Tiken Jah Fakoly, la star ivoirienne du reggae, ouvre «l’ambassade rastafari» à Abidjan

Dans sa résidence à Abidjan, qui abrite une radio, un studio d’enregistrement et des salles de répétition, le chanteur de reggae Tiken Jah Fakoly vient d’ajouter une bibliothèque. La star ivoirienne, qui a ouvert ses portes à Sputnik, entend faire de cette «ambassade rastafari» un lieu de promotion de la musique reggae et de l’unité africaine.
Sputnik

Une radio, un studio d’enregistrement, deux salles de répétition et, depuis le 30 avril 2019, une bibliothèque. C’est au sein même de sa résidence à Abidjan, située dans la commune populaire de Yopougon, que le reggaeman de renommée internationale Tiken Jah Fakoly, de son vrai nom Moussa Fakoly Doumbia, a voulu consolider son label.

L’idée d’un tel label, l’artiste malinké (ethnie et langue parlée sur toute l’étendue du territoire ivoirien et qui se retrouve également au Mali et au Burkina) de 50 ans, originaire d’Odiéné, une ville du nord de la Côte d’Ivoire, l’a mûrie depuis les années 2002-2003, avant de finalement la mettre en œuvre à partir de 2014.

«J’ai réalisé cet endroit, que j’appelle l’ambassade du rastafari pour contribuer à la promotion de la culture en Côte d’Ivoire et partout en Afrique de l’Ouest, puisqu’il est ouvert à tous les enfants d’Afrique qui veulent faire de la musique, enregistrer un album, répéter ou tout simplement s’informer sur le reggae», confie à Sputnik Tiken Jah Fakoly.

Le slogan de la Radio Libre Fakoly, «La voix des sans voix, l’Afrique ne pleure plus, elle parle ici», exprime bien l’intention qui anime le chanteur depuis le début. À travers cette radio, qui a commencé à émettre en février 2018, Tiken Jah Fakoly entend non seulement promouvoir la musique africaine et le reggae, mais aussi donner aux autres «l’opportunité de se faire connaître, se faire entendre, d’exprimer ce qu’ils ont sur le cœur», détaille Aboubacar Kanté, le directeur du label, à Sputnik.

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La radio diffuse en semaine quatre émissions reggae, dont «Clin d’œil», qui est une lucarne ouverte aux artistes autoproduits. Pendant la trentaine de minutes que dure l’émission, il est permis à l’artiste autoproduit du jour de faire gratuitement la promotion de son album.

Aboubacar Kanté y voit un «acte social» à l’égard de ces artistes, qui peuvent également profiter des salles de répétition à un «prix social» et qui, sans cela, pourraient difficilement travailler ou se produire. Pour 10.000 francs CFA (15 euros), les salles de répétition sont accessibles à tous pendant quatre heures, alors que le tarif moyen de location pour un studio à Abidjan est de 10.000 francs CFA l’heure. Il n’est pas rare d’y côtoyer, outre des artistes anonymes, de grands noms de la musique ivoirienne comme Claire Bahi, Les Garagistres ou encore Magic Diesel.

Pour ce qui est de la bibliothèque, réalisation dont Tiken Jah Fakoly est particulièrement fier, passionnés du reggae et simples curieux peuvent librement consulter les dizaines de livres qui y sont disposés avec 200 francs CFA (30 centimes d’euros) seulement, du lundi au vendredi.

«Après la Jamaïque, c’est la Côte d’Ivoire qui fait figure de deuxième capitale mondiale du reggae. Il était donc important qu’il y ait une bibliothèque sur le reggae ici. Mais dans la bibliothèque, il n’y a pas que des livres sur le reggae, il y en a aussi sur le panafricanisme, puisque le reggae a toujours prôné l’unité africaine. Il y a des livres sur les héros africains comme Thomas Sankara et Kwame Nkrumah qui se sont battus pour l’unité africaine», explique la star internationale au micro de Sputnik.

À l’instar de son compatriote Alpha Blondy, Tiken Jah Fakoly fait partie des icônes du reggae mondial. Il a reçu au cours de sa carrière, qui a décollé dans les années 1990, de nombreux prix et récompenses, dont quatre disques d’or. Son 11e album, sorti le 17 mai 2019 et baptisé «Le monde est chaud», a été presque entièrement enregistré dans son studio à Abidjan.

«Tiken Jah a prouvé –s’il était nécessaire– qu’il y a la possibilité de faire en Afrique tout ce que les artistes africains veulent en général aller faire en Europe. C’est dans ce sens qu’il a voulu un studio moderne, pour permettre aux artistes d’enregistrer à Abidjan des albums de qualité à des prix plus bas qu’en Europe», commente son manager, Aboubacar Kanté.

Dans ce nouvel opus, le reggaeman dénonce «l’arrogance et le cynisme», mais aussi le «manque de volonté politique des décideurs internationaux» face au réchauffement climatique.

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Résolument engagé dès 2003, alors que la Côte d’Ivoire était engluée dans une crise sociopolitique et armée, les prises de position de Tiken Jah Fakoly sur la crise ivoirienne lui ont valu des menaces de mort qui le poussent à s’exiler à Bamako, où il un possède un studio d’enregistrement et des salles de spectacles.

Plus récemment en mai 2019, il a appelé le Président ivoirien Alassane Ouattara, ainsi que les anciens Présidents Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, à renoncer à se présenter à la présidentielle de 2020.

Tout comme il a été inspiré par Patrice Lumumba, Sékou Touré, Kwame Nkrumah ou encore Thomas Sankara, Tiken Jah Fakoly, qui croit résolument que l’Afrique est l’avenir du monde, espère que son engagement pour le panafricanisme inspirera également la jeunesse africaine.

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