John Knoll, co-créateur de Photoshop: «travailler sur Star Wars était vraiment intimidant»

De «Star Wars» à «Avatar» en passant par «Mission Impossible», oscarisé pour son travail sur le film «Pirates des Caraïbes», John Knoll est une véritable légende dans le domaine des effets visuels, Sputnik a rencontré l’homme qui s’avère être également le co-créateur de Photoshop. Entretien.
Sputnik

C'est une star dans le monde des effets spéciaux, mais si le nom de John Knoll ne vous dit rien, certaines de ses réalisations doivent, elles, vous rappeler de nombreux souvenirs. Superviseur des effets visuels chez Industrial Light & Magic (ILM), crée en 1975 par Georges Lucas, il a notamment travaillé sur les films Avatar, Pacific Rim, Star Wars, Abyss ou encore Mission Impossible, et a été oscarisé pour Pirates des Caraïbes. Sputnik a rencontré celui qui se trouve être également le co-créateur de Photoshop.

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Sputnik France: Comment êtes-vous venu à l'image de synthèse?

John Knoll: «À l'été 1978, Larry Cuba est venu faire une conférence à l'Université du Michigan sur la manière dont le parcours de la tranchée dans Star Wars avait été réalisé en images de synthèse. C'était ma première vraie découverte de l'image de synthèse. J'étais intéressé par l'image de synthèse (CG "Computer-Generated"), mais ce n'est pas quelque chose que j'ai poursuivi avant d'entrer chez ILM. J'y avais été embauché en tant qu'assistant de caméra pilotée par ordinateur, j'ai donc été opérateur de caméra pendant quelques années avant de passer au département CG d'ILM sur Abyss

Êtes-vous d'accord pour dire que la pop culture actuelle repose entièrement sur deux de vos hauts faits: la création de Photoshop et certains des effets du film Howard The Duck avec le logiciel d'effacement de câbles?

John Knoll: «Assez tôt dans mes 10 premières années chez ILM, j'étais allé au département CG et on m'avait fait faire le tour des outils qu'ils avaient et ce sur quoi ils travaillaient. Pendant ma visite, je les avais vu travailler sur le premier logiciel d'effacement de câbles pour Howard The Duck. Je me souviens avoir été très impressionné par leur technologie, je pensais que ce qu'ils réalisaient était vraiment étonnant. Ce type d'outil était donc vraiment susceptible de faire partie de notre avenir.»

ILM a utilisé le scanneur CyberWare [scanner 3D, ndlr] pour la première fois dans Star Trek IV. Était-ce le même que sur Abyss?

John Knoll: «C'était le même scanneur […] Sur Star Trek IV, ce n'était que des poses statiques, des scans uniques. [Pour Abyss, ndlr], nous avons eu besoin de faire deux choses: j'avais besoin d'obtenir suffisamment d'expressions différentes numérisées pour que nous puissions les animer entre elles, leur donner une apparence de vie et créer une représentation. Nous devions également prendre le résultat de cette animation et la fusionner avec le bout du tentacule.

D'ailleurs, lors du tournage d'Abyss, j'étais déjà sur le développement de Photoshop avec mon frère et je l'ai utilisé pour relier toutes mes prises de vues et les assembler sous forme de cube de réflexion.»

Vous avez travaillé avec James Cameron, sur deux films Abyss et Avatar. Sa vision a-t-elle évolué entre 1989, 2009, et aujourd'hui?

John Knoll: «C'est le même James Cameron que j'ai connu sur Abyss. C'est vraiment un gars intelligent. Par bien des aspects, c'est le client idéal. Ce que vous recherchez chez un client, c'est quelqu'un qui a du bon goût, qui a une vision claire de ce qu'il veut, et qu'il soit capable de clairement décrire leur vision, et de s'y coller. Je pense que tout cela est vrai en ce qui concerne Jim. Je me suis très bien entendu avec lui. Il est dur et attend que l'on se donne vraiment à fond, mais je crois que c'est ce que tout le monde attend d'ILM.»

