Selon un rapport du Centre de politique internationale dont RT a pris connaissance, ni la Russie ni la Chine ne représentent une menace pour les USA en termes d'utilisation d'armements conventionnels, car ces États se focalisent avant tout sur le renforcement de la puissance militaire à la proximité de leurs frontières.
Pour économiser, les experts préconisent de réduire les effectifs de l'armée américaine et le nombre de bases militaires, de renoncer à leur participation aux conflits armés à l'étranger et de moderniser l'arsenal nucléaire. Cependant, d'après les politologues russes, aujourd'hui l'avis de l'élite politique n'est pas dominant aux USA: le ton est donné par les corporations militaires pour lesquelles il est bénéfique que la Russie et la Chine soient considérées comme des menaces.
Le Centre de politique internationale, financé entre autres par la fondation du milliardaire américain George Soros, Open Society, ainsi que par les fondations Ford et Rockefeller, a calculé comment Washington pourrait économiser au moins 1.200 milliards de dollars de dépenses militaires d'ici dix ans. Ce rapport relève qu'au cours des vingt dernières années, les États-Unis ont dépensé trop d'argent pour leur sécurité sans gain d'efficacité.
Il souligne également que les plus importantes menaces pour les USA ne sont pas du tout liées aux activités militaires mais aux changements climatiques, aux cyberattaques, aux épidémies et à l'inégalité économique entre les citoyens.
«A terme, tous les investissements dans la défense doivent répondre aux objectifs aussi bien d'efficacité stratégique que de stabilité financière. Durant ce siècle, les USA ont trop dépensé pour la sécurité et, quelque part, ces investissements ont été contreproductifs», estime le Centre de politique internationale.
Washington doit reconnaître que ni la Russie ni la Chine ne représentent pour lui une menace traditionnelle, estiment les analystes. Ces derniers soulignent que ces pays renforcent leur puissance militaire «uniquement à proximité de leurs frontières».
«La politique de sécurité nationale alternative doit comprendre que ni la Russie ni la Chine ne représentent pour les États-Unis une menace en termes d'usage d'armements conventionnels. Aucun de ces deux pays n'a le potentiel pour concurrencer les USA dans cette catégorie d'armements. De plus, dans leur politique de sécurité, ces deux pays se focalisent essentiellement sur le maintien et le renforcement de la puissance militaire à l'intérieur et à proximité de leurs propres frontières, ou dans leurs zones d'influence historiques», expliquent les spécialistes.
Cela ne signifie pas pour autant que Moscou et Pékin ne menacent pas les intérêts de Washington. Cependant, il est important de ne pas exagérer ces menaces et d'éviter une escalade de la tension, susceptible d'entraîner une course aux armements ou des scénarios encore pires. Leur rapport souligne que les dépenses militaires des USA et de leurs alliés européens sont déjà trois fois plus importantes que les dépenses russes et chinoises. Tout en notant que les États-Unis devaient compter davantage sur leurs alliés dans le domaine de la sécurité.
Les experts soulignent également que la rivalité entre les trois grandes puissances se concentre sur la domination économique et l'influence diplomatique. De plus, les auteurs du rapport critiquent l'approche des relations avec la Russie et la Chine, qui exclut toute coopération dans le domaine des défis globaux.
«Une approche à dominante militaire vis-à-vis de la Russie et de la Chine, en ignorant les secteurs de coopération potentielle - de la lutte contre le terrorisme et le trafic d'armes au règlement des problèmes climatiques - est vouée à l'échec», stipule le rapport.
Les autorités russes ont déclaré à plusieurs reprises que la Russie ne menaçait pas d'autres pays et aspirait à des relations amicales avec les États-Unis.
«La Russie souhaite avoir des relations équitables, amicales et à part entière avec les USA. La Russie ne menace personne, et toutes nos actions en matière de sécurité sont uniquement de réponse, et donc défensives», a déclaré le président russe Vladimir Poutine.
Rappelons que le budget du Pentagone en 2020 atteindra le record de 718 milliards de dollars, alors que les dépenses totales pour la défense s'élèveront à 750 milliards de dollars. Cette somme inclut également les dépenses d'autres établissements, y compris le ministère de l’énergie en charge des projets nucléaires militaires.
Selon les projets du Pentagone, pour la prochaine année fiscale une attention particulière sera accordée à la contention de la Russie et de la Chine, ainsi qu'au renforcement du potentiel nucléaire. De plus, des fonds seront alloués pour les opérations militaires en Afghanistan et en Irak.
Un écho de la confrontation intérieure aux USA
Il ne faut pas prendre les conclusions du Centre de politique internationale comme une illumination soudaine, estime le politologue Alexandre Assafov. C'est une sorte d'attaque contre la position du président américain Donald Trump qui donne des impulsions pour développer l'économie en augmentant le budget de la défense. Dans une interview à RT, l'expert a expliqué qu'une lutte politique intérieure liée au capital multinational se déroulait aux USA.
«L'establishment tente de dévaluer la position de Trump dans le nouveau cycle électoral. Il ne faut pas croire que les représentants des groupes multinationaux ont eu un soudain déclic et ont voulu la paix. Ils ont été impactés par la politique de Trump et, à présent, attaquent ses thèses, sachant qu'en réalité il n'est pas question d'une normalisation des relations avec la Russie», déclare le politologue.
