Pourquoi l'Allemagne s'inquiète de l'influence russe dans l'Est de la Méditerranée

La campagne militaire russe en Syrie est un succès, constatent les analystes de l'Institut allemand des relations internationales et de sécurité dans un rapport. L'auteur du document est convaincu que l'Occident doit se joindre à la reconstruction post-conflit de la république arabe, sinon Moscou renforcera encore plus son influence dans la région.
Sputnik

Le rapport de l'Institut allemand des relations internationales et de sécurité que la chaîne RT a pu consulter a noté les succès de Moscou en Syrie. Il y est indiqué que les pays de l'Otan doivent être «prêts à coopérer avec la Russie» mais «sous certaines conditions». Les experts interrogés par RT supposent que les pays de l'Otan continueront d'insister sur le changement de pouvoir en Syrie et voudront participer aux projets bénéfiques dans la république.

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D'après les analystes, «la Russie a globalement gagné la guerre dans la république» et à présent l'Occident devra se joindre à la reconstruction du pays afin d'empêcher Moscou de s'affirmer dans l'Est de la Méditerranée.

Cet institut allemand prépare des recommandations pour le gouvernement allemand, ainsi que pour l'UE, l'Otan et l'Onu, et reçoit des subventions validées par le Bundestag dans le cadre du budget fédéral.

«En ce qui concerne les problèmes liés au rôle de l'entité étatique, la reconstruction de la Syrie reste le principal levier de l'Occident pour les régler. Sur ce théâtre, l'Occident doit être capable d'empêcher la Russie de transformer l'Est de la Méditerranée en son «arrière-cour», tout en étant prêt à coopérer avec Moscou sous certaines conditions afin de garantir la stabilité en Syrie», stipule le rapport.

De plus, les experts pensent que la Russie pourrait contribuer à ce que Bachar el-Assad reste à la tête du pays.

«En cas de non-ingérence d'autres États, Moscou pourrait obtenir en Syrie une base navale et une base aérienne, et faire en sorte que le pays continue d'être dirigé par un criminel de guerre qui ne parviendra jamais à rétablir son autorité sur la scène internationale, ainsi que par un tas de chefs de guerre guidés par l'appât du gain», écrit l'auteur du rapport de l'Institut allemand des relations internationales et de sécurité.

Les puissances occidentales (États-Unis, Allemagne, Royaume-Uni, France) ont déclaré qu'elles n'apporteraient pas leur aide dans le rétablissement de la Syrie tant qu'un «véritable processus de paix» ne serait pas lancé dans le pays.

«Nous déclarons clairement que nous ne soulèverons pas la question d'une aide ou d'un soutien quelconque pour la reconstruction tant qu'un véritable processus de paix irréversible, digne de confiance et substantiel n'aura pas débuté», indique le document publié sur le site du département d'État américain à l'occasion du 8e anniversaire du début du conflit en Syrie.

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Les intérêts occidentaux

Selon Alexeï Moukhine, directeur général du Centre d'information politique, les analystes allemands appellent tout d'abord leur gouvernement à entamer une mission humanitaire en Syrie afin de mener ensuite dans cette république arabe des projets économiques et sociaux susceptibles d'intéresser Berlin.

«De toute évidence, el-Assad restera le dirigeant légitime et les pays occidentaux devront s'y résigner. A l'étape actuelle, les Allemands, pragmatiques, ont l'intention de sauter dans le dernier wagon du train qui part sans se retourner vers les USA, pour obtenir de bonnes positions pour leurs entreprises en Syrie à l'avenir», a déclaré le politologue.

Pendant ce temps, c'est la Russie qui apporte le principal soutien à la Syrie dans la reconstruction des sites d'infrastructure, des routes, et du système d'alimentation en eau et en électricité. Moscou organise également le retour de réfugiés dans leur foyer.

«Le principal problème est celui du rétablissement du pays. Et c'est bien l'objectif du gouvernement syrien. De plus, nous assistons à l'établissement d'un dialogue entre l'opposition et le pouvoir, qui est soutenu par la Russie. Mais des actions concertées sont nécessaires pour reconstruire tout ce qui a été détruit durant le conflit», ajoute Vladimir Olentchenko du Centre d'études européennes de l'Institut d'économie mondiale et des relations internationales de Moscou affilié à l'Académie des sciences de Russie.

De son côté, Iouri Potchta, professeur à la chaire de politologie comparative à l'Université russe de l'amitié des peuples, pense que la reconstruction de la Syrie n'intéresse pas les pays occidentaux.

«La Syrie a été pratiquement détruite, mais cela importe peu pour l'Occident. Il veut affaiblir l'ennemi, puis lui proposer une aide soi-disant gratuite pour la reconstruction. La coalition a buté sur la Syrie. Jusque-là, le renversement de régimes politiques se déroulait selon le plan: l'Irak, la Libye, l'Afghanistan. La Syrie et l'Iran devaient être les prochains sur la liste», explique-t-il.

