Au G-20 d’Osaka, le multilatéralisme est mort, vivent les nations!

Sur le plan économique et monétaire, le multilatéralisme est en perte de vitesse. Le dernier sommet du G-20 à Osaka a entériné ce retour de facto des nations comme acteurs majeurs de la scène internationale. Brexit, renégociation des accords de libre-échange par les USA, mais aussi montée en puissance de l’Inde et de la Chine en témoignent.
Sputnik

Le G-20 qui s’est tenu à Osaka a été marqué par une petite révolution: la sempiternelle phrase sur les bienfaits du multilatéralisme a été omise du communiqué final.

Il est clair que depuis l’élection de Donald Trump en 2016, bien des choses ont changé, même s’il n’en est pas l’unique ni même le principal responsable. Il a, c’est évident, beaucoup secoué le cocotier: de la renégociation brutale de l’accord avec le Mexique et le Canada, le NAFTA, jusqu’au conflit commercial avec la Chine, ou celui qui vient avec l’Allemagne avec l’annulation du TAFTA.

Mais, ces conflits commerciaux et leurs conséquences ne font qu’entériner l’échec d’un mode de gouvernance global. Ce que l’on appelle le multilatéralisme est en passe de mourir et les accords signés à la va-vite, comme l’accord entre l’Union européenne et le Vietnam ou l’accord entre l’UE et le Mercosur –alliance de 4 pays de l’Amérique latine–, sont en réalité la queue de la comète.

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Le retour des États comme forces motrices des relations internationales s’impose. Alors, même si nous continuerons à commercer les uns avec les autres –car il n’est nullement ici question d’une quelconque autarcie– c’est bien la fin d’une forme de mondialisation à laquelle on assiste aujourd’hui.

La fin d’une forme de mondialisation?

Les événements qui annoncent cette fin de la mondialisation se sont étalés sur une période assez longue, même si l’on en prend conscience seulement aujourd’hui. Il en va ainsi de la paralysie qui a gagné l’OMC et le «Cycle de Doha» dès le début des années 2010. D’autres événements se sont produits sur un laps de temps plus court. On peut considérer que la période qui va de 2016 à 2018 a été à cet égard particulièrement fertile en accrocs au multilatéralisme.

Nous avons eu bien entendu le Brexit, qui reste un ébranlement majeur dans la zone de l’Union européenne. Donald Trump a, quant à lui, signifié la fin des accords de libre-échange discutés depuis plusieurs années, comme le TAFTA, et a renégocié le traité avec le Canada et le Mexique (ALENA). Il a ensuite entamé un bras de fer avec la Chine, sans doute avant de faire de même avec l’Allemagne.

Il convient ici de rappeler que la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis a commencé en 2018. Donald Trump a mis en place en janvier 2018 «sur quatre ans» des taxes douanières sur les machines à laver et les panneaux solaires produits en Chine. En rétorsion, en février 2018, la Chine a déclenché une enquête anti-dumping sur le sorgho américain, accusant les États-Unis d’en subventionner la culture. Le 8 mars 2018, Donald Trump a signé un décret instaurant des droits de douane de 25% sur les importations en aluminium et de 10% sur celles en acier visant en particulier la Chine.

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Puis l’affrontement s’est déplacé vers les biens à haute technologie. Huawei, le géant électronique chinois, a été la victime de la colère de Donald Trump et suite à la rupture des négociations, la Chine a annoncé en juin la mise en place de nouveaux droits de douane sur 60 milliards en volume d’importations venant des États-Unis. Ces diverses mesures ont déstabilisé les marchés.

Il est cependant clair qu’un accord devra être trouvé. Les deux pays ont beaucoup à perdre dans un affrontement. Mais cet accord ne sera pas que commercial. Il englobera aussi les questions géostratégiques sur lesquelles les deux pays s’affrontent. Et si l’on peut penser qu’il sera signé d’ici la fin de l’année 2019, il ne sera probablement qu’un modus vivendi.

L’inversion du rapport des forces entre les États-Unis et la Chine

Mais ce bras de fer entre les États-Unis et la Chine ne fait que cacher une inversion du rapport des forces. Si l’on regarde le PIB mondial, calculé en parité de pouvoir d’achat pour effacer les variations erratiques des monnaies, on voit que la Chine a dépassé les États-Unis depuis 2013. Ces derniers ne sont plus la première puissance économique du monde.