Konstantin Blokhine, expert du Centre d'études pour la sécurité affilié à l'Académie des sciences de Russie, est également de cet avis. Et d'ajouter que les sponsors de l'organisation qui a préparé ce rapport soutenaient le Parti démocrate américain et ses idées.
«Le style de Soros et de Rockefeller est proche des démocrates. Ils ne partagent pas l'approche des républicains, qui estiment que l'industrie de l'armement doit constituer un élément central de l'économie. Cependant, à l'heure actuelle, l'avis de cette partie de l'élite n'est pas dominant. Le ton est donné par les centres analytiques financés par les corporations militaires, or pour celles-ci il est convenu de qualifier la Russie et la Chine de principales sources de menaces», poursuit l'expert.
Entre «ruse» et «guerres interminables»
Afin de réaliser des économies budgétaires, le Centre de politique internationale suggère avant tout de réduire les effectifs des forces armées américaines de 10%. Selon les estimations des spécialistes, il serait ainsi possible d'économiser 600 milliards de dollars tout en conservant la puissance militaire du pays. Il est également préconisé de réduire les achats d'armements, notamment de navires et d'avions.
De plus, les spécialistes recommandent aux Congrès de fermer les bases militaires inutiles et de réduire le financement des opérations militaires américaines à l'étranger, et, à terme, d'exclure complètement ces dépenses.
D'après l'organisation, 420 milliards de dollars ont été alloués pour ces opérations dans le dernier budget décennal du président américain. En cessant les «guerres interminables», la Maison blanche pourrait économiser 320 milliards de dollars.
«Si aujourd'hui l'Amérique cessait ses guerres, qui semblent interminables, en maintenant un certain budget pour le retour sûr des militaires américains et un travail limité et à court terme pour former des cadres et aider [d'autres pays], cela permettrait de réduire le budget décennal d'au moins 320 milliards de dollars», indique le rapport.
L'an dernier, des spécialistes de l'Institut Watson de l'université Brown ont calculé que les États-Unis avaient dépensé 2.000 milliards de dollars pour les opérations à l'étranger et la mise en place de l'infrastructure militaire dans d'autres pays, sachant que 975 milliards de dollars ont été dépensés pour la guerre en Afghanistan et 822 milliards de dollars en Irak.
A l'heure actuelle, les troupes américaines sont présentes dans environ 80 États. Même le Congrès ignore le nombre exact de pays où sont déployées des unités américaines. Ainsi, les congressistes ont été étonnés d'apprendre la mort de militaires en 2017 à la frontière entre le Mali et le Niger.
D'après le politologue Alexandre Assafov, l'expérience militaire de l'Amérique à l'étranger est un échec, mais la rhétorique concernant le maintien de la paix à ce sujet est une «ruse». Il n'est pas bénéfique pour l'élite politique de Washington de cesser les conflits et de retirer les troupes, dit-il.
«Les succès militaires des USA ont été très modestes, les opérations échouaient les unes derrière les autres. Et bien que les adversaires de Donald Trump ne souhaitent pas le retrait des forces, leur tâche actuelle consiste à attaquer le principal exploit du président: le vecteur militariste du développement économique pendant son mandat», indique le politologue.
Économiser sur l'armement nucléaire et les forces spatiales
La création de forces spatiales indépendantes et le déploiement d'armes dans l'espace est une autre dépense inutile pour le budget, selon les spécialistes américains. L'abandon de ces projets permettrait d'économiser des milliards de dollars en procédures bureaucratiques.
En février dernier, Donald Trump avait signé un décret sur la création de forces spatiales, après quoi le Congrès avait proposé de réorganiser l'espace militaro-spatial afin de contrer les «menaces» actuelles et futures, notamment émanant de Moscou et de Pékin.
Les analystes suggèrent également au gouvernement américain d'annuler la modernisation de l'arme nucléaire et de renoncer aux missiles de croisière à très grande portée qui, selon eux, «ne joueront aucun rôle dans une stratégie basée uniquement sur la dissuasion». En outre, l'arsenal nucléaire à disposition des États-Unis suffit déjà pour contenir n'importe quel pays.
«Dans un scénario - peu plausible - de conflit nucléaire, les systèmes américains actuels sont capables de pénétrer dans les zones de couverture de la défense antiaérienne russe ou chinoise. Et surtout, l'ampleur et l'état de l'arsenal nucléaire américain dans l'ensemble sont plus que suffisants pour dissuader n'importe quel pays de lancer une attaque nucléaire contre les USA. L'abandon d'un nouveau système balistique permettrait de réduire les dépenses», écrivent les auteurs du rapport.
L'Association pour le contrôle des armes avait également prôné l'annulation de la modernisation nucléaire. Ses spécialistes avaient conclu que la politique de Donald Trump en la matière était «inefficace et risquée». Ils avaient reconnu que la probabilité d'une attaque nucléaire initiée par la Russie était extrêmement faible, et que l'arsenal à disposition des USA (environ 3.800 ogives, selon l'association) était plus que suffisant pour la dissuasion.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.