Churchill Mambe, «l’éléphant» de la «Silicon mountain» du Cameroun

Churchill Mambe est l’une des têtes couronnées de «la Silicon mountain», nom donné au bassin d’innovation technologique de Buea, dans le sud-ouest anglophone du Cameroun. Le promoteur de Njorku, l’un des plus grands moteurs de recherche d’emploi en Afrique, souvent cité parmi les jeunes qui comptent sur le continent, a ouvert son portail à Sputnik.
Sputnik

Churchill Mambe s’est lancé dans le e-business au Cameroun, à une époque où personne n’y croyait. Il est l’un des pionniers de la «Silicon mountain», nom donné à une constellation de startups, située au pied du mont Cameroun, à Buea dans le sud-ouest anglophone, en référence à la Silicon Valley californienne.

Depuis plus de dix ans, ce geek fait la Une des médias du continent quand il faut parler de l’entrepreneuriat numérique. En 2012, à 25 ans, Churchill figurait déjà au classement Forbes des jeunes qui comptent sur le continent. Son succès, il le doit à Njorku, son moteur de recherche d’emploi, sa principale réalisation à ce jour. Lancé en 2011, Njorku est devenu en quelques années l’un des plus grands moteurs de recherche d’emploi en Afrique, avec ses 50.000 visiteurs hebdomadaires.

Sputnik a rencontré le jeune entrepreneur: il nous raconte comment, sans aller dans une école d’ingénierie informatique, il a pu apprendre son métier et devenir une référence.

«Après l’obtention de mon GCE Advanced level [équivalent du Baccalauréat, ndlr], en 2003, j’ai commencé à écumer les Cybercafés à Buea, dans l’espoir de maîtriser l’outil informatique. J’ai constaté qu’il y avait un nouveau monde qui se créait aux Etats-Unis. Notamment des jeunes qui écrivaient des codes pour développer des logiciels en ligne et les sites Web pour des entreprises. J’étais émerveillé par l’inventivité de ces jeunes Américains ou Indiens, qui dans des forums sur Internet, parlaient de leurs réalisations», se souvient-il.

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Happé par le virus de l’informatique, Churchill s’initie en autodidacte, grâce aux tutoriels et forums sur Internet.

«À mes débuts, ce n’était vraiment pas évident pour moi d’apprendre. N’ayant pas un ordinateur personnel, je mettais des semaines à comprendre certaines notions. Cette phase d’apprentissage m’a pris près de deux ans. C’est ainsi qu’à l’âge de 18 ans, j’ai commencé à développer des sites Web. De fil en aiguille, les gens ont commencé à me confier des travaux et un institut de formation m’a embauché à l’âge de 19 ans pour assurer des cours de développement Web et de programmation. J’ai enseigné dans cette école pendant deux ans et j’ai arrêté parce que je voulais un nouveau challenge», raconte ce passionné du digital au micro de Sputnik.

Fort de ses multiples expériences, Churchill lance sa première startup, en 2006 «Afro vision group Ltd», spécialisée dans le développement de solutions mobiles et Web pour des entreprises. Durant cinq ans, il va signer d’importants contrats avec des multinationales, sur le continent et au delà.

«L’activité était rentable, seulement j’ai fait face à un problème. Quand je recrutais et formais des jeunes, après quelque deux ans de collaboration, ils démissionnaient pour relever d’autres défis. J’étais donc obligé chaque fois de rechercher de nouveaux collaborateurs. Seulement, j’avais du mal à trouver des plateformes en ligne adéquates au Cameroun. C’est de là que m’est venue l’idée de lancer Njorku.com en 2011», se souvient-il.

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Njorku, un vocable de sa langue maternelle qui renvoie à l’éléphant. Tel un éléphant à la mémoire proverbiale, son moteur de recherche d’emploi enregistre les offres disponibles sur d’autres sites et les met à la disposition des utilisateurs.

«Njorku rend facile la recherche de l’emploi. Si vous êtes comptable, par exemple, et que vous recherchez un emploi, qu’importe où vous êtes au Cameroun, à travers Njorku, vous trouvez toutes les offres d’emploi postées récemment dans tous les sites d’emploi au Cameroun en deux minutes seulement. Aussi, Njorku analyse les CV et vous suggère, par mail, tous les jours des offres liées au profil de l’utilisateur. On aide aussi les entreprises à trouver de bons profils», explique Churchill.

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Le site connecte employeurs et demandeurs d’emploi autour d’offres d’emploi recensées dans une dizaine de pays du continent. Grâce à sa startup, Churchill Mambe fait partie de ces jeunes pousses qui changent la face du numérique en Afrique. Pourtant, l’entrepreneur a rencontré des bugs au lancement:

«On s’était buté à des problèmes logistiques. Les serveurs dont nous nous servions devaient être puissants pour faciliter la recherche et on n’en avait pas au Cameroun. Nous étions obligés de les louer aux Etats-Unis, à hauteur de 100 dollars américains par mois. Mon équipe et moi avons appris à convaincre les gens à investir dans notre projet. Ainsi, des appuis nous sont venus des Camerounais résidant au Canada, aux Etats-Unis et en France. Une autre difficulté à laquelle nous avons fait face, c’est celle de trouver des personnes véritablement compétentes.»

Malgré les embûches, Njorku a su se frayer un chemin et devenir une référence sur le continent, avec plus 250.000 utilisateurs par mois. De quoi rendre heureux son promoteur.

«Il y a des entreprises comme Dangoté, un géant de la cimenterie en Afrique, qui utilisent les solutions de Njorku pour recruter au Cameroun. Beaucoup de nouvelles entreprises spécialisées dans la recherche de l’emploi en ligne s’adossent sur Njorku pour se déployer. Nous permettons à plus de 100.000 jeunes par semaine à trouver des emplois», se réjouit l’entrepreneur.

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Cependant, la crise séparatiste qui secoue les régions anglophones du Cameroun depuis plus de deux ans affecte aussi l’activité de Churchill Mambe. Avant le début de la crise, la ville de Buea était en passe de devenir l’épicentre de l’économie numérique de l’Afrique centrale. Un véritable bassin d’innovation technologique, dont l’influence se faisait déjà sentir au-delà des frontières nationales. Aujourd’hui, les initiatives sont étouffées par la violence quotidienne.

«Avant la crise, nous avions signé un partenariat avec un Français pour un investissement de 50.000 dollars américains pour le développement d’un projet. La crise a stoppé notre élan et l’accord n’a plus eu de suite. Courant septembre à octobre 2018, lors de l’élection présidentielle, la plupart de mes collaborateurs ont quitté Buea par peur des violences, pour s’installer à Yaoundé, Douala. Nous sommes passés d’un effectif de 20 à 5 personnes à ce jour, avec une baisse de nos activités», se désole-t-il.

Alors que la crise perdure et continue à faire des victimes au quotidien, le jeune entrepreneur résiste. Malgré l’exode de ses collaborateurs et autres promoteurs de startups, il n’a pas bougé de Buea, la ville qui lui a tout donné, mais jusqu’à quand?

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Churchill nous dit être convaincu que «la seule manière de régler cette situation c’est le fédéralisme, pour qu’il y ait un système anglo-saxon dans les régions à majorité anglophone et un système français dans les régions à majorité francophone.»

Malgré les violentes secousses, le passionné d’économie numérique affirme sa volonté de poursuivre son rêve d’entrepreneur à Buea. Un espoir adossé sur un retour attendu de la paix dans les régions anglophones du Cameroun.

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