Le 21 octobre prochain, les Canadiens se rendront aux urnes pour élire un nouveau gouvernement. Les trois partis en vue sont le Parti libéral du Canada (PLC) de Justin Trudeau, le Parti conservateur (PCC) et le Nouveau parti démocratique (NPD). Cependant, les sondages les plus récents prévoient une course entre libéraux et conservateurs. Ces deux camps sont actuellement au coude-à-coude, selon une étude d’Abacus Data. Formation socio-démocrate, il est peu probable que le NPD parvienne à imposer une lutte à trois.
À ces trois grands partis s’ajoute le Parti Vert du Canada (PVC), une petite formation qui pourrait surprendre à l’heure de «l’urgence climatique». Si les verts ont peu de chances de prendre le pouvoir, ils pourraient faire élire des députés dans quelques circonscriptions, en arrachant des votes au PLC et au NPD. Mais en divisant la gauche, c’est surtout les conservateurs que le vote écologiste pourrait favoriser. Dans le système électoral canadien –uninominal à un tour–, il suffit souvent de quelques points de plus à un parti pour remporter une circonscription. Le parti qui récolte le plus grand nombre de circonscriptions à l’échelle du pays est désigné pour former le nouveau gouvernement.
Une chaude lutte entre libéraux et conservateurs
Justin Trudeau n’a pas officiellement déclenché les élections, mais la campagne paraît déjà avoir été lancée. Dans la province de l’Alberta, dans l’Ouest canadien, le chef des conservateurs, Andrew Scheer, a récemment pris part au fameux Stampede, l’événement le plus emblématique de la culture albertaine. Lancé en 1912, ce rassemblement met en scène les meilleurs éléments de la culture cowboy au pays. En marge des rodéos et des expositions agricoles, de grandes stars de la musique country donnent des spectacles. Les politiciens ne manquent jamais l’occasion d’y arborer leur chapeau de cowboy.
Le chef du Parti populaire du Canada (PPC), Maxime Bernier, était aussi de passage au Stampede la fin de semaine dernière. Ancien candidat à la chefferie du Parti conservateur, dont il a démissionné, Bernier espère conquérir un électorat déçu par la mondialisation. Celui qu’on surnomme «Mad Max» veut incarner le «vrai conservatisme», accusant les conservateurs d’être trop près des libéraux sur le plan idéologique. Pour le moment, les sondages n’indiquent encore rien de bon pour le député fédéral québécois.
Il n’est pas anodin que cette campagne ait débuté officieusement dans la ville de Calgary, en Alberta. Épicentre du conservatisme canadien, l’Alberta symbolise actuellement l’opposition la plus ferme face à Justin Trudeau. Le nouveau Premier ministre conservateur albertain, Jason Kenney, était présent au même événement. Au pouvoir depuis deux mois, ce farouche opposant aux libéraux a même enfourché son cheval devant une foule conquise. Jason Kenney reproche à Trudeau de nuire à l’économie du pétrole albertain avec la taxe sur le carbone et la loi C-69, deux importantes mesures écologistes. Concentrées en Alberta, les réserves canadiennes de pétrole fournissent des emplois bien rémunérés à des milliers de citoyens.
La campagne électorale tournera donc en grande partie autour du pétrole canadien, dont l’exploitation entre en contradiction avec les impératifs environnementaux. Rappelons que le pétrole canadien est surtout issu des sables bitumineux, une méthode d’extraction considérée comme extrêmement polluante. Dans un contexte où le mouvement écologiste est en plein essor, l’issue du scrutin dépendra largement de l’intérêt de la population pour cet enjeu. Tous les partis se disent préoccupés par l’environnement, mais les conservateurs ne sont pas prêts à sacrifier l’économie de l’ouest au nom de ces intérêts supérieurs. Quant aux libéraux, ils adopteront probablement une position intermédiaire, en insistant sur les bénéfices que pourrait offrir une économie verte.
L’Alberta, province symbolique des élections 2019
Le Premier ministre albertain, Jason Kenney, veut relancer la construction d’oléoducs, alors que ses compatriotes ont l’impression de soutenir financièrement les autres provinces. De nombreux Albertains estiment que les autres provinces profitent de leur industrie pétrolière tout en évitant de se salir les mains. D’ailleurs, l’essor des Gilets jaunes canadiens est directement lié à cette insatisfaction face aux politiques de Trudeau, pourtant accusé par des écologistes de ne pas en faire assez pour l’environnement. Sans froisser les Canadiens des autres provinces, les conservateurs fédéraux espèrent surfer sur cette vague pour remporter le scrutin. Ils disent aussi vouloir respecter davantage l’autonomie des provinces, ce qui pourrait leur profiter au Québec et en Alberta, deux États aux penchants autonomistes.
Dans quelques jours, ce sera au tour de Trudeau de faire son apparition au Stampede, événement incontournable pour les politiciens. Malgré un vent contraire, Trudeau tentera de faire valoir ses bons coups après une fin de mandat difficile. Rappelons que Trudeau a connu récemment l’une de ses périodes les plus pénibles avec le scandale SNC-Lavalin. Le Premier ministre a été accusé d’avoir outrepassé ses pouvoirs pour protéger cette entreprise accusée de corruption en Libye. Des divisions importantes étaient apparues à l’intérieur de son parti. Cette crise semble maintenant derrière lui.
Le pétrole et l’environnement ne seront pas les deux seuls thèmes de campagne. Comme le veut la tradition, l’issue de l’élection portera aussi sur la gestion des finances publiques. Ayant creusé les déficits budgétaires, les libéraux sont accusés par les conservateurs d’avoir géré de manière irresponsable les finances de l’État. Les libéraux s’en défendent, disant avoir plutôt stimulé l’économie. Dans une moindre mesure, l’élection portera enfin sur des thèmes comme l’identité, le multiculturalisme et la gestion de l’immigration.