«En retirant ces déchets des rues et en les revalorisant, nous apportons une solution à la fois simple, efficace et utile à la protection de l’environnement. Et nous créons une activité génératrice de revenus qui nous profite ainsi qu’à d’autres», déclare Stéphane Adouko au micro de Sputnik.
Amis de longue date, Stéphane Adouko, 36 ans, et Camara Zanga, 30 ans, sont deux jeunes entrepreneurs ivoiriens qui ont créé en juillet 2018 à Abidjan Ivoire Pavés, une entreprise venue formaliser une activité qu’ils exerçaient depuis déjà depuis plus d’un an.
Dans leur atelier de 50 m², situé dans le village d’Azito, à Yopougon, la plus grande commune d’Abidjan, il faut se frayer un chemin en enjambant les nombreux sacs contenant des objets en plastiques en tout genre pour atteindre les machines. C’est là, en effet, qu’ils produisent du charbon bio à partir de pelures de banane et des pavés avec des déchets plastiques.
Après une formation d’un peu plus d’un mois au traitement et au recyclage de déchets plastiques, reçue dans le cadre du Fonds National de la Jeunesse (FNJ), Stéphane Adouko qui avait étudié la psychologie et Camara Zanga, les sciences économiques, ont démarré ensemble leur activité.
Le FNJ a été créé par l’État ivoirien au sortir de la crise postélectorale de 2010-2011, dans le but de résorber le chômage et de créer des emplois à travers des projets individuels et collectifs sur l’ensemble du territoire national. Selon les autorités ivoiriennes, sur les deux premières années d’activité, le fonds a permis la création de plus de 10.000 emplois au profit de jeunes qui auraient eu bien du mal à trouver un emploi dans cette Côte d’Ivoire sortant de la crise.
La production, l’importation, la commercialisation, la détention et l’utilisation de sachets en plastique sont interdites en Côte d’Ivoire depuis 2013, mais ils demeurent encore très présents dans le quotidien des Ivoiriens. Les rues d’Abidjan sont quotidiennement jonchées de ces nuisances pour l’environnement, malgré les campagnes de sensibilisation. Le ministère de l’Environnement estime que les déchets plastiques représentent 12% des ordures collectées dans le district d’Abidjan.
Sensibilisés à la problématique de l’environnement dans leur pays durant leur cursus scolaire, les deux acolytes se réjouissent de pouvoir être des acteurs de sa préservation tout en gagnant leur vie.
Ivoire Pavés emploie actuellement quatre femmes, que les deux jeunes entrepreneurs ont formées à la fabrication de charbon et de pavés. L’entreprise produit en moyenne 300 pavés et 100 kg de charbon par jour. La matière première (pelures de banane, plastiques) leur est livrée à l’atelier par des précollecteurs.
«Ce charbon brûle bien et ne produit pas de fumée lors de sa combustion. Il peut être utilisé par les ménages ou d’autres entités comme les bars à chicha», explique Camara Zanga au micro de Sputnik.
Le charbon est un combustible dont l’usage est encore largement répandu dans les ménages ivoiriens. En zone rurale, ce matériau est plus populaire que le gaz butane, car plus accessible et moins coûteux. Cependant, le charbon utilisé est généralement du charbon de bois, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’environnement. De nombreuses essences de bois sont ainsi décimées chaque année pour la production du précieux matériau.
Pour inverser la tendance, le ministère des Eaux et Forêts a lancé début 2019 une vaste opération de reboisement sur l’ensemble du pays, dont l’objectif est de passer de 11% de couverture forestière aujourd’hui à au moins 20% du territoire national à l’horizon 2030.
«Le pavé produit est plus solide que le pavé ordinaire en ciment et peut durer jusqu’à cent ans. De couleur noire à l’issue du processus ordinaire de fabrication, les pavés peuvent être déclinés en toutes sortes de couleurs, selon les goûts. Ils peuvent être utilisés comme matériaux de construction ou pour garnir le sol des maisons, des rues…», explique Camara Zanga.
Pour l’instant, les deux amis ne produisent que des pavés écologiques avec leur machine, mais ils assurent vouloir et pouvoir produire des caniveaux, tuiles et bien d’autres choses dès que la possibilité leur en sera donnée.
«Notre but pour l’heure est de valoriser les déchets plastiques. Avec le temps et les moyens, nous comptons bien nous diversifier», affirme Stéphane Adouko.
«Notre atelier de 50 m² ne peut accueillir que deux à trois tonnes de déchets plastiques. Nous avons pourtant des compétences suffisantes pour traiter plus de 50 tonnes de déchets par mois. Il faudrait que les Ivoiriens fassent davantage confiance à la qualité de nos produits, qu’ils s’habituent à consommer les produits locaux. On a déjà eu des commandes de particuliers que l’on a pu honorer. S’il y a des personnes de bonne volonté qui peuvent nous aider à avoir un local plus grand ou nous aider d’une autre manière, elles sont les bienvenues», lance Camara Zanga au micro de Sputnik.