C’était l’une des grandes promesses électorales de la Coalition Avenir Québec, dirigée par le Premier ministre François Legault: diminuer de 20% le nombre annuel d’immigrés reçus au Québec. Depuis plusieurs années, le Québec reçoit entre 50.000 et 52.0000 immigrés annuellement. Pour maintenir une bonne capacité d’intégration, les caquistes voulaient revenir au nombre de 40.000 immigrés, une position populaire auprès de l’électorat. Mais voilà que le parti fait volte-face, au grand dam des électeurs aux penchants nationalistes. Déjà très longue, la lune de miel entre François Legault et la population pourrait bientôt appartenir au passé.
«Le gouvernement a effectué une diminution temporaire du nombre de personnes immigrantes pour l’année 2019, en ramenant celui-ci à 40.000 pour respecter son engagement d’injecter d’abord les ressources nécessaires à l’amélioration des services à la disposition des nouveaux arrivants. Le gouvernement entend maintenant augmenter les niveaux d’immigration dans les prochaines années», peut-on lire dans le document intitulé «Consultation publique 2019 –la planification de l’immigration au Québec pour la période 2020-2022».
«Le retour aux anciens seuils d’immigration n’est ni une bonne ni une mauvaise nouvelle. Encore une fois –nous sommes habitués avec les gouvernements précédents– on fixe des seuils d’immigration à la légère, sans avoir d’étude ou d’analyse réelle des besoins actuels du Québec. Nous n’avons pas d’analyse sérieuse tenant vraiment compte, par exemple, du vieillissement de la population et des postes qui seront à combler», a souligné Stéphane Handfield en entrevue avec Sputnik.
De fait, au Québec, l’argument le plus invoqué pour augmenter les seuils est le vieillissement de la population et la pénurie de main-d’œuvre. Le patronat presse régulièrement le gouvernement d’ouvrir les frontières pour pourvoir les postes vacants. À Québec, le besoin de personnel est particulièrement criant, la ville enregistrant son plus bas taux de chômage de son histoire (2,8%). Me Handfield reconnaît le problème, mais observe que les divers acteurs manquent de «vision à long terme». Qu’ils soient favorables ou non à l’augmentation des seuils, les acteurs manqueraient de données pour trancher le débat, en particulier le nouveau gouvernement.
«La décision de la CAQ fait un peu amateuriste. Comment peut-on arriver, à la suite des élections, à être foncièrement convaincu qu’il faut diminuer de façon aussi considérable l’immigration au Québec –on parlait de 10.000 personnes de moins– et d’en arriver à la conclusion contraire, quelques mois après, qu’il faut augmenter les seuils?», demande l’avocat.
«Il faut arrêter de politiser l’immigration. […] En ce qui concerne les seuils, il faudrait nous demander quelle serait la meilleure personne pour nous faire des recommandations sur les besoins réels en matière d’immigration pour les besoins futurs au Québec. Je pense qu’il faut déléguer ce dossier-là au Vérificateur général [personne chargée de surveiller les dépenses gouvernementales, ndlr]. Peu importe les allégeances politiques, le Vérificateur ferait des recommandations en fonction des besoins réels», propose l’avocat.
«Si nous allons chercher quelqu’un parce que nous avons besoin de pourvoir des postes dans son champ de compétence, nous investissons comme société dans notre immigration. C’est important que nous puissions garder chez nous les immigrants qui deviennent compétents. […] Si nous considérons que la personne sélectionnée est importante et venait combler un besoin, c’est important de nous assurer qu’elle va demeurer ici», a conclu Me Handfield.