La Russie réduit drastiquement ses opérations en dollars

Les experts du réseau d'audit international FinExpertiza ont calculé qu'en cinq ans de sanctions la Russie avait réduit ses opérations internationales en dollars de presque 13%, tout en augmentant la part de l'euro et du rouble de 26% et de 14% respectivement. Dans quels secteurs le dollar se fera-t-il évincé le plus dans les années à venir?
Sputnik

En cinq ans, la part de la monnaie américaine dans les paiements russes dans le cadre de contrats étrangers a diminué jusqu'à 56% (388 milliards de dollars), alors qu'il y a cinq ans ce chiffre dépassait 80%, constatent les experts de FinExpertiza. Les experts indiquent que c'est les menaces des Etats-Unis de débrancher la Russie du système interbancaire SWIFT qui ont poussé Moscou à renoncer au dollar dans le commerce extérieur. 

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Le dollar est évincé par l'euro et le rouble — leur part dans l'ensemble des opérations étrangères a augmenté respectivement de 22% et de 20%.

«La tendance d'abandon du dollar au profit du rouble dans le commerce extérieur est flagrante. C'est un chemin vers une plus grande stabilité de l'économie russe, une protection contre les sanctions. Cela concerne avant tout les exportations, car la vente de marchandises moyennant la monnaie du pays vendeur est un ordre naturel des choses», explique Elena Troubnikova, présidente du conseil d'administration de FinExpertiza.

En effet, la réduction des opérations en dollars est due en grande partie à une forte diminution des échanges entre Moscou et Washington. L'an dernier, cet indice n'a pas dépassé 25 milliards de dollars. A titre de comparaison: les échanges avec la Chine et l'UE s'élèvent respectivement à 108 et à 294 milliards de dollars. Par ailleurs, les analystes soulignent que la part du rouble dans les exportations avec la Chine a été multipliée par plus de cinq, et la part du yuan dans les importations — pratiquement par neuf.

La minimisation du risque de pertes économiques suite aux fluctuations du cours de change est un autre argument de poids au profit des paiements en monnaie nationale avec les plus grands partenaires commerciaux. Par exemple, en 2018, l'écart entre les indices minimaux et maximaux du dollar en Russie était de 20,5%, contre 16,6% pour l'euro et 14,4% pour le yuan.

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A l'avant-garde

Les plus grandes compagnies d'exportation russes sont les principaux conducteurs des paiements en monnaies nationales. L'an dernier déjà, le directeur général adjoint de Severstal Alexeï Koulitchenko parlait dans une interview à l'agence Bloomberg de l'abandon des exportations en dollars car la moitié partait à destination de l'UE en échange des euros désormais.

La société Alrosa avait alors parlé de premiers succès. En août, les représentants de cette compagnie ont annoncé des contrats en roubles pour la fourniture de diamants en Chine et en Inde.

A noter que la part du rouble dans les importations indiennes de Russie a atteint 37% l'an dernier, sachant qu'au dernier trimestre ce chiffre a culminé à 53%. Un rôle important a été manifestement joué par le contrat en roubles pour la fourniture de systèmes antiaériens S-400 Triumph, qui a coûté à New Delhi, selon les estimations, 330 milliards de roubles (environ 5 milliards de dollars).

Les plus grands fournisseurs d'hydrocarbures ne restent pas non plus à l'écart. En mars, Gazprom export a annoncé le premier contrat de l'histoire en roubles pour la vente de 80 millions de mètres cubes de gaz au terminal allemand NCG via sa propre plateforme électronique.

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Nombre d'analystes sont persuadés qu'à court terme les compagnies énergétiques russes deviendront les principales locomotives du passage aux paiements en monnaies nationales. Cela concerne avant tout Gazprom et son gazoduc Sila Sibiri (Force de la Sibérie), qui entrera en service à partir du 1er décembre. Le contrat en vigueur à hauteur de 400 milliards de dollars suppose une fourniture annuelle de 38 milliards de mètres cubes de gaz en Chine pendant 30 ans. Cela remplira le marché de change russe avec des yuans et permettra de s'en servir pour l'achat de produits en provenance de Chine.

«Le cours de change du yuan est de facto contrôlé. Les risques liés à la volatilité sont minimes, même en comparaison avec l'euro. Des projets aussi importants que l'achat du gaz acheminé par Sila Sibiri pousseront Moscou et Pékin à accélérer le passage des transactions aux monnaies nationales», suppose Pavel Gribov, maître de conférences à la chaire de sécurité économique à l'Académie russe de l'économie nationale et d'administration publique auprès du président de la Fédération de Russie.

Un fusil enrayé

Des tendances similaires sont également observées dans d'autres pays, sachant que l'argument le plus convainquant est la politique économique de Donald Trump. Dans ses tentatives de faire effondrer l'économie de l'un de ses principaux adversaires, l'Iran, l'an dernier déjà le locataire de la Maison-Blanche a interdit au monde entier d'acheter du pétrole iranien.

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La Chine, l'Inde, la Corée du Sud et bien d'autres se sont retrouvés dans la zone à risques. Ce qui a servi de point de départ à un abandon massif du dollar.

«Plus le dollar est utilisé comme une arme contre certains pays, plus il est probable que ces mêmes pays recherchent une alternative à la monnaie américaine. Même si un certain temps sera nécessaire pour renverser le dollar de son trône, la politique actuelle des Etats-Unis accélérera son déclin», écrit le journal britannique The Daily Telegraph.

Les consommateurs du pétrole iranien inventent de toute urgence des moyens permettant d'esquiver les sanctions américaines. L'Inde s'est entendue avec l'Iran sur les fournitures en roupies, et à son tour Téhéran s'en servira pour les importations indiennes.

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L'UE, qui souhaite également commercer avec l'Iran, a mis au point un canal de liaison interbancaire spécial SPV, qui n'est pas soumis au contrôle des Etats-Unis. Et à en croire le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, l'Europe n'a certainement pas l'intention de l'utiliser pour les transferts en dollars.

«Il est absurde que l'Europe paie plus de 80% de sa facture énergétique, qui s'élève à 300 milliards d'euros par an, en dollars américains alors que 2% seulement de nos importations d'énergie viennent des Etats-Unis», avait déclaré Jean-Claude Juncker lors de son allocution annuelle.

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