Wall Street signe l'arrêt de mort des producteurs de schiste américains

Les compagnies de schiste américaines sont confrontées à un manque cruel de financement. L'an dernier, l'apport des investisseurs de Wall Street a été divisé par deux par rapport à 2016. Par rapport à 2012, les investissements ont diminué de deux tiers.
Sputnik

Privés d'argent, les producteurs de schiste américains réduisent les budgets et misent sur la hausse des prix. Toutefois, comme l'a récemment déclaré le patron de BP Robert Dudley, plus rien ne pourra aider le secteur car il s'agit d'un «marché sans cerveau». Qu'arrive-t-il au marché du pétrole de schiste et pourquoi les investisseurs lui tournent-ils le dos?

Des pertes

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Entre 2010 et 2014, le développement des technologies et les prix élevés du baril avaient conduit à un sursaut des investissements dans la production pétrolière sur les gisements de schiste. Mais en 2015, le cours pétrolier a fortement chuté et les producteurs de schiste ont dû se battre pour survivre.

Une centaine de producteurs ont fait faillite avec une dette totale de plus de 70 milliards de dollars. Face à la réduction des investissements, les compagnies ont fait appel à leur propre capital en réduisant les dépenses pour rester à flot. Grâce à l'amélioration de l'efficacité des technologies de production, le marché est reparti en 2017 et les investissements ont augmenté de 60%. Mais le secteur est encore loin d'être rentable.

«Les milliers de puits de gisements de schiste creusés ces cinq dernières années apportent moins de pétrole et de gaz que ne le promettaient leurs propriétaires aux investisseurs. Ce qui amène à se demander si le forage de schiste, auquel sont liés les espoirs de transformation des USA en superpuissance pétrolière, est réellement prometteur et rentable», constate le quotidien The Wall Street Journal.

D'après la société norvégienne Rystad Energy, la grande majorité des compagnies de schiste américaines pourraient produire 10% de moins de pétrole et de gaz que prévu. Dans certaines régions, l'écart se chiffrera à 50%.

Ces trente prochaines années, les producteurs de schiste extrairont près d'un milliard de barils de pétrole et de gaz de moins que les prévisions initiales, soit un écart de 30 milliards de dollars sur cette période.

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Parmi les compagnies dont le niveau factuel de production sera inférieur aux pronostics figurent les deux plus grands producteurs de pétrole et de gaz dans le bassin permien du Texas occidental et du New Mexico: Pioneer Natural Resources et Parsley Energy.

Des investisseurs trahis

A l'heure actuelle, les États-Unis ont atteint une production pétrolière record de 11,5 millions de barils par jour, en grande partie grâce au boom du schiste. Toutefois, précise le WSJ, il sera très difficile de maintenir des indicateurs aussi élevés: les opérateurs doivent creuser de plus en plus de puits, ce qui représente des frais colossaux. Mais il n'y a plus d'argent. Depuis octobre, les prix du pétrole brut ont chuté de presque 40%. Les dépenses doivent donc être réduites, sans que des investissements importants soient prévus pour autant.

Pour les investisseurs, les compagnies de schiste sont une «brebis galeuse», constate FactSet, société internationale spécialisée dans le marché des données financières. Depuis 2007, l'indice des actions des producteurs de schiste américains a chuté de 31%, alors que le S&P 500 affiche une hausse de 80%.

Les analystes expliquent qu'en dix ans, ce secteur n'a pas réussi à justifier les espoirs qu'il avait suscités. Selon la société Evercore ISI, les compagnies énergétiques ont dépensé 280 milliards de dollars de plus qu'elles n'en ont gagné sur la production pétrolière et gazière durant cette période.

L'an dernier, les compagnies de schiste américaines n'ont gagné que 22 milliards de dollars sur les marchés des actions et des obligations, soit deux fois moins par rapport au résultat de 2016 et seulement un tiers du bilan de 2012, selon les calculs des analystes de Dealogic.

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«Fatigués de perdre de l'argent»

«Les investisseurs sont fatigués de perdre de l'argent. Beaucoup d'entre eux disent déjà aux compagnies que si le secteur ne devenait pas plus discipliné, ils ne reviendront pas», déclare Todd Heltman, analyste en chef du secteur énergétique chez Neuberger Berman Group, l'une des principales sociétés de gestion d'actifs, qui détient des actions de producteurs de schiste.

D'après les experts, les producteurs de schiste sont entrés dans un cercle vicieux. La particularité de ce secteur est l'épuisement rapide des puits: rapidement après la fin du forage, la production sur les champs de schiste chute brusquement, et il n'est plus question des volumes de production initiaux.

Pour compenser, les compagnies doivent accroître le nombre de nouveaux puits, ce qui est impossible sans dépenses supplémentaires, indique le patron de la société Schlumberger Paal Kibsgaard. Mais les investisseurs ne veulent pas acheter les actifs des compagnies qui ont augmenté leur budget de forage, car on ne peut pas compter sur une hausse du cours.

«Il y a quelques années, tout le monde voulait investir dans les projets de schiste prometteurs. Trop nombreux ont été ceux qui s'y sont brûlés les ailes, c'est pourquoi personne ne souhaite investir aujourd'hui», déclare Scott Roberts d'Invesco.

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La réduction des budgets

La forte pénurie d'investissements pousse les compagnies à revoir leur plan de production. Dès décembre, les producteurs de schiste ont adopté un régime d'austérité en réduisant les budgets pour l'année en cours — pour la première fois depuis plusieurs années. Les grands producteurs tels que Centennial Resource Development, Diamondback Energy et Parsley Energy ont réduit les dépenses prévues d'environ 15%.

Au total, plus de dix producteurs ont annoncé une réduction des dépenses malgré une hausse de plus de 20% des prix par rapport aux minimums de décembre.

La dépendance absolue des cours pétroliers est l'un des principaux problèmes du secteur de schiste.

Le patron de BP Robert Dudley déplore notamment que «contrairement à l'Arabie saoudite et la Russie, qui régulent la production en fonction de la demande, le marché américain du pétrole de schiste réagit uniquement aux prix».

«Les États-Unis sont le seul pays qui réagit ainsi aux signaux du marché, c'est un marché sans cerveau», a-t-il constaté.

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Avec un baril WTI à hauteur de 57 dollars, même une hausse insignifiante du coût des emprunts serait suffisante pour priver cette année certaines compagnies de tous leurs revenus potentiels.

«Le baril WTI doit se maintenir à hauteur de 60 dollars pour pouvoir lancer de nouveaux projets», a souligné John Hess, chef de l'une des plus grandes compagnies de schiste américaines Hess, pendant le forum économique international de Davos. C'est précisément le montant nécessaire pour les producteurs de schiste.

Toutefois, même en cas de conjoncture tarifaire favorable, le potentiel de production de schiste est fortement limité. Selon les prévisions de Hess, dans les années à venir les producteurs de schiste ont toutes les chances d'accroître leur part dans l'offre mondiale jusqu'à 10%, mais ensuite la hausse s'arrêtera à cause de l'épuisement des réserves.

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