Les vraies-fausses avancées pour les personnes handicapées de Côte d'Ivoire

Le 9 mai 2018, le Président ivoirien Alassane Ouattara signait un décret déterminant les conditions de l'accès à l'emploi des personnes handicapées dans le privé. Un an après, le décret n'est toujours pas entré en application, au désarroi des intéressés. Sputnik s'est entretenu avec Anne-Cécile Konan, l'une de leurs représentants.
Sputnik

Il y a exactement un an, l'espoir était de mise pour les personnes handicapées de Côte d'Ivoire. Depuis, elles déchantent.

C'est en effet le 9 mai 2018 que le Président Alassane Ouattara signait le décret n° 2018-456 relatif à l'emploi des personnes en situation de handicap dans le secteur privé. Une décision vivement saluée par les concernés, que le gouvernement ivoirien reconnait comme des «personnes vulnérables» dont il entend «réduire significativement la pauvreté».

«Est considérée comme personne en situation de handicap, toute personne physique dont l'intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée soit congénitalement, soit sous l'effet d'une maladie ou d'un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l'école ou à occuper un emploi s'en trouvent compromises», précise l'article 2 du décret.

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En Côte d'Ivoire, on estime que 13% de la population totale [23 millions selon le recensement général de 2014, ndlr] est en situation de handicap. Ces personnes sont généralement marginalisées. Les enfants le sont encore plus, eux qui, traditionnellement dans la société ivoirienne, sont perçus comme des enfants sorciers ou de malheur, dont il est essentiel de se débarrasser.

Discriminés, les handicapés éprouvent de grandes difficultés à s'insérer dans la société et à trouver un emploi décent. La pauvreté présente dans le milieu de ces personnes vulnérables, que le gouvernement n'hésite pas à admettre, les pousse bien souvent vers la mendicité. Par ailleurs, les structures habilitées pour leur prise en charge intellectuelle, médicale ou sportive, sont peu nombreuses et pas toujours accessibles.
En 1998, une loi dite «d'orientation en faveur des personnes handicapées» avait été votée par l'Assemblée nationale. Depuis lors, elle n'avait jamais connu de décret d'application. Le décret N° 2018-456 du 9 mai 2018 est donc, 20 ans après, le premier de cette loi d'orientation.

 

«C'est vraiment une décision à saluer et qui a été saluée par l'ensemble de la communauté des personnes handicapées», a confié à Sputnik Anne-Cécile Konan, secrétaire générale de la Fédération des Associations des personnes Handicapées de Côte d'Ivoire (FAHCI).

L'article 8 du décret définit la proportion dans laquelle tout employeur du secteur privé est tenu d'employer des personnes en situation de handicap. «Jusqu'à 100 travailleurs permanents, au moins une personne en situation de handicap. Au-delà de 100 travailleurs permanents, 2% de l'effectif», précise l'article. Par ailleurs, il fait obligation à l'employeur qui ne serait pas en mesure de satisfaire aux dispositions suscitées de verser une contribution au fonds d'insertion des personnes handicapées.

Anne-Cécile Konan, présidente de l'union nationale des femmes handicapées de Côte d'Ivoire

«C'est une décision vraiment salutaire quand on sait le nombre important d'entreprises privées installées sur le territoire national», a déclaré Anne-Cécile Konan, par ailleurs présidente de l'Union Nationale des Femmes Handicapées de Côte d'Ivoire (UNAFEHCI).

Une étude menée en 2008 par l'Agence d'Études et de Promotion de l'Emploi (AGEPE) en collaboration avec la FAHCI, répertoriait 3.000 entreprises privées dans le pays.

«Malheureusement, nous constatons que depuis la prise de ce décret ni les associations ni les personnes handicapées elles-mêmes n'ont été approchées pour sa faisabilité. Pis, il nous a été dit que pour que ce décret soit appliqué, il aurait fallu que deux autres décrets soient pris», a déploré Anne-Cécile Konan, au micro de Sputnik.

L'un des décrets doit instituer le fonds pour personnes handicapées et l'autre doit créer la commission d'orientation et de réadaptation professionnelle. Ce sont ces deux structures qui une fois mises en place, permettront l'application du décret n° 2018-456 du 9 mai 2018. Les entreprises qui ne peuvent pas, du fait de leur caractère dangereux, employer des personnes handicapées sont censées alimenter ce fonds pour leur permettre de créer d'autres activités génératrices de revenus. Et la commission est censée instituer qui est travailleur handicapé.

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Un an après la prise du décret n° 2018-456 du 9 mai 2018, les associations des personnes handicapées attendent des autorités ivoiriennes qu'elles prennent une seconde décision «courageuse» en adoptant les deux décrets complémentaires, pour que le premier puisse enfin être appliqué.

La mise en œuvre du décret n° 2018-456 du 9 mai 2018 n'est cependant pas la seule préoccupation du moment des personnes handicapées. Le 9 janvier 2019, le gouvernement ivoirien avait annoncé, à l'issue d'un conseil des ministres, un recrutement exceptionnel de personnes handicapées dans la fonction publique. Ce recrutement est prévu sur les années 2019 et 2020.

«Nous avançons vers la mi-2019 et jusque-là encore, nous n'entendons rien», a conclu Anne-Cécile Konan, qui souffre d'un handicap moteur.

 

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