«Je pense que la plupart des gens reconnaîtront que le travail n’est pas sérieux. C’est pour que chacun puisse en juger que je publierai l’intégralité des débats à la rentrée. Vous verrez, c’est savoureux…»
Olivier Berruyer, auteur du blog Les Crises est satisfait. L’enseignante chercheuse Cécile Vaissié et son éditrice ont chacune été condamnées le 14 juin par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris à 500 euros d’amende avec sursis, pour diffamation à son encontre. C’est un passage du livre «Les Réseaux du Kremlin en France» qui leur vaudra de verser 2.000 euros de dommages et intérêts et 2.500 euros au titre des frais de justice à Olivier Berruyer. Le procès s’était tenu les 14 et 15 mars dernier et avait attiré l’attention des médias, dont Sputnik, pour sa dimension très politique.
Dans l’extrait incriminé, Cécile Vaissié accusait Olivier Berruyer d’avoir une «volonté de déformer les faits, d’attaquer ou de tromper, au moins en ce qui concerne les questions russo-ukrainiennes». Des propos jugés diffamatoires par le tribunal. Ce qui n’a pas été le cas de plusieurs autres extraits attaqués par Olivier Berruyer et les cinq autres plaignants de l’affaire: Djordje Kuzmanovic, ex-conseiller aux affaires internationales de Jean-Luc Mélenchon et son épouse Véra Nikolski, fonctionnaire de l’Assemblée nationale, le blogueur Pierre Lamblé ainsi que l’écrivaine Hélène Richard-Favre.
«Les juges ont notamment rappelé que présenter ces personnes comme étant “pro-Kremlin” et, pour les bloggeurs, reproduisant sur leurs sites des “erreurs” ou des “mensonges” émanant de sources russes, ne portait pas atteinte à leur “honneur” et à leur “considération”, la définition de la diffamation», explique l’AFP.
«Je salue avant tout la victoire remportée par Olivier Berruyer, qui indique clairement que Cécile Vaissié a diffamé», se félicite auprès de Sputnik France Hélène Richard-Favre qui «relève également la manière avec laquelle la presse qui [la] soutient, en l’occurrence Le Monde, met en avant une “relaxe quasi totale” plutôt que cette condamnation». Selon elle, qu’une professeure soit condamnée pour diffamation «discrédite son statut universitaire.» L’écrivaine dit «prendre acte» de la décision du tribunal la concernant. Les parties ont toujours la possibilité de faire appel. En attendant, Olivier Berruyer a livré son sentiment sur le jugement du 14 juin à Sputnik France.
Sputnik France: Le tribunal a condamné Cécile Vaissié et son éditrice concernant un passage où la chercheuse vous accusait d’avoir une «volonté de déformer les faits, d’attaquer ou de tromper, au moins en ce qui concerne les questions russo-ukrainiennes». Symboliquement, peut-on parler d’une belle victoire?
Olivier Berruyer: «Oui, et pas que “symboliquement”. Je rappelle que le tribunal a noté que “le passage diffamatoire est particulièrement imprudent dans son expression” et donc que “pour le passage diffamatoire, l’exception de bonne foi ne sera pas accueillie, faute de base factuelle suffisante en rapport avec l’imputation diffamatoire et faute de prudence dans l’expression”. Mais ceci rejoint en fait ce qui est clairement apparu lors des débats: enquête douteuse, multiples erreurs “repompées” sans prudence sur Internet, aucune vérification auprès des intéressés avant de publier de graves accusations au prétexte, selon elle, que sa méthode ne consistait pas à réaliser des interviews, car elle était “universitaire et non pas journaliste”, sources fantaisistes comme “Les Morback Veners” ou “Onubre Einz”, accusation de participation aux “réseaux du Kremlin” à la moindre critique émise contre la politique française sur l’Ukraine, soutien de personnalités révisionnistes quant au fascisme ukrainien, etc.»
Sputnik France: Le tribunal a cependant jugé, de façon générale, que présenter quelqu’un comme reproduisant des «erreurs» ou des «mensonges» émanant de sources russes ne portait pas atteinte à son «honneur» et à sa «considération», d’après la définition de la diffamation. Comment réagissez-vous par rapport à cette décision?
Olivier Berruyer: «C’était une position générale, évidemment sans lien avec mon site. Mais c’est une décision assez étonnante quand on voit la puissance de déconsidération de ce sujet. Pensez donc que la veille du jugement, François Clemenceau du JDD a rédigé un article titré “Des proches des Insoumis agents de Poutine? La justice tranche vendredi”, tout ceci pour une simple opposition politique. Il rajoutait: “Parmi ceux qui s’estiment déshonorés d’être qualifiés d’agents de Poutine en France […]”, mais sans doute est-ce pour lui un compliment. Et il concluait: “Aucun des nombreux noms cités dans le livre […] n’ont souhaité réagir sur le plan judiciaire”. Il y avait pourtant six plaignants et j’ai produit une vingtaine de témoignages de mis en cause se plaignant d’erreurs et de diffamation. Mais là encore, François Clemenceau n’a pas jugé utile de m’interviewer pour informer correctement ses lecteurs. Peut-être est-il lui aussi “universitaire”… Et après, les journalistes se plaignent que la confiance dans les médias en France ne soit plus que de 24%.»
Sputnik France: Sur votre blog, vous avez déclaré: «Le message est clair: la Justice ne reconnaît aucune immunité à ceux qui insultent et discréditent à tort, afin de bâillonner des adversaires pour des motifs politiques.» «Procédure bâillon» est justement le terme qu’avait employé le camp de Cécile Vaissié pour qualifier votre action en justice. Qu’en pensez-vous?
Olivier Berruyer: «Les juges ne se sont pas laissé abuser par la pathétique défense orwellienne de Mme Vaissié. Celle-ci écrit un “livre bâillon”, pointant que des dizaines de personnes accusées sans fondement font partie des “réseaux du Kremlin”, en diffamant, et quand on porte plainte, elle se victimise en faisant croire qu’on veut la faire taire. Alors qu’à l’évidence, on ne peut que vouloir la laisser parler. Je pense que la plupart des gens reconnaîtront que le travail n’est pas sérieux. C’est pour que chacun puisse en juger que je publierai l’intégralité des débats à la rentrée. Vous verrez, c’est savoureux…»