques avec le Qatar concernant des livraisons de S-400. En mars, les négociations des spécialistes techniques avaient été confirmées par le ministre qatari des Affaires étrangères Mohammed Al Thani, tout en soulignant qu'il n'y avait pas d'entente définitive avec le Qatar concernant les S-400.

Les sources du quotidien Kommersant à Moscou et à Doha doutent que cet accord sera conclu, notamment à cause des problèmes de paiement au vu des sanctions américaines. De plus, la réaction de Washington à l'achat de S-400 par Ankara avait fortement impressionné Doha, qui ne remettra certainement pas en question son partenariat stratégique avec les États-Unis alors qu'il subit déjà le boycott de quatre pays arabes.

«Le Qatar s'est retrouvé en isolement et a songé à l'élargissement de ses liens, notamment avec Moscou. L'achat de l'un ne signifie pas renoncer à acheter l'autre. Si les Qataris achetaient tout de même des S-400, ce serait un certain investissement dans les relations russo-qataries. Et Moscou ne serait pas jaloux à ce sujet», a déclaré Andreï Frolov, rédacteur en chef du magazine Export vooroujeni.

Indépendamment des États-Unis et de leurs sanctions, Doha poursuivra la coopération avec Moscou, notamment dans le secteur militaire, même si tout ne se développe pas aussi rapidement qu'on le voudrait.

Ainsi, le 17 juin, l'émir du Qatar a rencontré à Douchanbé Vladimir Poutine, après quoi l'accord militaro-technique signé entre les deux pays le 25 octobre 2017 est entré en vigueur. Le thème des investissements a été particulièrement mentionné à Douchanbé.

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«Le Qatar est prêt à investir davantage et à coopérer avec la Russie dans ce domaine», a déclaré Tamim Al Thani. Il avait également noté la coopération entre les deux pays dans le secteur énergétique et avait remercié Vladimir Poutine pour l'aide accordée au Qatar par les organisateurs de la Coupe du monde de football, l'an dernier en Russie (l'émirat accueillera la compétition en 2022). Sachant que l'ensemble de la coopération russo-qatarie est incomparable avec les échanges américano-qataris: 78,7 millions de dollars contre 185 milliards de dollars.

«La coopération américano-qatarie a déjà plus de dix ans. De nombreuses compagnies américaines travaillent au Qatar, une base américaine est déployée dans le pays, qui crée des garanties de sécurité pour l'émirat. Néanmoins, actuellement, les projets russes ont de réelles perspectives», a déclaré Alexeï Potemkine, directeur général de la compagnie Moscow Policy Group qui réalise des projets au Qatar.

Il a noté en particulier «la sphère des hautes technologies, en partie la sphère de la sécurité, ainsi que les initiatives conjointes dans le cadre de la préparation pour la Coupe du monde de football».

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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