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D'après l'expert, Moscou n'a pas l'intention de renforcer sa présence militaire en Syrie, et encore moins de menacer les pays de l'Otan.

«La Russie n'a pas de projets coloniaux. Nous avons notre propre pays, immense, à gérer. Cependant, il faut maintenir l'ordre international et la sécurité dans la région», conclut Iouri Potchta.

Le «défi» russe

Cependant, les analystes allemands pensent que la puissance grandissante de la Russie en Méditerranée constitue un défi pour l'Otan. Sachant que les alliés ne se sont pas encore mis d'accord concernant la situation sur le flanc sud de l'Alliance.

«Sur le flanc sud, l'Otan est confrontée à deux catégories de risques. Premièrement, la montée de sujets non étatiques agressifs, l'inconsistance des États et la sécurité humanitaire. Deuxièmement, l'Otan doit régler les problèmes liés au renforcement de la présence militaire russe à l'Est de la Méditerranée», explique l'auteur du rapport.

Le document indique que dans la région méditerranéenne, il faut assurer la sécurité dans l'eau, lutter contre la traite des êtres humains, contre l'afflux de terroristes dans les pays de l'Alliance, ainsi que «s'opposer aux aspirations de la Russie».

L'institut allemand souligne également que l'opérationnalité de la Russie a augmenté après l'«intervention» en Syrie.

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Moscou agit sur le territoire de la république arabe à la demande des autorités syriennes légitimes — il est donc étrange de parler d'une «intervention» dans ce contexte.

«En parfaite conformité avec le droit international, à la demande du gouvernement légitime, du Président du pays, il a été décidé de lancer notre opération militaire», a rappelé Vladimir Poutine.

L'armement russe suscite également l'inquiétude des analystes étrangers. Ces derniers sont préoccupés par l'utilisation de missiles de croisière Kalibr. L'auteur de l'étude considère comme un succès significatif pour Moscou l'usage de missiles à partir de navires de guerre en mer Caspienne en 2015, ainsi que de sous-marins en 2015 et 2017.

«L'Otan devrait prêter attention aux conséquences stratégiques de cette tendance. Désormais, la marine russe est capable d'utiliser ses navires relativement petits pour lancer des frappes avec des armements conventionnels de longue portée, ainsi que d'envoyer ses sous-marins pour attaquer des cibles stratégiques sur le territoire ennemi, sans pour autant franchir le seuil nucléaire», constate l'article de l'Institut allemand.

Auparavant, le potentiel de ces missiles avait déjà été abordé par le Collège de défense de l'Otan. L'usage de Kalibr a apporté à la marine russe une «grande flexibilité», avaient noté les experts.

«Grâce à la dotation en Kalibr de navires modernisés (par exemple de plusieurs navires anti-sous-marins du projet 1155) et de sous-marins (comme les Anteï) de l'époque soviétique, ainsi que de navires récents (des patrouilleurs de classe Vassili Bykov aux frégates plus grandes de classe Amiral Gorchkov et aux sous-marins polyvalents de classe Iassen M), la Russie dispose aujourd'hui de capacités sans précédent permettant de détruire des cibles terrestres par des frappes non stratégiques en utilisant des armes nucléaires et conventionnelles», affirmait le Collège de défense de l'Otan.

Le missile Kalibr a déjà prouvé son efficacité en Syrie. Dans les années à venir, le ministère russe de la Défense compte produire des missiles identiques en version sol-sol.

«D'ici 2019-2020 nous devons élaborer la version terrestre du Kalibr mer-sol avec un missile de croisière de plus grande portée, qui a fait ses preuves en Syrie. Au cours de la même période nous devrons créer un missile hypersonique de longue portée sol-sol», a déclaré début février le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou.

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Les «sauveteurs» de l'Otan

L'Otan avait précédemment exprimé des craintes concernant la présence militaire de la Russie en Méditerranée. L'an dernier, la porte-parole de l'Alliance Oana Lungescu a déclaré que l'organisation surveillait le renforcement des forces navales russes dans la région.

«L'Otan contrôle la situation dans l'Est de la Méditerranée, où la Russie a déployé des forces conséquentes, notamment des navires armés de missiles», a-t-elle écrit sur Twitter après les exercices conjoints de la marine et de l'aviation russes en mer.

Selon Oana Lungescu, «il est important que toutes les parties fassent preuve de retenue dans la région».

Les positions de l'Alliance s'affaiblissent après la campagne réussie de la Russie en Syrie, indique le politologue Iouri Potchta. Et d'ajouter que l'Otan «cherche de nouveau un prétexte pour poursuivre son expansion».

«L'Otan motive sa politique agressive par la "terrible menace russe". Deux navires sont arrivés en Méditerranée et cela a provoqué un scandale et l'effroi. C'est une couverture idéologique servant à maintenir et à agrandir l'Alliance, une structure qui contrôle tous les acteurs», conclut l'analyste.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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