Le Canada étanche-t-il sa soif d'or à un prix humain et écologique inacceptable? C'est en tout cas ce que laissent entendre les régulières controverses qui ont éclaté au Mexique depuis les années 2000.
À cette époque, le sous-sol mexicain s'est ouvert à de nouvelles sociétés minières. Les sociétés canadiennes Blackfire Exploration, Almaden Minerals et Goldcorp font notamment partie de ces nouvelles venues. Elles sont encore aujourd'hui la cible de militants autochtones, qui les accusent de bafouer leurs droits. Cette nouvelle ruée vers l'or contribuerait aussi à dévaster des écosystèmes, qui font partie de leurs territoires ancestraux.
«La lutte des Autochtones s'est transformée avec l'arrivée des minières. D'une lutte contre les grands propriétaires, les usuriers de village et la fraude électorale locale, nous sommes passés à une lutte pour le territoire. À partir des années 2000 jusqu'à aujourd'hui, les communautés sont passées d'une lutte locale à une lutte identitaire autochtone», a expliqué le professeur en entrevue avec Sputnik France.
Des compagnies minières mexicaines et chinoises exploitent aussi des gisements d'or au Mexique, mais les entreprises canadiennes représentent 60% de l'activité dans ce domaine. Le gouvernement canadien a mis en place différentes stratégies pour protéger les intérêts de ces entreprises. L'ambassade canadienne à Mexico serait devenue un véritable «lobby minier» avec l'arrivée au pouvoir de Stephen Harper en 2006.
«C'est le grand changement apporté par l'ancien Premier ministre Stephen Harper. Avant lui, les compagnies devaient s'arranger avec les gouvernements locaux. Avec Harper, les ambassades canadiennes, partout en Amérique latine et au Mexique en particulier, ont commencé à recevoir des ordres. On a dit aux ambassades qu'elles étaient maintenant aux services des intérêts canadiens. Au Mexique, les intérêts canadiens sont ceux des entreprises minières», a souligné M.Beaucage en entrevue.
«Les gouvernements locaux [de l'État du Chiapas, ndlr] se laissent facilement convaincre par une mission diplomatique comme le Canada et ils la prennent très au sérieux. Nous pensons que l'appui du Canada à l'entreprise Blackfire auprès des gouvernements locaux a fait augmenter le risque pour Mariano Abarca, ce qui a mené ultimement à son assassinat», déclarait M. de los Santos en février 2018.
«On a fait des protestations à l'ambassade canadienne à Mexico. L'ambassade a bloqué toutes les protestations et n'a rien acheminé, contrairement à ce qu'elle a dit. Il aura fallu que les gens du Chiapas se rendent à Ottawa pour déposer eux-mêmes leur plainte. On leur a dit que le Canada allait créer un ombudsman [personne chargée de les représenter, ndlr] pour s'occuper des violations des droits de l'homme liées aux entreprises canadiennes à l'étranger […] Mariano Abarca a révélé que l'ambassade avait saboté le processus de protestation», a relaté l'interlocuteur de Sputnik.
Le professeur affirme qu'il s'agit «d'un désastre écologique fondé sur une non-reconnaissance des droits des Autochtones à leur territoire.»
La réputation du Canada est de moins en moins bonne au Mexique, constate Pierre Beaucage. Si les deux pays se sont entendus sur un nouvel accord de libre-échange (ACEUM), le dossier des minières pourrait finir par affecter leur relation.