Haïti: pauvreté, corruption, fraude… «nous sommes très proches d’une crise humanitaire»

Haïti traverse une grave crise depuis le 7 février. À Port-au-Prince, les manifestations se succèdent pour dénoncer la corruption et la mauvaise situation économique. Selon l’ex-candidat à la présidentielle et chef du parti d’opposition UNIR, Clarens Renois, le Président Moïse contribue à diviser la population. Sputnik l’a interviewé.
Sputnik

Les violences et les manifestations se multiplient en Haïti depuis le 7 février. Ce pays des Antilles d'environ 11 millions d'habitants vit de graves troubles politiques. À tel point que des observateurs craignent que la situation ne dégénère rapidement en crise humanitaire. C'est du moins ce qu'affirme à Sputnik Clarens Renois, candidat à l'élection présidentielle de décembre 2016 et chef de l'Union Nationale pour l'Intégrité et la Réconciliation (UNIR), de centre-gauche.

«Nous sommes très proches d'une situation de crise humanitaire. Je crois même que les États-Unis ont prévu d'envoyer de l'aide humanitaire, car il n'y a plus d'eau, il n'y a plus d'essence dans les stations-service. Il n'y a pas non plus de gaz propane, etc. Il y a donc une vraie crise humanitaire en perspective si la situation de blocage devait durer», a affirmé M. Renois en entrevue avec Sputnik France.

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Mais quels sont les principaux facteurs expliquant la crise? Clarens Renois en identifie plusieurs. Le problème est d'abord «socioéconomique». Dans l'histoire récente, toutes les crises politiques en Haïti auraient été en partie déclenchées par la pauvreté.

«Il y a évidemment d'abord la situation socioéconomique catastrophique. Il y a environ 70% de chômeurs dans la population active et le taux d'inflation est très élevé. Le PIB est aussi très faible avec un taux de croissance pratiquement nul. […] C'est un facteur assez important, car la population vit dans une grande misère. Il y a des régions où les gens sont en alerte de sous-alimentation», a affirmé M. Renois.

Combinée à la précarité, l'augmentation du prix des denrées a contribué à faire naître le mouvement de contestation. Le Président Jovenel Moïse est accusé de ne pas tenir sa promesse d'améliorer la qualité de vie de la population. Il faut aussi comprendre qu'Haïti importe entre 75% et 80% de ses produits, ce qui le maintient dans un état de dépendance à l'égard de l'étranger.

«Ces derniers mois, le prix des produits de première nécessité a considérablement augmenté, ce qui fait que la population a de la difficulté à se nourrir. C'est un aspect important. Le pays ne produit pratiquement rien. Ce pays importe pratiquement tout», a souligné le chef de l'Union Nationale pour l'Intégrité et la Réconciliation.

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Si le problème est économique, il est aussi fondamentalement politique. La popularité du Président Moïse déclinerait à vue d'œil. Arrivé au pouvoir en février 2017, sa légitimité serait maintenant largement contestée.

«Le facteur politique est lié au fait que le Président n'avait pas beaucoup de légitimité populaire. Il a été élu par moins de 20% du corps électoral. Il y a aussi beaucoup de suspicion [de fraude, ndlr] électorale en sa faveur», a mentionné M. Renois.

Le mandat du Président Moïse a déjà été marqué par plusieurs scandales politico-financiers. La colère populaire est liée au scandale du Petrocaribe, ce prêt accordé à Haïti par le Venezuela. Comme l'ancien Président Michel Martelly, Jovenel Moïse aurait dépensé des fonds des Petrocaribes sans que les gens ne sachent comment.

«Il y a le facteur de la corruption. Une enquête a été ouverte sur le Fond Petrocaribe, un programme financé par le Venezuela à la hauteur de plusieurs milliards de dollars pour aider Haïti. Malheureusement, l'argent n'a pas été bien dépensé. Des firmes ont eu de gros contrats et les projets n'ont pas été réalisés. Il se trouve que M. Jovenel Moïse, qui a aussi des firmes, a bénéficié de ces contrats. […] C'est ce qu'a révélé la Cour supérieure des comptes d'Haïti. Le nom du Président figure parmi les personnes présumées responsables de cette vaste corruption», a dénoncé notre interlocuteur.

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Clarens Renois critique aussi le style de gouvernance du Président Moïse, qu'il accuse de diviser la population et de «refuser tout dialogue». Non seulement le Président dirigerait dans l'intérêt de quelques riches, mais le «ton arrogant» de ses derniers discours aurait jeté de l'huile sur le feu. En associant les manifestants au crime organisé, le Président continuerait également à détériorer le climat social.

Le politicien explique qu'«au fil de ses deux années de gestion, le Président s'est fait beaucoup d'ennemis dans les autres partis politiques par sa façon de diriger et parce que les gens ont compris qu'il dirigeait pour une partie de la classe aisée.»

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