Pour le film Mission Impossible, la séquence avec Tom Cruise sur le toit du TGV lancé à pleine vitesse, pourchassé par Jean Réno dans un hélicoptère, est toujours impressionnante, même aujourd'hui. Pouvez-vous nous raconter comme elle a été réalisée?

John Knoll: «La première chose sur laquelle j'avais travaillé, c'était le tournage des plans aériens. La scène est censée se dérouler en France, mais elle a été tournée en Écosse. On a donc tourné tous ces plans, on les a passés en revue puis nous avons fait des sélections. On a par la suite tenté de les assembler, en essayant de trouver un "sens" géographiquement parlant. Il n'y a, bien sûr, aucun véritable train dans le film. Dans les plans larges, ce que vous voyez est généré sur ordinateur, il n'y a d'ailleurs pas d'hélicoptère dans le film. Lorsque vous en voyez un, il est sorti d'un ordinateur.

Nous avions des morceaux de décor, il y avait un bout des deux premières voitures du train qui avait été construit dans le studio 007 à Pinewood, nous avions tourné sur fond bleu. Pour avoir cet effet de vent sur Tom Cruise, il était d'ailleurs très excité de pouvoir avoir ce vent très puissant, chose que vous avez lorsqu'un véhicule voyage à cette vitesse, on a utilisé un ventilateur de chute libre contrôlée. Le ventilateur était situé en dehors du studio, il y avait un large conduit de 2 mètres de diamètre qui acheminait l'air sur le plateau. Lorsqu'il était allumé, ça envoyait des vents à 240 km/h. Vous ne pouviez vraiment pas vous mettre debout parce que ça vous aurait juste fait voler. L'effet était donc très convaincant! Vous pouviez voir la peau bouger sur son visage, c'était génial!»

Au moment de la réalisation de Star Wars Épisode I (1997), ILM avait déjà fait beaucoup de personnages CG (Casper et Draco de Cœur de Dragon). Pourtant, vous avez mis la barre encore plus haute afin de donner vie au personnage de Jar Jar.

John Knoll: «C'était en effet un gros challenge. C'était l'effet visuel le plus avancé qui avait jamais été fait. J'étais habitué à ce que sur presque tous les projets sur lesquels on travaillait, il y avait une sorte de nouveau terrain à défricher, de nouvelles technologies à développer pour faire des images.
Lorsque l'on m'a exposé ce que nous allions devoir faire sur l'Épisode I, tout le film était dessiné sur 3.600 story-boards, avec George Lucas qui nous racontait l'histoire. Sur chaque plaque, il y avait quelque chose de nouveau. Nous n'avions aucune manière de le faire avec nos outils d'alors, je prenais donc des notes de tous les domaines qui allaient demander du travail de recherche et de développement et de nouveaux logiciels capables d'accomplir ça. C'était vraiment intimidant de voir le nombre de domaines sur lesquels nous allions devoir vraiment repousser les limites. De plus, cela devait être fait en très grandes quantités.»

Dans Rogue One, redonner vie à Tarkin [Peter Cushing] a dû être très difficile?

John Knoll: «Ce que nous avons fait, c'est recréer un personnage qui était bien connu du public par le passé. De l'avoir fait en CG, n'est théoriquement pas si différent comparé à comment des figures historiques ont été refaites dans d'autres films. Dans de nombreux cas, des efforts sont faits pour améliorer la ressemblance en faisant en sorte que le l'acteur ressemble le plus possible au personnage joué. Parfois, c'est réalisé avec un peu de maquillage, parfois c'est fait avec des prothèses très élaborées. Dans ce cas précis, nous avons utilisé l'image de synthèse. Conceptuellement, ça ne fait pas de différence.»

Selon vous, réaliser l'humain virtuel parfait est-il le Saint Graal de l'imagerie numérique?

John Knoll: «Le Saint Graal? Je ne sais pas. Un challenge? Oui!»

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