Le Congrès US a suggéré de mettre en place des mécanismes d'octroi de crédits afin de «soutenir les alliés de l'Otan dans la modernisation de leurs forces armées», et pour qu'ils renoncent aux armes soviétiques. Ce projet de loi a été soumis par le démocrate Eliot Engel, qui s'était déjà fait remarquer par ses appels à «libérer la Hongrie de l'influence russe». La chaîne RT a pu consulté le document. Selon les observateurs russes, les États-Unis ont besoin de tels prêts non pas pour rendre les pays bénéficiaires «indépendants», mais plutôt pour enrichir leur propre industrie de l'armement.
Le projet de loi note que plusieurs alliés des Américains, notamment certains pays de l'Otan, continuent d'utiliser des équipements soviétiques et sont ainsi «forcés» d'acheter des pièces et des services à la Russie. De plus, il est souligné que ces pays ne disposent pas des ressources financières nécessaires pour acheter de «nouveaux équipements coûteux».
Dans le même temps, selon ce texte, l'incapacité de certains membres de l'Alliance d'agir conjointement et totalement avec les forces armées américaines réduit l'opérationnalité de l'Otan et crée des complications supplémentaires pour les militaires américains.
«La politique des États-Unis consiste à apporter un soutien aux alliés de l'Otan dans l'acquisition et le déploiement d'armements modernes conformes aux normes de l'organisation en matière de compatibilité opérationnelle, ainsi que pour réduire leur dépendance envers les produits militaires de la Russie et des pays de l'ex-URSS», stipule le projet de loi soumis au Congrès.
Le texte note qu'après la Seconde Guerre mondiale, les USA ont aidé financièrement leurs alliés à reconstituer leurs forces armées, mais qu'après la fin de la Guerre froide les États-Unis ont arrêté de financer les besoins des nouveaux membres de l'Alliance dans ce secteur.
Le document affirme que le retour de la «Russie agressive» fait renaître la nécessité d'aider les alliés de l'Otan à moderniser leurs forces armées.
Ainsi, les USA fournissent déjà des équipements militaires à plusieurs pays via le programme de financement militaire étranger, dans le cadre duquel Washington fournit à ses alliés une aide financière pour acquérir des armes, du matériel ou des services américains. Mais, selon le texte de loi, cette aide «ne suffit pas».
C'est la raison pour laquelle le projet propose d'accorder des prêts pour des achats militaires aux membres de l'Otan qui ont adhéré à l'Alliance après le 1er mars 1999. Cela concerne l'Albanie, la Bulgarie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie, le Monténégro, la République Tchèque et l'Estonie.
Si cette loi était votée, de tels crédits seraient octroyés pour un délai maximal de 12 ans. Selon son auteur, cela serait possible uniquement après la confirmation par le secrétaire d’État que le pays bénéficiaire affiche un progrès dans l'accomplissement de ses engagements en matière de dépenses conformément à la déclaration adoptée à l'issue du sommet de l'Otan au Pays de Galles en 2014 (à savoir d'augmenter les dépenses militaires du pays jusqu'à 2% du PIB d'ici 2024), et «respecte les valeurs démocratiques».
Acheter des armes américaines avec des prêts américains
Plusieurs pays utilisent actuellement des équipements soviétiques, notamment en Europe de l'Est. Selon Ivan Konovalov, directeur du Centre de conjoncture stratégique, de telles initiatives témoignent de l'intention des USA de lancer le réarmement de l'Europe de l'Est.
«Un assez grand nombre de pays utilise des armes soviétiques. Avant tout en Europe de l'Est. En fait, cette proposition a pour objectif de lancer le mécanisme de réarmement, sur lequel insistent activement les USA mais auquel l'Europe de l'Est est très réticente. Elle n'a déjà pas beaucoup d'argent, et on lui propose encore des prêts. Ils attachent les pays encore plus fort aux États-Unis, ce sont des engagements de dette. Et moyennant ce prêt, les USA vendent leurs armes à ces pays», souligne l'expert.
