Centrafrique: la composition du nouveau gouvernement met en péril le 8e accord de paix

Depuis la formation du nouveau gouvernement en Centrafrique le 3 mars, les démissions s'enchaînent. Des groupes armés, qui s'estiment insuffisamment représentés, dénoncent un gouvernement qui ne respecterait pas l'accord de paix de Khartoum, mettant en péril ce dernier. L'Union africaine appelle au «calme et à la retenue».
Sputnik

La formation du nouveau gouvernement en République centrafricaine (RCA) est loin de faire l'unanimité. Beaucoup de mouvements, surtout du côté des groupes armés, dénoncent depuis sa constitution le manque de changement au sein du gouvernement et le non-respect de l'inclusivité, pourtant promise dans l'accord de paix de Khartoum signé en février dernier. De fait, aucun ministère régalien n'a changé de titulaire. En conséquence, cinq groupes armés signataires ont estimé être insuffisamment représentés et ont désavoué la nouvelle équipe.

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Le noyau dur d'une vingtaine de ministres proches du Président Faustin-Archange Touadéra, qui occupe les ministères régaliens, est resté en place. Une petite dizaine de représentants des groupes armés a cependant fait son entrée dans le gouvernement, mais les groupes armés attendaient davantage de postes et des portefeuilles plus importants. Pourtant, aucune mention de quota ni de précision sur le partage des ministères ne figure dans l'accord de Khartoum. C'est donc un bras de fer politique qui s'est engagé.

Depuis dimanche 3 mars, les démissions s'enchaînent, avec en prime des menaces sur l'avenir du 8e accord de paix. Le FPRC (Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique) de Noureddine Adam, l'un des principaux groupes armés de Centrafrique, a annoncé son retrait d'un gouvernement qui, selon lui, n'est pas inclusif. Son conseiller politique et porte-parole, Abakar Sabone, a même lancé au Président Touadéra un ultimatum pour qu'il mette en place un gouvernement conforme au document signé en février dernier. Il s'est également adressé aux garants de l'accord de paix de Khartoum, notamment à l'Union africaine, le principal artisan de ce texte, en leur demandant de mener «les actions idoines de conciliation et d'arbitrage».

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Le FDPC (Front démocratique du peuple Centrafricain) d'Abdoulaye Miskine, qui pour sa part n'est pas représenté au gouvernement, a suivi. Il a annoncé son retrait «pur et simple du processus de paix» en cours dans son pays. Le Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice (MLCJ) d'Ali Abdaraman, qui parle d'un gouvernement «exclusif et discriminatoire», appelle le Président et son Premier ministre à revoir leur copie. Enfin, le MPC (Mouvement patriotique pour la Centrafrique) de Mahamat al-Khatim considère désormais que l'accord de paix négocié à Khartoum est «caduc».

Lundi 4 mars, le nouveau Premier ministre, Firmin Ngrebada, a pour sa part estimé que ce gouvernement «obéit aux arrangements» conclus entre les autorités et les groupes armés lors des négociations à Khartoum qui ont précédé la signature de l'accord.
Le nouveau gouvernement est «le début du processus que nous avons retenu ensemble» entre autorités et groupes armés, a tempéré M. Ngrebada, soulignant que Bangui allait «par la suite […] élargir la base de la participation de tous à la gestion des affaires du pays.»

Le 5 mars, le président de la commission de l'Union africaine (UA), le tchadien Moussa Mahamat Faki, a publié un communiqué qui ménage la chèvre et le chou:

«Le président de la commission prend note du remaniement ministériel effectué par le Président Faustin Archange Touadera, le 3 mars 2019, et souligne qu'il s'agit là d'une étape vers une gouvernance inclusive et représentative en République centrafricaine, tel que prévu par l'accord. Le Président de la commission prend également note des déclarations faites par certains signataires de l'accord à la suite de la nomination du nouveau gouvernement.»

Tout en appelant «au calme et à la retenue», Moussa Mahamat Faki souligne l'importance de toujours faire recours à l'article 34 de l'accord de Khartoum pour toutes revendications. Il indique que les signataires s'engagent à «renoncer […] à tout recours à la force armée pour le règlement de quelque différend». Ils peuvent saisir les facilitateurs de l'accord, l'UA en premier chef, pour «conciliation et, à défaut, arbitrage».

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Comme pour réaffirmer l'engagement de son Institution à soutenir le processus de paix en cours dans le pays, Moussa Maahamat Faki, président de la commission, annonce la tenue le 18 mars prochain d'une réunion de consultation des parties prenantes à Addis Abeba.

Cet accord de paix, soutenu par tous les partenaires de Bangui et préparé depuis 2017 par l'UA, est le huitième signé depuis le début de la crise en 2013. Aucun des précédents accords n'a abouti à un retour de la stabilité, pas plus que la présence de la MINUSCA (mission de maintien de la paix en Centrafrique des Nations unies), déployée en 2014 et forte de 11.000 Casques bleus.

 

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