Européennes: clip gouvernemental et clip LREM «pratiquement indiscernables»

Twitter a fait volte-face et a finalement accepté de diffuser la campagne «Oui je vote» du gouvernement. Une campagne de civisme qui avait déjà suscité la polémique en octobre dernier, le clip du ministère de l'Intérieur étant jugé partial par l'opposition et certains médias. La comparaison avec le clip de campagne LREM est à ce titre troublante.
Sputnik

Le gouvernement n'a pour l'heure pas encore profité de l'accord avec Twitter pour relancer sa campagne «Oui je vote». Le 2 avril, l'AFP relatait que le réseau social avait fermé ses portes à une campagne sponsorisée de sensibilisation du gouvernement français (#OuiJeVote le 26 mai 2019), visant à encourager la participation électorale. Un refus justifié par la plateforme américaine… au nom de la loi française «relative à la manipulation de l'information». Une situation qui n'a pas seulement amusé la presse étrangère.

«C'est à hurler de rire, car c'est l'arroseur arrosé! Cette loi a été faite contre vous, je vous le rappelle et cela leur revient dans la figure, c'est très drôle!» réagit au micro de Sputnik François-Bernard Huyghe, directeur à l'IRIS de l'Observatoire Géostratégique de l'Information.

Nous attendons encore confirmation officielle de la part du ministère de l'Intérieur et de Twitter France que parmi le matériel de campagne initialement retoqué par le réseau social comprend le clip ci-dessous, qui a déjà été diffusé en octobre dernier, mais si tel était bien le cas, cela pourrait éclairer cette affaire d'un jour nouveau.

​Le parallèle que l'on peut dresser entre la vidéo d'appel au civisme du ministère de l'Intérieur et le clip de campagne de «Renaissance» diffusée début mars, appelant à voter pour la liste LREM et MoDem (Agir et Mouvement Radical) aux Européennes, est troublant.

En effet, «c'est exactement la même forme», estime François-Bernard Huyghe. «Les slogans sont toujours binaires […] on nous met devant un choix qui est très simple», analyse le directeur de l'Observatoire Géostratégique de l'Information, «cela pose un problème si vous ne pouvez pas distinguer le clip qui vous dit de voter untel et le clip qui vous dit de voter tout court.»

«C'est beaucoup plus que des similitudes: c'est la même forme, le même rythme, le même genre de musique, le même genre de discours et le même sens. Vous ne pouvez pas faire plus semblable, ils sont pratiquement indiscernables», souligne François-Bernard Huyghe «Il serait amusant de faire le test, de mélanger les deux et de demander aux gens ce qui fait partie du clip macroniste et du clip supposé être neutre qui nous dit simplement d'aller voter», poursuit le directeur l'Observatoire Géostratégique de l'Information de l'IRIS.

En octobre dernier, la place Beauvau avait diffusé, quelques jours avant l'ouverture officielle des comptes de campagne en vue des élections européennes, un clip qui avait suscité la polémique.
Montage alarmiste, musique angoissante, autour de quatre grands thèmes (immigration, écologie, montée de l'extrême droite, emploi), cette courte vidéo était destinée à être diffusée sur tous les écrans. Elle s'inscrivant dans le cadre de la campagne #OuiJeVote du gouvernement et avait provoqué l'ire d'élus, de gauche comme de droite. Rapidement, ceux-ci accusèrent le ministère de l'Intérieur —responsable de la bonne conduite du processus électoral dans le pays- d'avoir diffusé un clip politique et non une campagne civique.

Un «clip de propagande», «populiste et orienté» dénonçait ainsi sur Twitter le sénateur socialiste du Val-d'Oise, Rachid Temal. «La propagande avec de gros sabots!!» résumait l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Thierry Mariani. «Des clips de campagne LREM maquillés en clips officiels sur fonds publics», fustigeait dans un communiqué le porte-parole de Génération. s, la formation politique fondée par l'ex-candidat du PS à la présidentielle, Benoît Hamon. 

Cette dernière avait d'ailleurs annoncé son intention de saisir le CSA et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Une autorité administrative indépendante vers laquelle s'était également Jean-Frédéric Poisson, Président du parti chrétien-démocrate, qui avait dénoncé «un outil de propagande […] payé par nos impôts».

Un avis partagé par certains de nos confrères: «Le gouvernement s'offre un clip de propagande pour les Européennes financé par l'argent public», titrait sans ambages Marianne, fustigeant un «clip qui ressemble furieusement à un plaidoyer pour La République En Marche», où «l'impératif de neutralité exigé par le caractère officiel et apolitique de la vidéo n'est pas respecté».

​Une accusation d'ailleurs reprise par Matteo Renzi, vice-président du Conseil des ministres italien, qui apparaît dans le clip officiel français, tout comme le Premier ministre hongrois Viktor Orban, deux figures politiques qu'Emmanuel Macron désigne régulièrement comme ses opposants directs dans ce scrutin européen.

«On voit clairement que l'on cible Orban et Salvini comme étant les incarnations du mal, l'arrivée du populisme sur le continent et la mainmise d'une peste brune qui revient, donc on est totalement dans le schéma macroniste», analysait pour Le Parisien Philippe Moreau-Chevrolet.

Professeur de communication politique à Sciences Po et président de l'agence MCBG Conseil, celui-ci soulignait un clip «très offensif», «très anxiogène», qui «correspond totalement à la vision que veut faire passer Emmanuel Macron de l'Europe». Il nuançait toutefois son propos, expliquant que la vidéo cherchait à «provoquer un débat public», à «agacer tout le monde, pour que l'impact du clip soit maximal, que tout le monde en parle», avant de conclure: «après ce que cela va produire dans l'esprit des électeurs, ça c'est non maîtrisé et c'est potentiellement assez explosif.»

«À moins d'être pour l'anarchie, l'extinction de l'espèce, l'augmentation du chômage et la guerre de tous contre tous, vous avez sans doute compris les cases qu'il faut cocher. Vous êtes pour le Bien, le Juste et le Bonheur ou vous préférez voter populiste en toute conscience?», ironise pour sa part François-Bernard Huyghe.

Il soulignait à l'époque les «amalgames» commis entre les différentes catégories d'électeurs étiquetées «populistes».

«Vous voulez le bien où vous voulez le mal? Vous voulez être bien ou vous voulez la souffrance? C'est moi ou le Chaos… On s'adresse un peu à des simples d'esprit, c'est ça le problème.»

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