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Cette inversion n’est pas le seul phénomène important. En effet, on voit aussi que l’Inde a dépassé et l’Allemagne et le Japon. La montée en puissance de ce pays, qui réalise désormais 7,8% du PIB mondial, soit plus que l’Allemagne et la France réunies, est indiscutable elle aussi. Bref, ce qui devient désormais évident, c’est que l’on assiste à un basculement du rapport des forces à l’échelle mondiale. La Chine et l’Inde réalisent plus du quart de la production mondiale, 26,5% exactement.

L’agonie du G-7 et la montée en puissance du G-20

Dans ces conditions, les anciennes institutions deviennent largement caduques. Si le G-7, le groupe des sept pays occidentaux plus le Japon, constitué en fait pour réguler la marche des monnaies au début des années 1970 et qui se réunira fin août 2019 à Biarritz, n’est plus le groupe qui concentre l’attention, c’est bien parce que son poids économique est aujourd’hui en régression. Il a perdu de sa légitimité avec l’expulsion de la Russie en 2014, une mesure contre laquelle le Japon avait d’ailleurs sagement protesté à l’époque. Le G-7 est devenu une tribune politisée, le groupe des pays alliés aux États-Unis.

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En 2000, le G-7 représentait les deux tiers de la production mondiale. En 2017, il n’est plus qu’à 48%. On mesure ici sa perte de puissance, une perte qui devrait s’accélérer dans les années à venir. Désormais, le sort économique du monde, mais aussi parfois son sort tout court, se joue au G-20. On est sorti de l’entre-soi des grands pays occidentaux, que cela plaise ou non.

La fin du mercantilisme

Mais la crise de la mondialisation se mesure aussi autrement. On voit que la part du commerce international dans le PIB mondial, part qui montait jusqu’à la crise de 2008, est aujourd’hui en recul. Et ce ralentissement date de plusieurs années. Il traduit le fait que certains des grands exportateurs ont changé de stratégie. Ainsi, la Chine, mais aussi d’autres pays, se concentre sur leur marché intérieur. C’est bien à un changement de paradigme auquel on assiste.

Il s’agit là d’une évolution générale. On la constate d’ailleurs aussi en France avec le progrès du «Made in France» qu’avait lancé il y a quelques années Arnault Montebourg. Bien sûr, ce mouvement est plus lent pour les pays de l’UE, qui restent fortement entichés de l’idéologie de la «mondialisation heureuse». C’est en particulier le cas pour l’Allemagne, qui continue sa stratégie mercantiliste basée sur l’exploitation des autres économies, une stratégie qui la met en conflit directement avec les États-Unis. Mais la tendance est générale.

La question des monnaies

Le retour des nations comme acteurs principaux du commerce international pose la question du rapport des monnaies. C’est Donald Trump qui a relancé récemment cette question. Pour lui, l’euro permet une sous-évaluation massive des exportations allemandes, ce qui a été confirmé d’ailleurs par de nombreuses études du FMI (voir par exemple les études ESR de 2016 et 2017).

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Le rôle international du dollar est lui-même contesté en raison de l’utilisation politique qu’en font les États-Unis depuis plusieurs années. Aussi, globalement, on assiste à une baisse de la part du dollar dans la part des réserves de change des Banques centrales. Ce que l’on appelle la «dédollarisation» des échanges est bien en cause ici, même si elle s’avère plus lente que ce que certains espéraient.

De cette baisse du dollar dans les réserves des Banques centrales, l’euro n’en est pourtant pas la cause. Il a certes connu une phase d’expansion, de 1999 à 2008, où il est passé de 19% à 28%. Mais depuis 2010, sa part tend à se réduire. Elle est même passée en dessous de ce que représentaient les monnaies qui composent l’euro avant 1999. Cette part est tombée aujourd’hui à 20% du montant mondial des réserves. Ce sont les autres monnaies, le yen, la livre sterling et le yuan, qui en ont profité. Et ce point est important en lui même. Nous sommes en train d’entrer dans une situation de multipolarité monétaire, tout comme nous sommes entrés dans une situation de multipolarité économique et politique.

La réalité est là. Les rêves d’une gouvernance mondiale se sont effondrés. Nous assistons au retour des nations et c’est cela la véritable démondialisation. Le G-20 qui s’est tenu à la fin juin à Osaka a de fait entériné cette situation.

Le défi, aujourd’hui, c’est de penser des règles de coopération internationale entre ces nations, de réfléchir à des alliances, de sortir d’un raisonnement où l’on crierait comme des cabris «Europe», «Europe», pour nous intéresser à ce vaste monde et y forger les alliances dont nous aurons besoin demain.

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