Les pays qui disposent du plus grand arsenal d'armements soviétiques au sein de l'Otan sont la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie. Il était prévu qu'après leur adhésion à l'Alliance les pays d'Europe de l'Est remplacent les équipements soviétiques par leurs analogues occidentaux. En 2002, notamment, les États-Unis avaient accordé un prêt à la Pologne à hauteur de 3,8 milliards de dollars sur 15 ans pour acheter 48 avions F-16.
De plus, en 2018, pendant le sommet de l'Otan, les membres de l'Alliance s'étaient mis d'accord pour renoncer au matériel soviétique afin d'accroître «la compatibilité opérationnelle des forces armées».
Cependant, selon Ivan Konovalov, les pays d'Europe de l'Est, à l'exception de la Pologne, ne s'empressent pas de dépenser leur argent pour le réarmement auquel les USA les poussent.
«Les pays d'Europe de l'Est, à l'exception de la Pologne, ne veulent pas vraiment dépenser d'argent pour l'armement. Ils veulent mettre leur territoire à disposition des Américains, mais ne veulent pas piocher dans leur budget pour acheter des armes américaines, qui sont très coûteuses et loin d'être toujours de bonne qualité. C'est précisément le but des Américains: forcer avant tout les pays d'Europe de l'Est à se rééquiper en armements américains, en les achetant aux USA avec l'argent américain», ajoute l'expert.
Viktor Mourakhovski, rédacteur en chef du magazine Arsenal Otetchestva, membre du conseil d'experts de la Commission militaro-industrielle russe, pense que l'usage du matériel soviétique par un État, quel qu'il soit, ne convient pas aux USA. Mais certains pays continuent d'en acheter.
«La Pologne dispose d'une quantité significative de blindés, ils ont aussi du matériel dans l'aviation. Le fait est que certains pays de l'Otan, même après l'époque soviétique, achetaient des systèmes russes - la Grèce, par exemple. La Turquie continue d'acheter des systèmes antichars. Mais ce sont les S-400 qui ont agité l'Amérique», souligne l'expert.
En juin, Recep Tayyip Erdogan a annoncé que la livraison des systèmes antiaériens russes S-400 pourrait commencer début juillet. Washington avait tenté d'empêcher l'acquisition de S-400 par Ankara.
En particulier, l'ancienne représentante permanente des USA auprès de l'Otan, Kay Bailey Hutchison, a déclaré qu'Ankara devait renoncer à la DCA russe s'il souhaitait acheter des F-35 américains. Selon la responsable américaine, «la Turquie ne peut pas mettre en service du matériel de défense initialement conçu pour neutraliser des missiles américains».
«Le lobbying de l'industrie militaire américaine»
Les USA ont évoqué à de nombreuses reprises la nécessité de réduire les programmes de financement militaire gratuit d'autres pays au profit des prêts. En 2017, l'administration Trump a suggéré de substituer par des prêts les subventions militaires gratuites versées à plusieurs États, parmi lesquels l'Ukraine, la Tunisie et le Vietnam.
Cette aide coûtait 6 milliards de dollars par an à Washington, selon le quotidien The Wall Street Journal.
Le département d’État américain a averti que certains pays qui ne bénéficieront plus des subventions américaines pourraient demander un soutien à la Russie et à la Chine, d'après le journal.
Selon Viktor Mourakhovski, le nouveau projet de loi vise à ce que les contrats pour les crédits accordés soient obtenus précisément par des sociétés américaines.
«Il ne fait aucun doute que ce sont les entreprises américaines qui obtiendront des contrats. Au fond, c'est ce qui explique l'octroi de tels prêts. Il ne sera certainement pas possible d'acheter du matériel russe avec cet argent. Autrement dit, il s'agit d'un lobbying de l'industrie militaire américaine», conclut l'expert.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.