La Deutsche Bank, ce pilier de l'économie européenne, pourrait-elle connaître le sort de Lehman Brothers et quel risque représenterait sa faillite?
Un gouffre financier
Josef Ackermann, son président à l'époque, avait décidé de dissimuler cette réalité en falsifiant la comptabilité. Tout en présentant aux actionnaires de fausses informations, il affirmait que la banque disposait de fonds suffisants pour pallier toutes les difficultés. La publicité agressive déployée par la banque permettait également de maintenir l'image d'un établissement financier sûr et fiable, et, en grande partie, le soutien du gouvernement allemand.
Mais le trou financier de la banque s'est creusé, et la direction a engagé des mesures de plus en plus risquées pour redresser la situation. Ainsi, la banque s'est lancée dans les machinations avec le taux de référence Libor (avec la participation d'autres grands acteurs tels que les britanniques Barclays et Royal Bank of Scotland, la suisse UBS et la Société générale française). Quand cette information a fait surface, la Deutsche Bank a reçu une amende de 2,5 milliards de dollars, alors que l'agence S&P a revu à la baisse sa note de crédit de trois marches d'un coup, jusqu'à BBB+.
Après cela ont été révélés d'autres cas de fraude et d'abus, notamment avec les titres hypothécaires qui étaient vendus par la banque avant la crise de 2008, ainsi que des accusations de blanchiment d'argent. Par effet boule de neige, les montants des plaintes et les frais de justice ont grimpé, et, avec eux, les pertes.
Deux ans plus tard, les tests de résistance ont mis en évidence que la Deutsche Bank manquait encore d'argent. Fin 2016, pour la première fois depuis la crise financière mondiale, la banque a rapporté des pertes nettes de presque 7 milliards d'euros.
Les titres dérivés, une «arme de destruction massive»
Au même moment, le FMI a qualifié la Deutsche Bank de «plus grande source de risque parmi les banques mondiales d'importance systémique». Depuis, on entend régulièrement des prévisions annonçant la faillite du plus grand établissement financier européen.
C'est le portefeuille gigantesque de titres dérivés, estimé à 46.000 milliards d'euros — soit 14 fois le PIB de l'Allemagne — qui est considéré comme la menace principale.
De plus, la banque gère plus de 550 milliards d'euros d'épargnes. Les analystes craignent qu'à un moment donné, après une nouvelle annonce concernant les problèmes financiers de ce plus grand établissement bancaire allemand, les épargnants puissent commencer à retirer leur argent de leurs comptes, provoquant d'abord une crise de liquidités au sein de la banque, puis, dans l'ensemble, au niveau du système financier européen. Les troubles ne se limiteront alors pas au Vieux Continent, car le secteur bancaire allemand joue un rôle central dans l'économie mondiale. Par conséquent, la Deutsche Bank pourrait engendrer un effondrement général, de la même manière que l'américaine Lehman Brothers en 2008.
Et après?
L'un des scénarios à l'étude prévoyait la possibilité d'une fusion avec la Commerzbank, qui connaît elle aussi des problèmes. Mais en fin de compte les régulateurs allemands ont jugé cette opération inopportune puisque la fusion promettait des risques et des frais supplémentaires pour la deuxième banque d'appui de l'économie allemande.
«La fusion des deux banques-zombies ne créerait pas un «champion national», mais un zombie bien plus grand», a commenté l'agence de presse Bloomberg.
En 2018, la réputation de la Deutsche Bank a subi un nouveau coup dur avec le scandale des Panama Papers, qui a découlé d'une investigation journalistique sur les possessions offshore des grands acteurs mondiaux. A tous ces problèmes s'ajoute la perte, l'an dernier, de 750 millions de dollars sur les ventes d'actions.
«La crise de la Deutsche Bank, provoquée par les erreurs et les délits financiers de sa direction, pourrait déclencher une crise économique mondiale. En réalité, la principale banque allemande est la plus grande entreprise criminelle allemande», affirme l'économiste américain William Black.
En même temps, ce dernier indique que la Deutsche Bank sera sauvée par tous les moyens: elle est trop importante pour faire faillite.
«Ce qui pourrait provoquer une autre crise économique. Si la plus grande banque du pays ne fonctionne pas entièrement, la troisième économie mondiale entrera certainement dans une récession. Et la même chose arrivera à l'UE», avertit l'expert.