Le couple franco-allemand se pose en sauveur du multilatéralisme

Après avoir «jumelé» leurs présidences au Conseil de sécurité des Nations unies, le couple franco-allemand a présenté mardi 2 avril son dernier outil diplomatique, baptisé «Alliance pour le multilatéralisme».
Sputnik

Après avoir proposé à la France de partager son siège de membre permanent et s'être vue opposer une fin de non-recevoir par Jean-Yves Le Drian, c'est donc à travers l'Alliance pour le multilatéralisme, «dont l'idée originale revient à Heiko Maas», que l'Allemagne s'affiche, depuis le 2 avril, aux côtés de la France dans les instances internationales.

«Nos deux pays ont vécu dans leur chair l'expérience du repli sur soi, les conséquences de l'unilatéralisme, de la libération de la parole extrémiste, du choc des nationalismes. C'est donc le sens de l'initiative que nous avons lancée, c'est une initiative baptisée "Alliance pour le multilatéralisme"», déclarait le ministre des Affaires étrangères mardi 2 avril.

Partant du constat que «l'ordre international est soumis à des pressions massives», Jean-Yves Le Drian et son homologue allemand ont dénoncé dans une tribune commune publiée le 15 février dernier la «politique de puissance», la «montée des nationalismes» et la volonté de certains États d'imposer «la loi du plus fort», dans une allusion à peine masquée aux États-Unis de Donald Trump, à la Russie de Vladimir Poutine et à la Chine de Xi Jinping.

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Le couple franco-allemand appelle donc à des actions communes pour «stabiliser» l'ordre mondial et protéger «ses normes, ses accords et ses institutions». Pour ce faire, l'alliance doit prendre la forme d'un réseau de pays aux valeurs communes, avec Paris et Berlin comme «moteurs et pivots».

Et Paris, qui dispose d'un des réseaux diplomatiques les plus importants au monde, s'est mobilisé pour promouvoir ce nouvel outil franco-allemand. Entre août 2018, quand Emmanuel Macron a mentionné une «crise du multilatéralisme», et mars 2019, lors du retour du ministre des Affaires étrangères d'Afrique du Sud, la France s'est entretenue avec huit pays — le Japon, l'Australie, le Canada, le Mexique, la Corée du Sud, l'Argentine, l'Inde et l'Afrique du Sud donc — pour «vérifier comment nous pouvons préserver nos intérêts dans un cadre de valeurs communes».

L'idée allemande a fait son chemin en France, qui accueillera et présidera le 45e sommet du G7 à Biarritz en août prochain. D'après plusieurs diplomates interrogés par L'Opinion, Emmanuel Macron envisagerait d'élargir le G7 à certaines de ces «puissances de bonne volonté»: l'Inde, l'Australie et le Mexique.

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Des choix qui seraient éminemment stratégiques pour… les États-Unis. En effet, le quotidien libéral, citant des sources du Quai d'Orsay, indique que l'intégration de ces pays permettrait de créer un «axe indopacifique» visant à contenir la puissance chinoise.

Parallèlement, Paris a d'ores et déjà écarté la possibilité de faire revenir la Russie, exclue du G8 en 2014 à la suite de la crise ukrainienne ou d'intégrer la Turquie, car elle «porte un projet civilisationnel différent du nôtre».

Une mise au ban de Moscou et d'Ankara qui se comprend mieux à la lecture des «nouveaux défis» auxquels l'Alliance pour le multilatéralisme ambitionne de répondre. À des valeurs européennes comme la défense des libertés individuelles s'ajoutent d'autres objectifs, plus discutables, comme la lutte contre la manipulation de l'information ou la régulation du numérique. Une optique assez peu multilatérale finalement…

 

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